Le canal Seine-Nord Europe va voir le jour
Notice
Reportage sur le projet de canal Seine-Nord Europe qui doit permettre de relier les grands ports du nord de l'Europe. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui vient de donner son feu vert pour sa construction, s'est rendu à Nesle dans la Somme afin de visiter le chantier. Ce projet devrait aussi permettre de dévier les camions vers la voie d'eau et de réduire le trafic et la pollution.
Éclairage
Le Canal Seine-Nord Europe verra-t-il le jour ? C'est l'espoir de nombreux acteurs politiques et économiques, tous bords confondus, face aux multiples rebondissements de ce qu'on serait tenté de qualifier d'interminable "feuilleton" de l'aménagement du territoire.
Mais de quoi s'agit-il au juste ? Le Canal Seine-Nord Europe (CNSE) est, en fait, un gigantesque projet d'infrastructure fluviale de 106 kms qui vise à connecter la Seine (via la vallée de l'Oise) au nord de la France (Marquion) en la raccordant au canal Dunkerque-Escaut. A travers cette nouvelle artère navigable d'envergure, l'ambition est de créer un vaste réseau fluvial européen à grand gabarit permettant la circulation de bateaux capables de transporter jusqu'à 4400 tonnes de marchandises de toutes sortes, reliant ainsi Le Havre, Rouen la région parisienne à Lille, Dunkerque, Rotterdam et Anvers, ainsi que les grands ports du Rhin et du Danube.
L'idée de "brancher" les bassins de la Seine sur les canaux de Nord Pas-de-Calais/Belgique n'est pas nouvelle. On en trouvait déjà la trace en 1814 dans les projets du Général Lazare Carnot, alors maire d'Anvers. Plus tard, une série d'hésitations en repousseront la réalisation : fallait-il relier la Somme à l'Oise ou créer un corridor fluvial entre le nord et l'Île-de-France ? Le projet ressurgit au début des années 1990 mais il est resté depuis lettre morte avant son énième renaissance au milieu des années 2000, et de nouveau fin 2013. Rappelons que la desserte fluviale actuelle de la région parisienne vers le nord de la France est fortement contrainte par le sous-dimensionnement et la vétusté des canaux du Nord et de Saint-Quentin.
A l'heure de la réduction nécessaire des émissions de gaz à effet de serre et de la mobilité durable, ses défenseurs le présentent comme un moyen indispensable de rééquilibrage modal au profit de la voie d'eau par rapport au ferroviaire mais surtout face aux réseaux routiers (autoroute A1 principalement) congestionnés et pollués. Ses adversaires pointent quant à eux son coût financier et écologique exorbitants au regard de ses retombées incertaines en termes de valeur ajoutée et d'emplois. Les risques de "déferlement" encore plus massif des marchandises chinoises depuis les ports néerlandais et d'accentuation de la polarisation industrielle (désindustrialisation) au profit du centre de l'Europe (Allemagne en tête) ne sont pas non plus à exclure.
La Picardie est concernée au premier chef par ce corridor fluvial puisque 85 kms du tracé, la partie stratégique, traverse son territoire. Après avoir raté le TGV (à l'exception de la gare perdue au milieu de nulle part d'Ablaincourt-Pressoir), les élus picards sont bien décidés à faire bénéficier leurs territoires de cette infrastructure en créant des zones d'activité en bordure de canal (plateformes multimodales de stockage, de manutention et de transport par exemple) et en développant le tourisme notamment nautique ; l'objectif étant de fixer de la richesse et d'accéder aux marchés d'exportation pour des territoires sinistrés par les crises successives.
Dans sa dernière mouture (décembre 2013), le projet a été reconfiguré afin de coûter moins (abandon du partenariat public-privé) et bénéficiera davantage du soutien financier de l'Europe (40 % du coût total selon le Commissaire européen chargé des transports). En attendant le prochain épisode...