La cité ouvrière Délivrance à Lomme
12 février 2011
03m 37s
Réf. 00090
Notice
Résumé :
Délivrance, plus qu'un quartier de Lomme, c'est un véritable petit village dans la ville, une cité-jardin dévolue aux cheminots depuis 1921, quand la Compagnie du chemin de fer du Nord et l'Etat décident de construire cet ensemble de 835 maisons.
Type de média :
Date de diffusion :
12 février 2011
Source :
France 3
(Collection:
JT soir Nord Pas de Calais
)
Personnalité(s) :
Thèmes :
Lieux :
Éclairage
Patrimoine autant architectural qu’humain, nous dit le commentaire : les rues courbes et les avenues plantées d’arbres invitent à la promenade et à la rencontre des habitants de la cité-jardin de Lille-Délivrance à Lomme. Jean-Marie Tredez, ancien de la SNCF, ne tarit pas d’éloges sur le vivre ensemble de la cité, vrai village dans la ville, où les traditions ouvrières et sociales ont été si vivaces.
C’est en 1921 que débute l’expérience de la cité ouvrière Délivrance. Après les dommages de la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, le réseau des chemins de fer du nord est en piteux état. Dans un souci de restructuration du réseau et d’adaptation de ses capacités, la Compagnie des chemins de fer du nord, entreprise privée, décide d’établir une nouvelle grande gare de triage accompagnée d’une cité cheminote à l’ouest de Lille, sur le territoire de Lomme. Elle confie à l’ingénieur Raoul Dautry le soin de projeter l’ensemble, comme il le fera à Tergnier dans l’Aisne selon les mêmes principes.
Dautry reprend à son compte les idées de l’urbaniste utopique Ebenezer Howard (1850-1928), cet anglais qui avait rédigé en 1898 un ouvrage prometteur, Garden cities of tomorrow, où il développait ses idées de ville nouvelle sous forme de cités-jardins. Sur 69 hectares en bordure des voies ferrées, se dessine un plan souple à la manière des parcs à l’anglaise, empreint de pittoresque. Places circulaires pour l’accueil des équipements, rues courbes et sinueuses pour accueillir l’habitat au milieu des frondaisons et des jardins.
En une année, 835 maisons furent ainsi construites, accompagnées de nombreux équipements permettant une vie en autonomie par rapport à la ville et pour quelque 4 000 habitants de toute l’échelle sociale de la Compagnie. Le côté paternaliste de l’entreprise est souligné dans le Bulletin de la commission historique du département du nord (tome 38) : "La cité fut créée dans l’intérêt du service, afin d’assurer un bon état physique en lui évitant des pertes de temps par déplacements à des heures incommodes, alors que les transports en commun fonctionnent au ralenti, ou pas du tout. La compagnie des chemins de fer du nord avait ainsi décidé de loger ses employés et leur famille au voisinage du lieu de travail". Les maisons, isolées ou groupées par deux ou par quatre, bénéficient toutes d’un jardin de 400 à 500 m2, sans mur de clôture. Elles comptent de quatre à six pièces avec un confort remarquable pour l’époque : eau courante, électricité, sanitaires intérieurs. L’architecture est variée et soignée dans un style régionaliste qui va du Breton au Basque, sous la férule de huit architectes renommés (dont Gustave Umbdenstock à qui l’on devait la tour florentine de la gare, malheureusement démolie). Ecoles primaires et maternelles, école ménagère, salle des fêtes et de réunion, kiosque à musique, centre d’hygiène et de santé, bains-douches, piscine en plein air, cours de tennis, stade, cinéma, économat et commerces, ponctuent l’ensemble en créant autant de lieux de vie et de rencontres dans un cadre apaisé et de qualité.
Les bombardements de 1944 détruisent la moitié de la cité. Celle-ci sera reconstruite à l’identique par les soins de la SNCF qui est créée après guerre pour nationaliser les compagnies ferroviaires. Puis une densification s’opère par la construction de nouvelles maisons en briques et d’un petit collectif sans que les premières habitations ne soient vraiment entretenues.
Dans les années 90, la SNCF se désengage et passe le relais à des bailleurs sociaux, à la ville de Lomme et à la Métropole. Entre reconnaissance de ce patrimoine unique dans la Métropole et décisions au cas par cas de destruction-reconstruction, la lutte est serrée encore aujourd’hui. L’ouverture de la Maison Folie Beaulieu dans l’ancienne salle des fêtes en 2009 a été un événement pacificateur.
Bibliographie :
C’est en 1921 que débute l’expérience de la cité ouvrière Délivrance. Après les dommages de la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, le réseau des chemins de fer du nord est en piteux état. Dans un souci de restructuration du réseau et d’adaptation de ses capacités, la Compagnie des chemins de fer du nord, entreprise privée, décide d’établir une nouvelle grande gare de triage accompagnée d’une cité cheminote à l’ouest de Lille, sur le territoire de Lomme. Elle confie à l’ingénieur Raoul Dautry le soin de projeter l’ensemble, comme il le fera à Tergnier dans l’Aisne selon les mêmes principes.
Dautry reprend à son compte les idées de l’urbaniste utopique Ebenezer Howard (1850-1928), cet anglais qui avait rédigé en 1898 un ouvrage prometteur, Garden cities of tomorrow, où il développait ses idées de ville nouvelle sous forme de cités-jardins. Sur 69 hectares en bordure des voies ferrées, se dessine un plan souple à la manière des parcs à l’anglaise, empreint de pittoresque. Places circulaires pour l’accueil des équipements, rues courbes et sinueuses pour accueillir l’habitat au milieu des frondaisons et des jardins.
En une année, 835 maisons furent ainsi construites, accompagnées de nombreux équipements permettant une vie en autonomie par rapport à la ville et pour quelque 4 000 habitants de toute l’échelle sociale de la Compagnie. Le côté paternaliste de l’entreprise est souligné dans le Bulletin de la commission historique du département du nord (tome 38) : "La cité fut créée dans l’intérêt du service, afin d’assurer un bon état physique en lui évitant des pertes de temps par déplacements à des heures incommodes, alors que les transports en commun fonctionnent au ralenti, ou pas du tout. La compagnie des chemins de fer du nord avait ainsi décidé de loger ses employés et leur famille au voisinage du lieu de travail". Les maisons, isolées ou groupées par deux ou par quatre, bénéficient toutes d’un jardin de 400 à 500 m2, sans mur de clôture. Elles comptent de quatre à six pièces avec un confort remarquable pour l’époque : eau courante, électricité, sanitaires intérieurs. L’architecture est variée et soignée dans un style régionaliste qui va du Breton au Basque, sous la férule de huit architectes renommés (dont Gustave Umbdenstock à qui l’on devait la tour florentine de la gare, malheureusement démolie). Ecoles primaires et maternelles, école ménagère, salle des fêtes et de réunion, kiosque à musique, centre d’hygiène et de santé, bains-douches, piscine en plein air, cours de tennis, stade, cinéma, économat et commerces, ponctuent l’ensemble en créant autant de lieux de vie et de rencontres dans un cadre apaisé et de qualité.
Les bombardements de 1944 détruisent la moitié de la cité. Celle-ci sera reconstruite à l’identique par les soins de la SNCF qui est créée après guerre pour nationaliser les compagnies ferroviaires. Puis une densification s’opère par la construction de nouvelles maisons en briques et d’un petit collectif sans que les premières habitations ne soient vraiment entretenues.
Dans les années 90, la SNCF se désengage et passe le relais à des bailleurs sociaux, à la ville de Lomme et à la Métropole. Entre reconnaissance de ce patrimoine unique dans la Métropole et décisions au cas par cas de destruction-reconstruction, la lutte est serrée encore aujourd’hui. L’ouverture de la Maison Folie Beaulieu dans l’ancienne salle des fêtes en 2009 a été un événement pacificateur.
Bibliographie :
- Lecourt Jean-Jacques, La Délivrance. Un quartier cheminot de Lomme - 2006, Saint-Cyr-sur-Loire, Ed. A. Sutton, coll. Provinces Mosaïques, 128 p.
Dominique Mons
Transcription
Christelle Massin
Delivrance, plus qu’un quartier de Lomme, c’est un véritable petit village dans la ville, une cité populaire dévolue aux cheminots depuis 1921. Un patrimoine architectural, bien sûr, un patrimoine humain surtout, et le symbole d’une histoire ouvrière et sociale très riche et émouvante. Dossier signé Camille Boudin et Paul-Albert Druon.(bruit)
Camille Boudin
Depuis plus de 50 ans, c’est la même bande de copains qui parcourt sans se lasser les petites rues de Lomme Délivrance. La cité jardin, c’est un concept révolutionnaire en 1921, quand la SNCF et l’Etat décident de construire cet ensemble de 835 maisons, elles pousseront comme des champignons en une année seulement. Ici, ouvriers et patrons vivent côte à côte, le paternalisme dans toute sa splendeur.Jean-Marie Tredez
Ici, l’école ménagère, c’est un endroit où les filles venaient apprendre la couture, la cuisine, euh, tenir leurs comptes familiaux. Et nous, les garçons, ben, on se planquait dans les haies, un peu partout, quoi. Et puis ben, à l’époque, on ne disait pas qu’on draguait, on disait qu’on chassait. On avait le cinéma dans la cité, on avait tout dans la cité, donc on n’avait pas besoin de sortir pour aller chercher femme, on trouvait sur place !(musique)
Jean-Jacques Lecourt
Les dirigeants pensaient clairement que si les cheminots étaient bien chez eux et dans leur tête, le travail n’en serait que meilleur. Mais c’est vrai que pour l’époque, avoir l’électricité chez soi, c’était une révolution, l’eau courante en 1920, ce n’était pas fréquent, des choses simples. Les WC à l’intérieur de la maison, ce n’était pas courant non plus. Donc, de ce côté-là, c’était quand même un pas très important pour l’ouvrier au niveau du confort.Camille Boudin
Une piscine, trois tennis, un stade et des rues courbes pour ménager les perspectives, huit architectes différents tentèrent chacun d’imposer leur griffe, du style normand au style basque.Pierre Haigneré
C’est une cité jardin qui est encore en excellent état par rapport à d’autres cités jardins du territoire, qui est important de maintenir l’identité, l’aspect général…(musique)
Camille Boudin
Bombardée en 1944, la moitié de la Délivrance sera reconstruite à l’identique.(musique)
Camille Boudin
Mais un demi-siècle plus tard, la SNCF se désintéresse de la cité et s’en désengage. Certains bâtiments sont aujourd’hui en ruine, comme l’ancien dispensaire qui eut pourtant une réelle importance dans la vie de tous les jours.Jacques Cotes
Les mamans pouvaient se procurer du lait, pouvaient se procurer aussi des conseils médicaux, des conseils sains, des conseils d’hygiène qui étaient nécessaires à une population pas encore très évoluée et qui ne consultait que peu les médecins.Camille Boudin
Un vaste plan de réhabilitation du quartier est prévu pour 2012. Hélas, 15 % des logements de l’ancienne cité cheminote devraient être détruits, trop abîmés pour pouvoir être restaurés.(musique)