La gare TGV Haute Picardie a accueilli 3 millions de passagers
Notice
La gare TGV Haute Picardie a fêté son 3 millionième passager, accueilli en fanfare et petits fours. Cependant les voyageurs interrogés se plaignent de cette gare au milieu de nulle part, à 45 minutes d'Amiens et sans places de parking. Pour la SNCF, la gare inaugurée en 1994 semble avoir trouvé sa vitesse de croisière. Pourtant, cette "gare des betteraves", construite loin d'Amiens a fait l'objet de polémiques qui, pour Dominique Vastel, directeur régional SNCF, n'ont plus raison d'être: 380 000 passagers y passent chaque année, le hall de gare va être refait, le parking agrandi, et une nouvelle destination (Strasbourg) est prévue pour 2007.
- Europe > France > Picardie > Somme > Estrées-Deniécourt
Éclairage
Construite en 1994 sur la ligne grande vitesse (LGV) du TGV Nord, sous la houlette de Jean-Marie Duthilleul, architecte en chef de la SNCF et de l'agence d'étude des gares de la SNCF, la gare TGV Haute Picardie est aussi plus trivialement appelée "gare des betteraves", du fait de sa localisation hors de toute agglomération, dans un territoire encore largement agricole, à égale distance ou presque des agglomérations d'Amiens (45 kilomètres) et de Saint-Quentin (40 kilomètres). Cette implantation qui peut, à première vue, surprendre, rend compte à la fois des logiques propres à la SNCF concernant la mise en place et l'organisation du réseau ferroviaire à grande vitesse et des conflits d'acteurs entre la SNCF et les pouvoirs publics locaux et entre collectivités territoriales.
A la suite de Valérie Fachinetti-Mannone (1), il est possible de différencier trois grands types de "gare-bis" TGV : les haltes ferroviaires à fonction de desserte, les gares TGV périphériques devenues gares principales de l'agglomération, enfin les pôles-relais des gares centrales desservant de grands équipements ex-urbanisés. La gare TGV Haute Picardie appartient à la première catégorie : elle est à la fois éloignée des deux pôles urbains d'Amiens et de Saint-Quentin et déconnectée du réseau ferroviaire classique – la gare de Chaulnes n'est pourtant distante que de 8 kilomètres. Le site de la gare souligne ainsi le choix de privilégier une desserte par navettes d'autocars grâce à une bonne accessibilité autoroutière, puisque la gare se situe à proximité du croisement de l'autoroute A1 et de l'autoroute A29 et qu'elle bénéficie, à ce titre, d'un échangeur sur chacune de ces infrastructures.
La construction de la LGV Nord a donné lieu à ce que Jean-François Troin et Philippe Subra ont appelé une véritable "guerre des tracés" (2) qui a mis aux prises les villes de Lille, d'Amiens et de Saint-Quentin. Au final, le tracé retenu, qui longe en grande partie l'autoroute A1, privilégie une desserte directe entre Paris et Lille. Cette décision de l'Etat et de la SNCF privilégie la mise en réseau des principales métropoles françaises et européennes, au détriment des niveaux inférieurs de la hiérarchie urbaine, même si les acteurs picards – principalement la ville d'Amiens – ont revendiqué un infléchissement du tracé vers l'ouest au nom de l'aménagement du territoire. Cependant, cette demande n'a pas été unanimement défendue par les acteurs locaux. Dès 1974, une première étude, rapidement abandonnée, consacrée au TGV Nord considérait que le TGV n'était pas le moyen ferroviaire adéquat pour assurer la liaison entre Paris et Amiens, compte tenu de la proximité entre les deux villes et pour éviter une trop forte croissance des navettes domicile-travail. Cette première conclusion est confirmée par la commission Rudeau qui recommande en avril 1987 un tracé direct Paris-Lille pour la future LGV. Celle-ci suggère néanmoins la création de la future gare TGV Haute Picardie, sorte de compensation pour la région Picardie. La gare TGV du Creusot-Montceau-les-Mines-Montchanin, mise en service en 1991, sert alors de modèle de référence explicite.
Si le trafic de voyageurs (380 000 personnes) évoqué dans le reportage correspond presque aux 400 000 voyageurs par an prévus lors de la mise en service de la gare en mai 1994, l'implantation de la gare n'a pas engendré un développement local particulier.
(1) Valérie Facchinetti-Mannone ,"La nodalité des gares TGV périphériques", Les Cahiers Scientifiques du Transport N° 48/2005 - Pages 45-58
(2) Jean-François Troin ,Rail et aménagement du territoire, édition EDISUD, 1995, repris par Philippe Subra dans Géopolitique de l'aménagement du territoire, A. Colin, coll. Perspectives Géopolitiques, Paris, 2007.