Les barthes de l'Adour

09 avril 2005
03m 36s
Réf. 00098

Notice

Résumé :

Découverte, en compagnie de l'architecte et paysagiste Maïté Fourcade, des barthes de l'Adour, paysage emblématique du pays d'Orthe résultant de l'adaptation des pratiques agricoles à ce milieu régulièrement soumis aux crues de l'Adour et assaini dès la fin du XVIIe siècle par un système de drainage.

Type de média :
Date de diffusion :
09 avril 2005
Source :
France 3 (Collection: Escapades )

Éclairage

Bélus, Orthevielle, Peyrehorade, Port-de-Lanne, Saint-Étienne-d'Orthe, voilà les toponymes baignés par l'Adour et ses affluents, qui évoquent le pays d'Orthe, aux confins du Béarn, des Landes et du Pays basque, en terre gasconne. Au carrefour de deux cultures, ce "pays" situé jadis dans la cité romaine des Tarbelli porte un nom étroitement lié à Orthevielle (Avorte Vile au Cartulaire de Dax, XIe-XIIe s.) qui pourrait émaner d'un nom d'homme dérivé du cognomen aquitain Bortossus, bien attesté [1].

Aux marges de ce pays, sur la rive gauche de l'Adour, l'installation, au XIIe siècle, d'une abbaye de Prémontrés, à Arthous, sur la commune d'Hastingues [2], s'explique par l'exploitation de terres enrichies par les limons du fleuve. Délaissé depuis la Révolution, le magnifique ensemble architectural entouré de terres agricoles devient, en 1964 propriété du Conseil général qui l'aménage en centre culturel, comblant les visiteurs intéressés par l'Histoire.

Une bonne porte d'entrée, l'abbaye d'Arthous, qui conduit naturellement à découvrir les berges inondables de l'Adour et des Gaves réunis, appelées localement barthes [3]. Ici, encore plus précisément qu'ailleurs, la toponymie rend compte des paysages naturels et raconte leur aménagement ; de la barthe sauvage à la description d'espaces à vocation agro-pastorale, tout est mentionné dans les seuls noms de lieux de la petite bastide d'Hastingues.

La nature du sol tout d'abord, où sont clairement mentionnés terres inondables et lieux secs : Ribèrebielle (Ribèra vièlha), "ancien lit du cours d'eau", Bagnerec (Banherec), "lieu de baignade", Laubardera (Laur Barderar), "terre vague marécageuse", Haudric (Haudrec), "terre détrempée", qui s'opposent au terme générique sèca, "terre sèche", qui se retrouve dans Sèque dou Pattou (Sèca deu Paton), et Au Sèque a Lahire (Sèca a Lahire) déterminés par des noms de personnes. Lié à ce milieu, Laubadère (l'Aubadèra), signale des "aubiers" et saussaies appelées aussi saligas, tandis que Au Daverat (Au d'Averat), rappelle l'existence de "noiseraies".

La mise en valeur des terres se lit par ailleurs dans tous les endroits qui ont été drainés : Au Gran Barrat (Au Gran Barrat), Au Barrat de la Borde (Au Barrat de la Bòrda), "fossé de la ferme", Au Barat de bac, altération du gascon barrat devath, "fossé du nord", et sa forme diminutive Barradot (Barradòt), "fossés" accompagnant les travaux de défrichements qui se devinent dans Charticot, Las Bousigues, A Boudigue et Treytin, bien présents dans le lexique gascon sous les formes eisharticòt, bosiga ou bodiga et treitin [4].

Vouées aux pâtures et à une agriculture vivrière, pièces de terre labourable et prairies se déclinent dans les microtoponymes Bois du Bedat (Bòsc deu Vedat), "bois du défens", Auprat (Au Prat), Candeprat (Cant de Prat), "bout du champ", Gran Cam (Gran Camp), "grand champ" et Au Verger tandis que Au Mouliac (Au Moliat), garde le souvenir d'un moulin.

Occupées depuis la Préhistoire, comme en témoignent les vestiges de l'abri Duruty, les barthes, terres meubles et fragiles, soumises aux aléas des crues, constituent un paysage bien maîtrisé, façonné par les hommes qui ont su le valoriser en en respectant le fonctionnement naturel. Ainsi, depuis les opérations de drainage opérées au XVIIIe siècle, l'espace imparti aux cultures et à l'habitat s'insère harmonieusement dans ce contexte particulier caractérisé par l'omniprésence de l'eau : fermes à grand porche conçues pour faire face aux inondations, prairies de pacage en partie basse et cultures plus en hauteur.

Un bel exemple d'adaptation de l'homme au milieu : au bord de l'eau, dans les barthes drainées mais arborées, des chevaux qui nettoient et des chasseurs qui veillent à l'équilibre de la faune ; plus haut, des cultures intensives de maïs et de kiwis, le tout régi par des agriculteurs fiers d'un habitat traditionnel original qu'ils ont su préserver.

[1] BOYRIE-FENIE, Bénédicte, Dictionnaire toponymique des communes des Landes et du Bas-Adour, Pau : éditions Cairn / In'Oc, 2005, 285 pages.

[2] Bastide fondée en 1281 à la suite d'un paréage entre l'abbé d'Arthous et le sénéchal de Hastings, représentant le roi Édouard Ier d'Angleterre.

[3] Mot prélatin passé au gascon sous la forme barta désignant des terres inondables en bord de rivière, domaine des saussaies, oseraies et autres strates arbustives adaptées à ce milieu.

[4] BOYRIE-FENIE, Bénédicte et FENIE, Jean-Jacques, Toponymie des pays occitans, Bordeaux : éd. Sud-Ouest, 2007, 479 pages.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Journaliste
Site naturel exceptionnel, à la confluence des eaux et des cultures, c’est un véritable carrefour. Ce pays d’ Orthe s’étire entre le littoral aquitain et le massif des Pyrénées. Entre les Landes, le Béarn et le Pays basque.
Maité Fourcade
Alors, nous sommes au Bec du Gave, à la confluence de l’Adour qui est derrière nous, qui descend du plateau landais, et des gaves réunis qui nous viennent du Béarn. Donc, on est dans une situation emblématique du pays d’Orthe où l’eau est omniprésente et où on est aussi à un carrefour de différentes cultures, donc, les Landes, la Chalosse, le Béarn et le Pays basque au sud.
(Musique)
Maité Fourcade
L’eau est omniprésente en pays d’Orthe, donc, par les cours d’eaux qui le traversent. Et aussi par le drainage, donc, des barthes avec tout un petit système de fossés, donc, qui sont vraiment une image très forte de ce paysage.
Journaliste
Les barthes de l’Adour sont ainsi le paysage le plus emblématique de ce pays. Cette organisation résulte, en fait, de l’adaptation des pratiques agricoles à ce milieu très particulier. Un milieu soumis aux crues de l’Adour. Les drainages ont débuté dès la fin du 17e siècle.
Intervenante
L’été, on y met les chevaux, donc, cela permet de nettoyer. Puis, on y fait du foin aussi pour le bétail.
Journaliste
Ce sont des zones protégées, des zones de chasse ?
Intervenante
Oui, de chasse bien sûr. Il y a des cigognes et des nids qui ont été faits pour les cigognes. Puis, il y a des chasseurs qui entretiennent tout cela.
(Musique)
Journaliste
L’occupation des sols va tenir compte de cette topographie à étages. La partie basse, très humide, va présenter des prairies de pacages engorgées. Les cultures occupent la barthe haute, riche en alluvions. Et enfin les fermes, elles, vont s’installer sur la berge, sur les anciens chemins de halage.
(Musique)
Maité Fourcade
C’est un habitat traditionnel qui est marqué par un rez-de-chaussée qui était destiné, plutôt, aux parties utiles, donc, l’étable, car on avait souvent des inondations. Et donc, toute la partie habitat se situe à l’étage. Donc, on peut voir, au rez-de-chaussée, un grand porche et plutôt, la partie habitation en haut.
(Musique)
Maité Fourcade
On est dans un paysage à l’image de nature avec des couleurs très changeantes, avec la présence de nombreux oiseaux ; on a cette image un peu naturelle alors qu’on est dans un paysage qui est très façonné par les hommes, notamment par le drainage. Et donc, on peut voir la présence des canaux. Donc, c’est un paysage très maîtrisé.
Journaliste2
Aujourd’hui, à quoi servent ces barthes?
Maité Fourcade
Alors, aujourd’hui, les barthes évoluent dans deux directions. C'est-à-dire, soit on va sur de la culture intensive et on fait du maïs, ici, couplé avec du kiwi ; soit, ce sont encore des terres d’élevage extensif avec des chevaux, et un usage aussi, assez fort, de chasse.
(Musique)