Les 40 ans du MIN de Lomme
22 septembre 2012
06m 37s
Réf. 00102
Notice
Résumé :
Deuxième marché de gros en France après Rungis, le MIN (Marché d’intérêt national) de Lomme a 40 ans ; c’est l’occasion d’aller y passer une journée. Ouvert en 1972, le MIN s'est beaucoup transformé en 40 ans.
Type de média :
Date de diffusion :
22 septembre 2012
Source :
France 3
(Collection:
12 13. Edition Nord Pas de Calais
)
Personnalité(s) :
Lieux :
Éclairage
Chaque jour, au MIN (marché d’intérêt national), sur le carreau des producteurs, les maraîchers, les petits commerçants sédentaires et non sédentaires, les détaillants, épiciers ou restaurateurs, se rencontrent. Devant les caisses de fruits et légumes fraîchement livrées, ça discute sec ; avec un petit couteau, on éventre les plastiques des cagettes et on goûte la marchandise du jour. Ambiance conviviale mais tendue : les producteurs et grossistes n’ont pas le droit à l’erreur face à des clients très exigeants. Dans les bureaux, des négociants sont pendus au téléphone, scrutant leurs écrans d’ordinateur où s’affichent progressivement les informations sur les cours du jour. L’activité est fortement tributaire de la météo, de la conjoncture, ou de la circulation des poids-lourds.
Les marchés d'intérêts nationaux sont des équipements de service public dédiés au commerce agroalimentaire. Ils sont ouverts aux clients professionnels. On y pratique les prix de gros. Mis en place pendant les Trente Glorieuses, c’est-à-dire dans un contexte économique entièrement différent, ce sont encore aujourd'hui d'importantes places de marché par lesquelles transitent les marchandises. Ayant résisté tour à tour à la montée en puissance, à partir des années 1960, de la grande distribution et de ses centrales d'achat, au cours des années 1970 à l'abandon progressif des politiques interventionnistes keynésienne, puis aux crises économiques et sociales des années 1980 et 2000, les MIN traversent les époques tout en se réformant et en se modernisant.
Le décret qui institue le MIN de la région de Lille sur les territoires de Lomme, Sequedin et Ennetières-en-Weppes date de 1969, et son ouverture effective date de mai 1972. Il est le dernier-né d'une série de dix-sept équipements de ce type, créés en France au fil des années 1960. Le plus célèbre d'entre eux est celui de Rungis, où ont progressivement déménagé, à partir de 1960, les Halles de Paris.
Le "Marché de gros Lille" s'étend sur un site de 38 hectares où travaillent quotidiennement plus de cinq cent personnes. En 2014, plus de 180 000 tonnes de marchandises ont été commercialisées et un chiffre d'affaires de près de 200 000 millions d'euros a été réalisé par les opérateurs (environ soixante grossistes et trente producteurs). 70 % des acheteurs proviennent du département du Nord et 20 % du Pas de Calais. La vente de fruits et légumes, qui représente 95 % de l'activité, est en légère croissance, tout comme l'activité d'horticulture.
En 2002, pour fêter ses trente années d'existence, la SOGEMIN (Société de gestion du MIN), avec l'aide de ses financeurs (conseil général, conseil régional, Métropole Européenne de Lille), a investi plus de 20 millions d'euros pour moderniser l’équipement. Un projet de longue haleine puisqu'il ne s'est achevé qu'en 2012, au moment de fêter les quarante ans ! L'objectif était d’améliorer les conditions de travail et le confort de manutention des grossistes par l'agrandissement et l’isolation des bâtiments, mais aussi par la couverture et le réaménagement des quais.
Les MIN, tels qu’ils existent aujourd’hui, sont le résultat d’une intense réflexion bureaucratique, entamée après-guerre, et portant, d’une part, sur la manière la plus efficace d’approvisionner la population française en denrées alimentaires, d’autre part, sur la façon de régler le problème de la concentration, et donc de l’encombrement, de l’activité de vente de gros sur les halles de Paris. Ainsi, un décret de 1953 (n°53-959) organise-t-il le passage d’une logique de lieu (la "place de marché" parisienne) à une logique d’espace (où des produits homogènes circulent, dans un réseau de places réparties sur l’ensemble du territoire, à un cours national). D’autres décrets viennent ensuite préciser l’organisation : le marché doit être clos (1958), directement desservi par le rail et la route et relié au réseau inter-marchés d’informations administratives et commerciales (1968). Les pouvoirs publics conçoivent aussi un périmètre de protection autour du MIN, au sein duquel l’installation de commerçants autres que détaillants est interdite.
Le MIN apparaît ainsi comme une construction institutionnelle qui organise à la fois la mise en réseau et en concurrence des professionnels. Dans les années 1950, on pensait que ces places de marché allaient devenir des bourses d’échanges dématérialisées. Dans les années 2010, on constate qu’il n’en est rien ! Le métier de grossiste au MIN reste un métier de contact, où les liens interpersonnels et d’interconnaissance demeurent la trame d’un quotidien fait de négociations de prix et d’opportunités à saisir.
Sources :
Antoine Bernard de Raymond, En toute saison. Le marché des fruits et légumes en France, Rennes, PUR, 2013.
Jean-Philippe Espic, Les Marchés d’intérêt national (MIN), DCASPL, n°24, 2007.
Les marchés d'intérêts nationaux sont des équipements de service public dédiés au commerce agroalimentaire. Ils sont ouverts aux clients professionnels. On y pratique les prix de gros. Mis en place pendant les Trente Glorieuses, c’est-à-dire dans un contexte économique entièrement différent, ce sont encore aujourd'hui d'importantes places de marché par lesquelles transitent les marchandises. Ayant résisté tour à tour à la montée en puissance, à partir des années 1960, de la grande distribution et de ses centrales d'achat, au cours des années 1970 à l'abandon progressif des politiques interventionnistes keynésienne, puis aux crises économiques et sociales des années 1980 et 2000, les MIN traversent les époques tout en se réformant et en se modernisant.
Le décret qui institue le MIN de la région de Lille sur les territoires de Lomme, Sequedin et Ennetières-en-Weppes date de 1969, et son ouverture effective date de mai 1972. Il est le dernier-né d'une série de dix-sept équipements de ce type, créés en France au fil des années 1960. Le plus célèbre d'entre eux est celui de Rungis, où ont progressivement déménagé, à partir de 1960, les Halles de Paris.
Le "Marché de gros Lille" s'étend sur un site de 38 hectares où travaillent quotidiennement plus de cinq cent personnes. En 2014, plus de 180 000 tonnes de marchandises ont été commercialisées et un chiffre d'affaires de près de 200 000 millions d'euros a été réalisé par les opérateurs (environ soixante grossistes et trente producteurs). 70 % des acheteurs proviennent du département du Nord et 20 % du Pas de Calais. La vente de fruits et légumes, qui représente 95 % de l'activité, est en légère croissance, tout comme l'activité d'horticulture.
En 2002, pour fêter ses trente années d'existence, la SOGEMIN (Société de gestion du MIN), avec l'aide de ses financeurs (conseil général, conseil régional, Métropole Européenne de Lille), a investi plus de 20 millions d'euros pour moderniser l’équipement. Un projet de longue haleine puisqu'il ne s'est achevé qu'en 2012, au moment de fêter les quarante ans ! L'objectif était d’améliorer les conditions de travail et le confort de manutention des grossistes par l'agrandissement et l’isolation des bâtiments, mais aussi par la couverture et le réaménagement des quais.
Les MIN, tels qu’ils existent aujourd’hui, sont le résultat d’une intense réflexion bureaucratique, entamée après-guerre, et portant, d’une part, sur la manière la plus efficace d’approvisionner la population française en denrées alimentaires, d’autre part, sur la façon de régler le problème de la concentration, et donc de l’encombrement, de l’activité de vente de gros sur les halles de Paris. Ainsi, un décret de 1953 (n°53-959) organise-t-il le passage d’une logique de lieu (la "place de marché" parisienne) à une logique d’espace (où des produits homogènes circulent, dans un réseau de places réparties sur l’ensemble du territoire, à un cours national). D’autres décrets viennent ensuite préciser l’organisation : le marché doit être clos (1958), directement desservi par le rail et la route et relié au réseau inter-marchés d’informations administratives et commerciales (1968). Les pouvoirs publics conçoivent aussi un périmètre de protection autour du MIN, au sein duquel l’installation de commerçants autres que détaillants est interdite.
Le MIN apparaît ainsi comme une construction institutionnelle qui organise à la fois la mise en réseau et en concurrence des professionnels. Dans les années 1950, on pensait que ces places de marché allaient devenir des bourses d’échanges dématérialisées. Dans les années 2010, on constate qu’il n’en est rien ! Le métier de grossiste au MIN reste un métier de contact, où les liens interpersonnels et d’interconnaissance demeurent la trame d’un quotidien fait de négociations de prix et d’opportunités à saisir.
Sources :
Antoine Bernard de Raymond, En toute saison. Le marché des fruits et légumes en France, Rennes, PUR, 2013.
Jean-Philippe Espic, Les Marchés d’intérêt national (MIN), DCASPL, n°24, 2007.
Fabien Eloire
Transcription
Christelle Massin
Les quarante ans du MIN de Lomme, on y revient, nous étions en direct tout à l’heure avec Hélène Tonnelier. Maintenant, on va regarder dans le rétroviseur ce qu’était et ce qu’est aussi cette véritable institution. Enquête signée Laurent Navez, Antoine Morvan.(Musique)
Laurent Navez
On l’appelle le ventre de la métropole lilloise. Cinq jours par semaine, toujours très tôt le matin, le marché de gros de Lomme se met à grouiller. Commence alors un ballet incessant de camions, de chariots élévateurs et de transpalettes, les grossistes sont à l’ouvrage. D’abord, la réception des marchandises.(Bruit)
Benoît Delporte
64-68 !Laurent Navez
Des légumes uniquement pour Benoît Delporte, l’un des trois grossistes qui travaille encore avec des producteurs locaux. Bernard Dufour vient juste de décharger son lot de salades.Benoît Delporte
Ah ça, c’est beau ça, c’est beau Bernard !Laurent Navez
Un petit compliment, mine de rien, c’est un peu d’encouragement, un peu de chaleur face à la dureté du négoce.Bernard Dufour
Ce qu’on fait, c’est, on fait pousser ça avec un peu d’amour donc des fois, ils sont durs avec nous et ils manquent un peu de, un peu de chaleur, un peu de, ce n’est que le business, ça m’ennuie des fois.Laurent Navez
À ce moment de la matinée, le producteur ne sait pas encore à quel prix sa salade sera vendue. Par téléphone, les vendeurs enregistrent les premières commandes, le marché impose sa loi.Benoît Delporte
Il y a déjà les vendeurs qui ont pu appeler certains de leurs clients, ils savent si leurs clients ont un réel intérêt sur la salade aujourd’hui ou alors s’ils ont mal vendu. Donc, s’ils ont mal vendu et que la consommation ne s’annonce pas bien parce que les températures baissent et c’est le cas aujourd’hui ; les températures baissent, les ventes n’ont pas été très bonnes les derniers jours, donc il y a de fortes chances que la salade baisse un peu en termes de prix.Laurent Navez
Pour anticiper les ventes à venir, les deux hommes vont échanger d’autres informations devant un café, pause importante pour leur relation de confiance. Sur le MIN, les bistrots font partie intégrante de la vie économique et sociale.Daba Diop
2,4, n’oubliez pas le pourboire, hein !Laurent Navez
Ici, c’est Daba, la mascotte du marché qui tient le bar.Daba Diop
C’est du vieux mais c’est bien ! C’est une vie de famille, on va dire, on connaît tout le monde, tout le monde nous connaît !Laurent Navez
Ça fait combien de temps que vous êtes là ?Daba Diop
Ça va faire vingt-neuf ans, aujourd’hui même ! Bonjour Messieurs, deux cafés !Laurent Navez
Le café, un lieu de rencontre et de discussion, mais malgré la convivialité entre vendeurs, les affaires restent les affaires.Adel Gaezraoui
On ne parle pas de travail, lui c’est, il a ses articles à vendre et pourtant, on est dans le même rayon mais on ne parle pas…. Il est mon concurrent mais je ne lui parle pas de travail, je lui parle d’autres choses.Inconnu 1
Voilà, ici tu m’en mets deux.Inconnu 2
Deux ?Laurent Navez
Le jour se lève, les premiers acheteurs sont arrivés. Des commerçants sédentaires ou ambulants, des grossistes pour la restauration ou les collectivités.Olivier Decock
Bon, tout va bien pour aujourd’hui, ça va !Inconnu 3
Bon, je te mets ça ?Olivier Decock
Allez, ça roule, bon, tu envoies ça vite ?Laurent Navez
Tous ont déjà entamé leur course de box en box, les yeux bien ouverts et l’esprit vif.Olivier Decock
On est déjà à la mi-journée pour nous à cette heure-ci, vers sept-huit heures. Mais effectivement, quand je dis réveillé, c’est aussi une image parce que ça veut dire qu’il ne faut pas se laisser endormir parce que, par certains vendeurs, qui sont aussi, eux aussi, des professionnels, il faut être à l’affût.Laurent Navez
Des fruits et légumes du monde entier se vendent ici, un vaste marché de 185000 tonnes chaque année, une plate-forme d’intérêt national attentive à ce qui passe à Rungis, mais indépendante.Olivier Ovarlez
Ce n’est pas Rungis qui fait le prix, c’est toutes les places de gros qui font leur prix. Le cours du marché se fait vite quoi. Si on voit qu’il y a une demande rapide, c’est que la demande rapide a été à Rungis, elle a été à Lille, elle a été un peu partout quoi.Laurent Navez
Loin de l’effervescence des marchés, les maraîchers locaux qui viennent au MIN tous les jours vendre eux-mêmes leurs produits sans passer par les grossistes. Avec le temps, le carré qui leur est réservé est devenu bien trop grand.Marie-Paule Lienart
Il y avait beaucoup plus de monde avant, hein ! Ici, dans cinq ans, je ne sais plus qu’est-ce qui va rester. Moi, je fais partie des plus jeunes. Des trente ans, il n’y en a pas beaucoup, hein ! C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de jeunes qui veulent continuer à venir ici.Robert Verhaeghe
Ça devient de plus en plus difficile parce que bon, comment vous dire ? Les méthodes de commercialisation ont changé, le développement des grandes surfaces, les plats préparés et la consommation a changé, les gens…. Mais on a quand même une clientèle qui veut du produit frais, notamment les restaurateurs, les traiteurs.(Musique)