Le pont de la Marquèze

27 août 1968
01m 55s
Réf. 00614

Notice

Résumé :

Visite touristique des abords du pont de La Marquèze. Des pêcheurs pêchent le brochet sur des barques.

Date de diffusion :
27 août 1968
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Lorsque Joseph Choupin fait, en 1968, le reportage sur les rives de l'Adour, le pont de la Marquèze a déjà plus de 30 ans. Enjambant le fleuve entre Pey, en pays d'Orthe, et Josse en Maremne, l'ouvrage en béton armé, de type bow-string (1), jette un trait d'union entre deux rives qui ont longtemps été reliées par un bac, comme en témoigne le lieu-dit « Port de la Marquèze » mentionné sur la carte de Cassini (2).

Si l'inauguration de cette lourde passerelle a lieu en 1935, sa construction commence dès 1931, concrétisant un projet qui datait de 1870. Le paysage qui se déploie le long des rives, en amont de la confluence de l'Adour avec les Gaves réunis, à Hourgave (3), est fait de terres inondables, couvertes de saules et d'aubiers : ce sont les barthes (bartas) ou lit majeur du fleuve, un pays de marins et de pêcheurs.

En effet, l'Adour a longtemps été navigable de Saint-Sever à Bayonne. Port-de-Lanne, Sainte-Marie-de-Gosse, Saint-Laurent, Saint-Barthélemy sur rive droite, Urt et Urcuit sur rive gauche, sont des ports jadis très actifs. Céréales et farines, vins de Chalosse ou eaux de vie d'Armagnac, produits résineux, bois et pierres sont acheminés vers Bayonne, alors que les bateliers font remonter cuirs, sel ou produits manufacturés vers l'intérieur des terres.

Tout le monde ou presque ici vit du fleuve, jusqu'à la Première Guerre mondiale. Les registres de l'Etat civil de Port-de-Lanne, situé en aval, le disent, rappelant que bon nombre de chefs de famille sont bateliers, marins ou charpentiers. Sur l'eau, glissent les galupes (galupas) ou gabares (gabaras) dérivées du chalibardon (shalibardon) qui, manœuvré à l'aviron, à la voile ou par halage, peut porter des charges de 30 à 70 tonnes. Plus petits, mais dotés d'une quille et d'un gouvernail, les vaishèths (littéralement « vaisseau », issu du latin vascellus) et les tilhòlas, courtes et trapues, animent également le fleuve (4).

Choisis par le caméraman Francis Charlemagne, les gros plans sur les embarcations traditionnelles rappellent donc bien l'étroit lien qui unit les hommes à ce milieu amphibie, une histoire qu'a longtemps racontée Albert Lataillade (1922-2012), de Port-de-Lanne, dans son musée de la batellerie dans le Bas-Adour.

Aux confins de plusieurs terroirs, entre Landes maritimes, Chalosse, Béarn et Pays basque, le pays d'Orthe est un carrefour important. Un an après la création de la MIACA (5), qui a pour mission première de promouvoir le tourisme en Aquitaine, le pont de la Marquèze facilite assurément les relations entre deux grands axes majeurs, la nationale 10 Bordeaux-Bayonne et la nationale 117 Bayonne-Pau ; le vieux pont de Saubusse, en amont, s'en trouve délesté.

(1) De l'anglais bow, « arc », et string, « corde », ce type de pont est composé de deux poutres avec tablier inférieur, chaque poutre étant formée d'une membrure supérieure en forme d'arc et d'un tirant inférieur solidarisés à leurs extrémités et réunis par des suspentes.

(2) Marquesa est un nom de baptême gascon, porté jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

(3) Altération du gascon horc gave, « fourche du gave », c'est-à-dire « confluence ».

(4) Cette tradition est très ancienne et il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, en 1982, on sortît de la rivière un chaland monoxyle, aujourd'hui déposé au musée de la batellerie à Conflans-Ste-Honorine.

(5) La Mission Interministérielle d'Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA) est créée en 1967. Elle est notamment chargée d'intégrer l'exploitation touristique dans la promotion économique et sociale du territoire et de doter ce territoire des infrastructures nécessaires, tout en maintenant un équilibre écologique et humain.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Journaliste
Depuis des années, des centaines, des milliers d’années, là, au fond de la vallée, glisse avec lenteur et majesté, des Landes en Pays Basque, l’Adour. Des Pyrénées à l’océan, avec amour, l’on en suit les contours. L’Homme pourtant, un beau jour, tout simplement pour éviter un détour, conçut le pont qui permit son retour. De Lamarquèze, il fut baptisé sans discours, des gens du Nord au Pays Basque, il permet le séjour. Trêve de rimes trop pauvres, de Lamartine, il faudrait le talent pour vous conter avec émotion de l’Adour de ses rives, tout le charme, et vous en faire partager notre admiration. L’Homme, sans pitié pour le petit poisson auquel Dieu ne prêta point vie, et qui jamais ne deviendra grand, l’Homme, à 40 cm fixa la limite de survie du brochet. Indifférent, sans un murmure, sans une ride, le fleuve au rythme du temps coule vers son destin sans se soucier de la faune, de la flore ou même de l’Homme. Une grande et belle leçon que Francis Charlemagne et ses images nous traduisent, qu’il en soit remercié.
(Musique)