Un projet d'aquaculture à Larmor Baden

23 janvier 1989
03m 48s
Réf. 00300

Notice

Résumé :

A Larmor Baden, le marais de Pen an Toul est au cœur d'une polémique opposant un groupement d'ostréiculteurs et d'aquiculteurs à une association de défense de l'environnement, la Vigie. Les deux parties souhaitent acquérir ce site naturel.

Date de diffusion :
23 janvier 1989
Source :
(Collection: Rennes midi )

Éclairage

Les cultures marines ou aquaculture en Bretagne sont pour certaines, anciennes (la conchyliculture), pour les autres plus récentes (l'élevage de poissons). La grande nouveauté à partir des années 1980 en Bretagne est l'apparition de fermes aquacoles sur le littoral breton visant l'ostréiculture et l'élevage de poisson. Pourquoi ? Tout simplement à cause de la diminution des ressources sur les lieux de pêche ou de production. En outre, il existe une véritable demande des consommateurs français. Toutefois, au-delà d'une nécessaire formation technique et scientifique pour qui veut s'implanter, les obstacles sont nombreux. Tout d'abord, ils peuvent être juridiques et politiques. En effet, la procédure pour obtenir l'autorisation par l'État d'implanter une ferme marine est très longue. L'autre obstacle majeur peut être d'ordre écologique comme à Larmor Baden en 1989. La dégradation de l'environnement depuis le milieu du XXe siècle pousse de nombreux bretons à se mobiliser. Outre les nombreuses contestations face aux marées noires et aux projets de construction de centrale nucléaire, de nombreux militants écologistes se mobilisent pour une politique de conservation rigoureuse de leur environnement. Le rapport de l'homme à la mer change donc en Bretagne vers la fin du XXe siècle. Ce nouveau rapport que l'homme doit avoir à la mer voit alors deux camps, difficilement conciliables, s'affronter.

Bibliographie :

- Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, Ed. Ouest France, 1989.

François Lambert

Transcription

Journaliste
Le marais de la discorde. Ca se passe à Larmor Baden, dans le golfe du Morbihan. Face à face, un groupe d'ostréiculteurs et une association locale de défense de l'environnement. Les premiers veulent exploiter un marais de 30 hectares, et les seconds, eux, veulent le faire classer. Philippe Abalan a défriché l'argumentaire des deux forces en présence, dans un conflit où rien n'est encore joué.
Philippe Abalan
L'initiateur du projet est Patrick Le Gall, un aquaculteur qui, depuis 4 ans, élève des crevettes japonaises sur la presqu'île de Quiberon. Et ça marche plutôt bien. Il vient d'atteindre le seuil de la rentabilité. Pour exploiter le marais, il s'est associé - c'est un groupement d'intérêt économique - à 6 ostréiculteurs dont Daniel Crénéguy, l'un des plus importants de la région. A eux tous, ils forment, appelons-les ainsi, le Groupe des 7. Il veut acquérir le marais de Pen En Toul, 30 hectares, situé à un kilomètre de Larmor-Baden, un site en théorie exceptionnel. Ils ont des atouts très sérieux en mains : le plan d'occupation des sols qui leur donne raison, l'IFREMER qui les encourage officieusement et surtout la promesse de vente du terrain, signée pour 600 000 francs. En face d'eux, l'association la Vigie soutenue par la SEPNB, la Société d'Etude et de Protection de la Nature en Bretagne.
Jean-François Berthou
Ici, c'est le royaume de la gorge bleue. C'est un petit passereau qui a le ventre bleu, la gorge bleue comme l'indique son nom et qui est relativement rarissime. Ici, il trouve son terrain d'élection pour faire son nid.
Philippe Abalan
Le creusement des bassins, les pompes, le hangar, les digues, c'est, dit-elle, la disparition certaine d'espèces animales rares.
Jean David
Vous avez l'échasse blanche et le chevalier gambette, par exemple, qui nichent ici assez régulièrement, et dont il n'y a que quelques centaines de couples en France. Les tadornes du golfe de Morbihan amènent leurs jeunes se nourrir ici. Et en migration, on voit tout un tas d'espèces, notamment des spatules blanches qui sont aussi des oiseaux rares en Europe.
Jean-François Berthou
Tenez, regardez des chevaliers gambette. Je dirais que c'est un combat d'avant-garde. Nous avons tout le monde de notre côté : nous avons plus de 80% de la population locale, nous avons les élus locaux qui sont avec nous et maintenant, nous avons les autorités départementales, le conseil général, qui commence à agir en notre faveur. Nous avons alerté tous les organismes français et même européens, puisque maintenant, nous avons même la fondation Cousteau qui s'intéresse à notre affaire.
Philippe Abalan
« Tout cela est faux », répond le Groupe des 7, « Nous sommes les premiers à être intéressés par un site le plus naturel possible».
Daniel Crénéguy
Notre objectif, c'est de faire vivre le marais à la façon un peu de ce qui se pratique en Charente, c'est-à-dire l'exclusion des éléments de béton. Nous redessinons les talus ou les aboteaux comme ils les appellent là-bas. Nous ménageons... enfin, nous rétablissons le système hydraulique pour la circulation normale de l'eau. Et puis... et puis c'est tout. Il y a également, bien sûr, l'évacuation des vases qui se sont accumulées depuis une trentaine d'années.
Patrick Le Gall
Nous avons décidé d'exploiter une première tranche de 5 hectares l'année prochaine, et dans la mesure où c'est positif, de continuer, donc, jusqu'à la surface totale.
Daniel Crénéguy
Une chose est certaine : c'est que ce type de site n'est pas... n'est pas... est pratiquement unique dans le golfe du Morbihan. Il convenait d'en profiter comme il se devait.
Philippe Abalan
Pour le moment, les relations restent courtoises. Les yeux dans les yeux, ils confrontent même les idées au bord du marais de la discorde. Mais l'heure de la signature définitive approche et la tension monte. Le Groupe des 7 reste silencieux sur ses intentions. L'association parle d'aller, s'il le faut, jusqu'à la barre du tribunal.