La première maison de tourisme en France, à Chambéry (muet)

1920
04m 03s
Réf. 00110

Notice

Résumé :

La première maison de tourisme française a ouvert à Chambéry au début du 20ème siècle. Elle proposait différents services, comme un bureau de change, de renseignements ou encore des Postes. Ce reportage muet présente ces différentes facilités regroupées en un seul et même endroit afin de faciliter les démarches des touristes.

Date de diffusion :
1920

Éclairage

Fondé en 1896 et parmi les premiers en France, le syndicat d'initiative, alors nommé « maison de tourisme » de Chambéry fait l'objet d'un reportage en 1920. Celui-ci est réalisé par la maison CUC (1). Comme la photographie a accompagné la découverte des Alpes et la naissance du tourisme au cours du 19ème siècle, les images animées et les premières productions cinématographiques sont utilisées pour valoriser cette activité. Après la fin de la Première Guerre mondiale, le tourisme reprend ses droits dans une volonté collective d'oublier les années terribles. Les maisons de tourisme et autres syndicats d'initiative, mis en place depuis la fin du siècle précédent, se mobilisent pour attirer une clientèle encore restreinte numériquement mais à qui un choix grandissant de destinations est proposé. Les stations françaises, que ce soit les stations d'altitude ou les villes d'eaux, imitent alors les suisses qui restent sans conteste les modèles dans leur organisation comme pour les paysages qu'elles incarnent. Aussi ces nouvelles structures qui doivent séduire leur clientèle qui s'est élargie à la moyenne bourgeoisie, utilisent tous les ressorts de la publicité, dont le développement est majeur depuis le milieu du 19ème. En premier lieu ce sont les affiches, qu'elles soient graphiques ou photographiques, notamment les fameuses affiches du PLM (Paris Lyon Méditerranée) (2) associées à l'usage des chemins de fer, autre innovation cruciale favorisant le tourisme et l'accès aux stations alpines. Il en va de même des guides touristiques qui permettent aux voyageurs de préparer leur déplacement et de cerner à l'avance puis sur le moment les sites et monuments à voir absolument. Les guides Michelin associés aux nouveaux véhicules automobiles complètent les guides Hachette plus classiques (3).

Ce film destiné à présenter ce qu'est une « maison de tourisme » est d'autant plus intéressant qu'il s'agit d'un genre à l'époque très nouveau et d'une production exceptionnelle. C'est aussi Chambéry, certes ancienne capitale de Savoie mais cité touristique moindre par rapport à ses voisines et villes d'eau, Aix les Bains et Challes les eaux qui est au centre de ce reportage. On est encore dans la période des films muets, qui alternent images animées et cartels expliquant la scène aux spectateurs. Comme on peut l'observer sur les images, les personnes jouent en partie et avec plus ou moins de naturel le rôle qu'on leur a demandé. On retrouve ce genre de mise en scène et de montage dans les films familiaux réalisés par ces mêmes élites sociales dans cette période : ils ont donc une certaine habitude d'être devant une caméra alors peu discrète d'un point de vue technique. Ici pour faire découvrir cet établissement, les réalisateurs ont fait le choix de suivre un garçonnet censé précéder la caméra au cours des différentes séquences. Habillé d'un smoking, comme un adulte de sa catégorie sociale, et même s'il semble garder des attitudes de son âge, courant entre les tables, avec décontraction voire même un certain aplomb, il permet à la caméra d'alterner les vues panoramiques sur la clientèle bourgeoise classique des touristes de l'époque et les cadrages plus resserrés sur les services que cette structure offre. Sise en plein centre de la ville près de la mairie, l'établissement borde une place où des cafés ont installé des tables pour accueillir les clients en villégiature alors qu'officient des musiciens qui prodiguent un fond sonore quand ils n'animent pas un bal en après midi. La scène est classique des activités estivales de cette clientèle-là. Le film veut cependant montrer les nouveautés et les services qu'apporte aux touristes cette institution : renseignements sur les lieux de villégiature et les sorties à proximité (la maison de Rousseau, les Charmettes - l'abbaye de Hautecombe – les gorges du Fier - etc), central téléphonique et service postal, point de rencontres pour la consultation des cartes géographiques. Enfin et dès cette période, cet office assure non seulement la promotion du territoire mais aussi celle des productions « locales » qu'une serveuse en costume « traditionnel » propose, rappelant si besoin est l'identité savoyarde comme marque de reconnaissance et de singularité et pour Chambéry, un outil de promotion. Il est intéressant de remarquer la précocité de cette démarche de promotion des produits locaux au même titre que les paysages ou la nature, une démarche présentée comme novatrice lorsqu'elle sera reprise quelques soixante dix ans après. Au final, une belle archive pour l'histoire du tourisme comme pour celle du cinéma avant que la télévision assure ce même rôle à partir des années 60.

(1) Compagnie Universelle Cinématographique, maison aujourd'hui disparue. Ce document a été restauré par les archives françaises du film-CNC à partir d'une copie nitrate appartenant à la société GPA (Gaumont Pathé Archives).

(2) Voir les affiches dans cette même fresque.

(3) Voir la notice dédiée à ce sujet associée aux affiches PLM.

Bibliographie :

- Ambrosi Christian, Wedekind, Mickael (2007) Alla conquista dell'immaginario : l'alpinismo come proiezione di modelli culturali e sociali borghesi tra Otto e Novecento. Antilia : Treviso.

- Boyer Marc (2005) Histoire générale du tourisme du XVI° au XXI° siècle. Paris : l'Harmattan.

- Chabaud Gilles, Cohen Evelyne, Coquery Natacha, Penez Jérôme (1997) Les guides imprimés du XVIe au XXe siècle. Paris, Belin.

- Kocka Jürgen (1997) Les bourgeoisies européennes au XIXème siècle. Belin.

- Tissot Laurent (2000) Naissance d'une industrie touristique - les Anglais et la Suisse au XIXe siècle. Lausanne : Payot.