Visite du marais d'Orx
Notice
Acheté en 1989 par le Conservatoire du littoral avec le soutien du WWF, le marais d'Orx est devenu une réserve naturelle qui accueille nombre d'oiseaux migrateurs. Le site bénéficie d'une protection règlementée et la préservation de son milieu passe par la régulation des eaux grâce à un système hydraulique inventé au XIXe siècle.
Éclairage
Aux confins du plateau landais, de la barrière dunaire et des coteaux du Seignanx, le marais d'Orx, nommé fréquemment, jusqu'au XVIIIe siècle, le Grand Moura [1] couvre une superficie de 774 hectares. Il emprunte son nom au petit bourg voisin, sur la rive orientale, mentionné dans le cartulaire de Dax (XIe-XIIe s.) sous les formes Oresc, Ors, Os, latinisées en Oresum. Si l'origine de ce toponyme appartenant à la strate aquitanique [2] n'est pas assurée, les traces d'une grande zone humide apparaissent déjà il y a 3 millions d'années ; son histoire, pour être complexe, n'en est pas moins passionnante.
La première mention du "marais" proprement dit date de 1255, quand le roi-duc Édouard d'Angleterre concède l'exploitation d'un moulin sur "notre étang d'Orx, près de Labenne". Il s'agit donc bien d'un plan d'eau dénommé cependant encore aujourd'hui, dans une certaine confusion, "domaine", "marais" ou "étang". Qu'en est-il exactement ?
Vestige d'un des lits de l'Adour ou lagune née de la formation du cordon dunaire, l'étang et ses abords constitue, depuis le Moyen Âge, un réservoir de ressources naturelles, pêche et chasse bien évidemment, mais aussi lieu de vaine pâture, de "vacants". C'est une "terre de questes" à laquelle sont particulièrement attachées les populations locales qui résistent à la domestication de ce lieu menacé, dès l'Ancien Régime, par des projets d'assèchement promus par les physiocrates [3] .
Au pont du Boudigau [4], le 14 avril 1808, Napoléon se rendant à Bayonne fait déjà un détour pour prendre connaissance de ce projet ; un monument éphémère érigé en son honneur porte l'inscription latine "Jubet dux patriae, atque undae mutandur in arva" [5].
La "Raison" l'emporte en effet et, sous l'influence du médecin dacquois Jean Thore, le marais présumé malsain est enfin asséché et transformé en terres agricoles sous l'égide de David Francfort et de Lefèvre-Béziers. Napoléon III devient propriétaire du "domaine" en 1858 - alors qu'il vient d'acquérir les terres de Solférino, au sud de Labouheyre - avant de le céder au comte Walewski [6]. L'époque prône une politique de mise en valeur des lieux humides et, dès 1863, le réseau de drainage est en place, des pompes sont installées et la digue-route est érigée en 1868.
Le "marais d'Orx" devient un domaine modèle entretenu par une vingtaine de métairies...Jusque dans les années 1980 où son destin change à nouveau, c'est un lieu très productif ; le maïs hybride y fait vivre des agriculteurs pionniers qui sont les premiers à utiliser des tracteurs en 1953...
À la suite du choc pétrolier des années 1970, ce fleuron de l'agriculture entre dans une période de déclin et d'incertitudes qui aboutit, en 1989, au rachat de 800 hectares du domaine par le Conservatoire du littoral qui l'intègre à une vaste réserve naturelle.
Les pompes continuent de fonctionner aujourd'hui mais afin de réguler le niveau d'un plan d'eau enchâssé dans l'écrin d'un lieu protégé. Il est surveillé par des professionnels encadrant et conseillant les quelque 30 000 visiteurs annuels qui, "loin des hommes", observent à l'envie un monde aquatique et limicole spécifique dont on redécouvre l'intérêt.
[1] Du gascon morar, "lieu humide, presque marécageux".
[2] BOYRIE-FENIE, Bénédicte, Dictionnaire toponymique des communes des Landes et du Bas-Adour, Pau : éditions Cairn / In'Oc, 2005, 285 pages.
[3] Partisan de la physiocratie (du grec phusis, "nature" et kratos, "pouvoir"). À la suite de Quesnay, auteur d'un Tableau économique publié en 1758, ils considèrent l'agriculture comme seule source de la richesse.
[4] Du gascon bodigau, "ruisseau coulant à travers de halliers".
[5] "Ordonne, maître de la patrie, et les eaux se convertiront en récolte".
[6] Fils naturel de Napoléon Ier et de la comtesse Marie Walewska.