La Glass Vallée

29 janvier 1994
05m 03s
Réf. 00326

Notice

Résumé :

Magazine consacré à la Glass Vallée pôle mondial du flaconnage de luxe situé dans la vallée de la Bresle. Chez Brosse on fabrique encore des pièces uniques à la main, l'usine est spécialisées dans le haut de gamme et comme le précise Bernard Marty (directeur de l'usine), "en verrerie tout est possible". Patrick Barré (directeur général) souligne que c'est un des rares domaines où les français sont en position privilégiée au niveau mondial. Les femmes sont chargées du travail de vérification. La plus grande usine de fabrication au mondes est celle de Saint Gobain Desjonqueres SGD à Mers-les-Bains. Thierry Bernard (directeur secteur parfum) se définit comme "verrier automaticien", le travail à la chaîne permettant de réduire les coûts.

Type de média :
Date de diffusion :
29 janvier 1994
Source :
France 3 (Collection: Témoins )

Éclairage

Trait d'union entre les régions Picardie et Haute-Normandie, la vallée de la Bresle est unique au monde pour son extraordinaire concentration de savoir-faire industriels dans le domaine du flaconnage verrier. On trouve, en effet, dans la "Glass Vallée" (1) – c'est ainsi qu'on la qualifie - tous les métiers relatifs au travail du verre : designers, fondeurs, maquettistes-modeleurs, moulistes, verriers, trieurs, paracheveurs-décorateurs, sans oublier tout ce qui concerne les accessoires, le conditionnement et l'emballage.

Aujourd'hui, on sait avec certitude que c'est au XVe siècle (1430) qu'a eu lieu la première implantation d'une verrerie à Saint-Martin-au-Bosc. Mais, c'est au XIXe siècle que la "filière verrière" va rapidement prendre son essor. Plusieurs facteurs ont contribué à la spécialisation productive du territoire : la présence, en abondance et à proximité des manufactures, de sources d'énergie (bois de chauffe issus de la Forêt d'Eu pour alimenter les fours, force hydraulique de la Bresle qui permet d'actionner les ateliers), de matières premières (sable, fougères, coteaux crayeux, terres réfractaires...etc.), et la création en 1875 de la voie ferrée Paris-Le Tréport. Cette création, a ouvert de nombreuses perspectives tant en termes d'acheminement de nouvelles sources énergétiques (le pourvoir calorique supérieur du charbon de terre découvert au siècle précédent) que de débouchés commerciaux (à l'époque, Paris constituait un des plus importants centres de négoce du verre au monde et Londres, aisément accessible par la mer, l'un des plus gros marchés).

Aujourd'hui encore, non seulement cette spécificité perdure mais elle a pris une ampleur telle que la Glass Vallée assure la fourniture de 75% du flaconnage de luxe mondial pour les besoins de la haute parfumerie, de la cosmétique et des spiritueux. Son tissu productif se compose aussi bien de petites structures (BMV -création et usinage de moules à Bettencourt) que de PME (Verreries Brosse à Vieux-Rouen) ou de grandes entreprises internationales (SGD à Mers-les-Bains et au Tréport). On peut d'ailleurs apprécier le travail réalisé dans les ateliers de ces deux dernières sociétés dans cet extrait du reportage du 29 janvier 1994.

Bien qu'en position dominante sur le marché mondial, la crise n'est jamais très loin. La bourrasque mondiale de 2008-2009 a durement affecté le cluster qui a perdu près de 10 % de ses emplois. C'est en se regroupant en "grappe d'entreprises", label décerné par la DATAR (2), que les industriels locaux ont pu faire face aux difficultés. Dotée d'une charte de bonne entente, l'association Glass Vallée qui regroupe à ce jour 75 entreprises, s'est rapprochée de l'UTC de Compiègne pour trouver les moyens de renforcer la qualité, favoriser l'innovation, réduire les délais de mise sur le marché ainsi que les coûts de production.

C'est à ce prix que le pôle mondial de la verrerie parviendra à tenir à distance ses redoutables concurrents allemands (Heinz) et italien (Luigi Bormilio).

(1) Voir le site internet du pôle Glass Vallée

(2) La Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) est un service du Premier ministre.

Elle prépare, impulse et coordonne les politiques d'aménagement du territoire menées par l'État.

Slim Thabet

Transcription

(Musique)
Martine Bailly
Si les parfums semblent invisibles, les flacons, eux, sont des écrins indispensables. Le verre, le cristal sont les matières privilégiées des flacons. Leurs formes les plus complexes sont fabriquées dans des verreries de la vallée de la Bresle. Les artisans verriers de l’entreprise Brosse cueillent encore le verre à la main. Ils sont capables de fabriquer des pièces uniques comme les flacons géants factices présentés dans les vitrines des parfumeries.
(Bruit)
Martine Bailly
Un travail difficile rendu pénible par la chaleur, le bruit. Ces ouvriers hautement qualifiés travaillent deux fois trois heures et demi avec une interruption d’une demi-heure par jour. Les verriers restent les grands maîtres de leur technique. Pour parfaire ce tour de main, seul l’homme peut façonner la silhouette d’un flacon. Chaque pièce est unique.
(Bruit)
Martine Bailly
Les verreries Brosse sont spécialisées dans le très haut de gamme. Ici, on fabrique les grands ou les très petits objets en verre comme les bouchons, véritables œuvres d’art.
(Bruit)
Bernard Marty
On travaille sur des produits de très haute qualité. C’est le très haut de gamme que nous faisons. Nous travaillons plus souvent pour l’extrait que pour le flacon de toilette. Nous faisons de très belles choses, les plus belles possibles. Et ce qui nous plaît, c’est de pouvoir répondre aux sollicitations des designers qui nous demandent de faire des choses parfois impossibles et que nous essayons, malgré tout, de réaliser.
Martine Bailly
Il y a des choses, parfois, vous dites : « Ce n’est pas possible » ? Ça vous arrive ?
Bernard Marty
Il arrive que nous disions que ce n’est pas possible en première approximation. Et en matière de verrerie, je crois qu’on peut dire que rien n’est impossible mais il faut beaucoup d’opiniâtreté et beaucoup de courage.
Martine Bailly
L’entreprise a dû également investir dans des machines semi-automatiques et celle-ci entièrement automatique cette fois. Avec sa programmation électronique intégrée, cette machine a été mise au point ici même.
(Bruit)
Martine Bailly
Mais là encore, on ne peut se passer de l’homme. Chaque pièce est soigneusement vérifiée ou jetée. Installée à Vieux-Rouen-sur-Bresle, les clients du monde entier viennent visiter ces usines qui exportent la plupart de sa production. Mais la concurrence est rude.
Patrick Barre
Dans les circonstances actuelles, il est évident qu’il faut beaucoup se battre. Nous sommes quand même sur un domaine très compétitif. C’est un peu une bagarre franco-française, ce qui fait plaisir. Je crois, nous sommes quand même un des rares domaines où les Français sont quand même encore en position assez privilégiée au niveau mondial.
(Bruit)
Martine Bailly
L’usine emploie 300 personnes. Chaque flacon est toujours soigneusement vérifié et trié. Le moindre défaut condamne la pièce au rebus. Et ce sont surtout les femmes qui sont chargées de ce minutieux travail.
(Bruit)
(Musique)
Martine Bailly
Mais la plus grande usine de fabrication de flacons du monde reste quand même Saint-Gobain-Desjonquères à Mers-les-Bains. L’usine possède 7 fours, 27 lignes de production dont une partie réservée à la pharmacie.
(Bruit)
Thierry Bernard
Nous sommes les derniers automaticiens. C'est-à-dire que vous avez vu, en fait, on fabrique avec des machines automatiques. Ça permet de baisser les coûts d’une façon importante. Brosse est un verrier manuel donc il réalise ses pièces quasiment à l’unitaire. Les séries de Brosse, ça doit être 15 000-25 000 pièces. Nous, on réalise des séries de 15 000 à plusieurs millions de pièces. Et quelque part, notre métier, c’est d’être partenaire dans la création de nos clients avec les designers. Et comme disait un grand designer, c’est de participer aussi à l’évolution esthétique un peu des gens, quoi.
Martine Bailly
Près de 1700 personnes travaillent sur ce site depuis la fabrication jusqu'aux différents services consacrés à la recherche et au développement. L’usine crée chaque année plus de 300 modèles différents. Le four n°1, le plus ancien, est réservé aux pièces les plus belles, les plus précieuses. Car l’entreprise ne se contente pas de répondre aux exigences des clients. Mais elle suscite également la demande en proposant et créant de nouveaux types de verre et nouvelles formes. Mais l’avenir d’une telle usine réside dans l’automatisation exclusive. Pouvoir, un jour, remplacer le regard vérificateur de l’homme par une caméra.
(Bruit)