Retour des frères Madiot à Renazé après Paris-Roubaix

C’est en Mayenne, non loin de la source de la rivière et dans l’angle nord-est du département, que se trouve le point culminant du Massif armoricain et de tout le grand Ouest : le Mont des Avaloirs, haut de 416 mètres. Vers le sud et vers l’ouest, le relief s’aplanit progressivement en passant par les collines du massif des Coëvrons, puis par la vallée de la Mayenne, au cœur de laquelle est aménagé un chemin de halage (voir la vidéo Tourisme sur la rivière Mayenne), jusqu’aux plateaux du Haut-Anjou. L’ensemble offre un terrain de jeu naturel varié, idéal pour les cyclistes quel que soit leur niveau.

Le 30 juin 2021, la Mayenne a d’ailleurs accueilli pour la première fois de son histoire l’intégralité d’une étape du Tour de France : un contre-la-montre entre Laval et Changé. C’était la 28e fois, depuis 1936, qu’une étape sillonnait le territoire départemental. Le critérium de Laval, disputé de 1962 à 1970, puis les Boucles de la Mayenne, créées en 1975, prouvent l’engouement du territoire pour les courses cyclistes. Il est donc naturel que la Mayenne ait vu naître quelques champions : Alain Meslet à Averton, Jacky Durand et Franck Renier à Laval, Freddy Bichot, François Pervis et Vincent Jérôme à Château-Gontier. Parfois la passion se conjugue au pluriel et devient une affaire de famille, pour le père et le fils Dalibard, Philippe et Antoine, ou bien les fratries Groussard et Madiot.

Ces derniers, Marc et Yvon de leur prénom, ont bâti leur palmarès surtout dans la décennie 1980. Ils ont ainsi contribué à la notoriété de leur ville natale, Renazé, jusqu’alors connue surtout pour ses ardoisières aux portes du Maine-et-Loire et de l’Ille-et-Vilaine. Le Tour de France y est passé en 1970, en 1988 et en 2016. En 1987, la commune a même eu l’honneur d’être ville-étape, au terme d’une course de 260 km débutée à Orléans.

Le reportage, tourné en 1985, montre l’accueil chaleureux de Renazé aux enfants du pays, auréolés de leur récent succès sur le Paris-Roubaix. La semaine précédente, l’aîné, Marc, s’est adjugé la course, en solitaire et à plus de deux minutes devant son dauphin. Il a été bien aidé en cela par son cadet, Yvon, qui lui a ouvert la route en l’accompagnant dans l’échappée d’une quinzaine de coureurs formée peu après le départ. Un supporter fait d’ailleurs allusion à ce travail d’équipe dans le reportage. On y voit, aux dires du journaliste qui assure le lancement plateau : mieux que la fête, la liesse. La première séquence montre l’arrivée des champions, en voiture, au son de la fanfare et sous les acclamations, sur la place de la Mairie (place de l’Europe). Ils y sont accueillis par le maire, Daniel Houdin, qui prononce une allocution avant de leur tendre le micro. Ils se prêtent ensuite de bonne grâce au jeu du bain de foule et de la signature d’autographes ; situation inédite pour eux. L’engouement est réel : le Madiot Brothers Club compte en effet 1600 fans, et plusieurs centaines de personnes sont rassemblées, sur les 2900 que compte alors la commune. Deux d’entre elles prennent la parole en fin de reportage, conclu par une image des champions sous le kiosque, Marc brandissant fièrement le pavé reçu en trophée de son Paris-Roubaix.

Au moment du reportage, les Madiot courent pour Renault-Elf, équipe qu’ils quittent l’année suivante au profit de Système U. Ils effectuent toute leur carrière sous les mêmes couleurs, tant comme coureurs jusqu’en 1994 (alors chez Catavana-Cédico) que comme entraîneurs à partir de 1997. Ils créent en effet cette année-là l’équipe Française des Jeux, devenue FDJ-BigMat en 2012 puis Groupama-FDJ en 2019.

Yvon s’est illustré par un titre de champion de France sur route à Châteaulin en 1986 et cinq podiums aux championnats de France de cyclo-cross de 1984 à 1988, dont trois titres en 1984, 1985 (devant son frère) et 1987. En neuf participations au Tour, son meilleur classement demeure une 10e place en 1986 ; il compte également deux victoires d’étapes, en 1984 et 1986, sur des contre-la-montre par équipes.

Outre ses Paris-Roubaix de 1985 et 1991, Marc a été champion de France de cyclisme sur route 1987 et vice-champion l’année suivante ; il a compté quatre podiums aux championnats de France de cyclo-cross entre 1982 et 1985, dont un titre la première année. Son meilleur classement au Tour, en neuf participations également, est une 8e place en 1983 ; il a remporté l’année suivante une étape en individuel et une en contre-la-montre par équipes. Il a par ailleurs été président de la Ligue nationale de cyclisme de 2008 à 2020.

• Adolphe Joanne, Géographie du département de la Mayenne, Paris, Hachette, 1881.
• Alex Poyer, Les premiers temps des véloce-clubs : apparition et diffusion du cyclisme associatif français entre 1867 et 1914, Paris, L’Harmattan, 2003.
• Stéphane Hiland, "Le critérium cycliste de Laval et autres récits vélocipédiques", L’Oribus, novembre 2019, n° 106 (numéro spécial).
• Marc Madiot (préface de Christian Prudhomme), Parlons vélo : entretiens avec Mathieu Coureau, Paris, Talent Sport, 2015.