Magazine : le basket féminin

17 avril 1994
06m 43s
Réf. 00605

Notice

Résumé :

Reportage sur le basket féminin d'Eyres Moncube dans les Landes. En huit ans, le club de basket féminin est monté d'une division par an jusqu'à la National 1B.

Type de média :
Date de diffusion :
17 avril 1994
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Thèmes :

Éclairage

Bien après le rugby et le football, le basket arrive dans les Landes dans les années 1930, mais les premières équipes sont masculines comme celle des « Écureuils de Luxey » créée en 1930 autour d'une société de football-association ; dès 1932, trois petites communes créent leur club : les « Cadets de Chalosse » de Gaujacq (400habitants), la « Jeunesse sportive » de Laurède et l' « Union Sportive » de Larbey. Progressivement, les équipes féminines se créent et ce sport trouve sa place dans des « niches » en bénéficiant de l'émulation des réseaux pour une même pratique, de l'imitation de proximité des villes et villages de petites régions aux caractéristiques géographiques particulières et d'un sport mixte où le nombre des féminines ne cesse de croître.

Le village d'Eyres-Moncube (environ 350 habitants) est exemplaire de cette réussite du basket féminin. Tout a commencé avec l'Union Sportive Eyres (USE) dont l'équipe féminine gravit rapidement les échelons en progressant d'une division par an jusqu'au haut niveau sous la direction de Dominique Lafargue. Lui succède ensuite le EFC Basket (réunissant 3 villages : Eyres, Fargues et Coudures), pérennisant ainsi la présence remarquée du basket féminin. Pour se maintenir au haut niveau de manière plus structurée qu'à l'époque de l'USE, le Comité des Landes de basket favorise la création d'une nouvelle structure en 2003, Basket Landes qui accède en 2006 en National féminine 1.

Basket Landes est fière de son origine liée au village d'Eyres-Moncube, même si le club est maintenant basé à Mont-de-Marsan et si les matchs sont joués à Saint-Sever. Pour leur première saison en NF1, les joueuses de Basket Landes terminent deuxième ex-æquo avec Dunkerque, derrière Reims. Elles ont un excellent parcours en Coupe de France, où après avoir réalisé l'exploit d'éliminer Montpellier, elles chutent avec les honneurs face à une grande équipe de Bourges en quart de finale. Lors de la saison 2010-2011, Basket Landes obtient la cinquième place du championnat et se qualifie pour l'Eurocoupe. Le club joue la stabilité pour la saison suivante, avec un effectif presque inchangé. Une nouvelle salle de 2 400 personnes doit remplacer en 2015 l'actuelle salle Laloubère de 1 000 places et permettre de fidéliser un large public.

Au-delà de son équipe fanion, le basket féminin dans le sud des Landes, et particulièrement en Chalosse, reste enraciné dans ses villages et fournit un bel exemple de territorialisation sportive. Avec les bandas, les arènes de courses landaises et le rugby, il fait vivre les héritages identitaires inclus dans les patrimoines territoriaux. Ces formes associatives créent du lien social et participent à une identité festive locale très originale. L'analyse mérite d'être approfondie dans une perspective anthropologique en prenant en compte la singularité du genre dans une région où la domination masculine en rugby, comme dans d'autres domaines, reste la norme.

AUGUSTIN J.P. et CALLÈDE J.P., dir., 1995, Sport, relations sociales et action collective, Pessac, MSHA

CHABOCHE J., Les collectivités face à l'intercommunalité sportive, Pouvoirs locaux, 2001, n°49, p.41-46

DESSIS J., 1977, Un demi-siècle de basket landais, Comité des Landes de basket

Jean-Pierre Augustin

Transcription

Journaliste
Il est un pays enraciné dans la terre des Landes, où la vision parfois surréaliste d’un paysage peut masquer une passion. Seulement, ce panneau-là voyez-vous n’a rien d’un leurre. Il est l’emblème d’une croyance forte, ancrée dans ce village de Chalosse, situé à 15 kilomètres de Mont-de-Marsan, prononcé Eyre-Moncube. Et attention à la prononciation. Les Eyrois sont 317 habitants, et ils respirent tous le basket. La preuve, 317 âmes qui vivent, 122 licenciés répartis en 12 équipes dont sept sont féminines. Le haut niveau est pratiqué par les filles de Nationale 2. Elles accèdent d’ailleurs cette saison à la Nationale 1B. Conclusion provisoire peut-être d’une très belle histoire, au centre de laquelle on trouve Dominique Lafargue, l’entraîneur. Ces femmes, il les a connu jeunes filles ou gamines, cadettes ou bien encore minimes, elles ont grandi, évolué, muri. Elles ont passé des caps pour monter d’une division par an. Résultat, sept ascensions en huit ans, c’est grand non, allez, secret !
Dominique Lafargue
Je crois que leur force, c’est d’abord leur mental, et peut-être je dirais bien tout simplement l’amour du maillot, parce que ça existe encore chez nous. Il faut dire qu’il n’y a aucune professionnelle dans l’équipe, ce sont toutes des filles amateurs. Certaines travaillent, d’autres sont encore à l’école. Nous donnons en tout cas simplement pour venir, que les frais et les dédommagements de déplacement. Et je trouve que pour faire ce qu’elles font à ce niveau-là, c’est exemplaire.
Journaliste
Puis, ce basket des copines se conjugue toujours au présent.
Nelly Fargues
C’est-à-dire que faire du basket au niveau où on est, c’est plus pour le plaisir que pour l’argent. Je préfère m’amuser qu’aller gagner de l’argent. Puis de toute façon, ça ne dure pas longtemps.
Journaliste
À Eyre-Moncube, on n’échappe pas à la tradition du sud-ouest, celle des oies ou bien des canards, l'une des richesses de la région. Magret, confit, foie gras oblige alors, évidemment, gavage. Et chez les Dutoya, père et fils perpétuent la tradition. D’ailleurs, pour Jean Dutoya, maire d’Eyre, les traditions méritent qu’on s’y attarde, qu’on s’y attèle, que ce soit gavage ou basket, au fait là-bas, prononcé basket. Un basket qui cause quelques soucis question subvention et finance.
Jean Dutoya
La subvention, non, c’est-à-dire que c’est plutôt les équipements sportifs, le hall des sports qui a été aménagé pour un coût quand même assez élevé cette année. Je pense qu’il fallait le faire, sans quoi, cette équipe ne pouvait pas jouer, d’autant plus que le terrain n’était plus aux normes ; des normes qui sont imposées par la fédération française de basket. La subvention de la commune, elle est de 30 000, c’est-à-dire qu’elle est à 5 francs par habitant.
Journaliste
Et nos Eyrois boivent, non pas pour oublier la subvention, non ! Mais plutôt pour discerner plus clairement encore les problèmes à résoudre. Exemple, au terme de la rencontre de ce soir, un cocktail est prévu. Seulement, pas de chauffage dans le local. Et alors, système D ?
Inconnu 1
Oh, le chauffage, il faut chercher le chauffage.
Inconnu 2
Oh, le chauffage.
Inconnu 3
Demain, à quelle heure ils vont à la messe ?
Inconnue 1
À 8 heures et demie.
Inconnu 3
8 heures et demie.
Inconnu 2
Juste pour la messe.
Inconnu 3
Juste pour la messe, ou tu viens à la messe, et tu reviens au chauffage.
(Bruit)
Dominique Lafargue
Il faut que vous ayez conscience que des matchs comme ça, il y a beaucoup de filles qui voudraient jouer. La chance d’aller jouer, c’est bien. Après, ce qu’on vous demande surtout, c’est de donner le meilleur de vous-mêmes, d’abord ça c’est important. Bon, on a le droit de rater des trucs, on a le droit de rater des paniers, d’avoir un mauvais moment dans le match, ça peut arriver. Par contre, on n’a pas le droit de ne pas se battre. Il ne faut pas dire après le match, bon, elles ont eu la chance, tous les ballons tombaient dans leur main. Non, la chance, on la provoque, ok, allez !
Journaliste
L’homme qui parle ainsi s’appelle Dominique Lafargue, profession, entraîneur. Cet homme, marqué par la passion, est dialysé trois fois par semaine à l’hôpital Laynée de Mont-de-Marsan. Alors, basket compensation ? Peut-être !
Dominique Lafargue
C’est un handicap personnel, on fait avec, on vit avec. Je ne sais pas si je peux dire que je m’exprime par rapport à ce handicap à travers le basket. En tout cas, pour moi, c’est une passion, c’est évident. Je crois que je n’aurais pas cette maladie, la passion existerait de la même façon. Quand on aime quelque chose, je crois qu’on s’y investit à fond, c’est mon cas. Il est évident par moment, ça me permet en tout cas de moins penser à ce handicap, effectivement.
(Musique)
Journaliste
Ce soir-là, la fête au village, c’est pour recevoir Limoges, pas le cercle Saint-Pierre, non, mais Limoges ABC. Et les filles d’Eyre en rouge apposent leurs griffes d’entrée. Pour la plus grande joie d’un public très fier de ses filles. Tiens, la fierté dites voir.
Mireille Lalanne
Vous savez, quand vont arriver les grandes villes comme Dunkerque, Cherbourg, Caen, enfin l’an dernier c’était ça ; elles arrivaient chez nous, elles regardaient la salle, elles avaient l’impression de rentrer dans une grange. Elles envoyaient des réflexions, bon, on entendait ça et c’est quelque chose qui nous motivait énormément. Parce que bon, c’est juste si elles avaient l’impression d’arriver dans un pays évolué, elles nous prenaient vraiment pour des paysannes, c’est vraiment de la motivation.
Journaliste
D’abord, motivation, d’accord, et ambition ensuite. Du coup, Eyres multiplie les audaces et accumule les points. Conséquence, inflation, 81-49, score final.
(Bruit)
Journaliste
Sanction, victoires de ces filles qui s’accomplissent si bien dans cet environnement particulier.
André Lafargue
Je crois qu’elles retrouvent dans ce village les valeurs qui ont guidé tous leurs pas, qui ont guidé leur jeunesse. Donc, elles résistent d’autant plus facilement aux sirènes de clope qui auraient sûrement une autre culture, une culture urbaine qui n’est pas la leur.
Journaliste
Remarquez, l’urbanisation de la salle s’effectue dès le coup de sifflet final pour préparer le bal ou bien le loto, ce soir-là, c’est un bal. Histoire de récolter quelqu'argent supplémentaire pour grossir la caisse du club. Dès lors, le samedi soir à Eyre-Moncube, c’est ça. Mais voyez-vous, les Eyrois aiment trop le basket pour ne pas tomber une fois encore dans ce dernier panneau.