L'université de technologie de Compiègne trois ans après sa création

30 octobre 1975
06m
Réf. 00209

Notice

Résumé :

Reportage à l'UTC (université de technologie de Compiègne), première université de technologie en France, créée à titre expérimental. Les étudiants sont recrutés au plan national et international. Il préparent un diplôme de docteur ingénieur. La recherche est au centre des études avec des moyens modernes à sa disposition. Elle s'intéresse à des développements au service de la vie quotidienne. Guy Deniélou, ancien ingénieur du CEA et fondateur puis président de l'UTC dit les objectifs de cette formation. S'il ne pense pas qu'il puisse y avoir de concurrence avec l'Université d Amiens, la proximité de Paris peut paraître pesante. Le maire de Compiègne Jean Legendre espère que cette université permettra d'attiré d'autres branches de l'enseignement supérieur.

Type de média :
Date de diffusion :
30 octobre 1975
Personnalité(s) :

Éclairage

L'université de technologie de Compiègne (UTC) est créée par décret le 2 octobre 1972 à l'initiative de Guy Deniéliou et contre l'avis des instances représentatives de l'enseignement. Le maire de Compiègne, Jean Legendre, est en revanche un soutien de la première heure. Dès 1969, sa ville est retenue pour être le siège d'une future université. A l'époque de la déconcentration de la région parisienne, elle présente de nombreux atouts, notamment sa proximité avec Paris, d'un raccordement autoroutier et du futur aéroport de Roissy.

Mais parce que ses promoteurs veulent impliquer le monde de l'économie dans l'université, elle est rapidement étiquetée comme "l'université du patronat". L'UTC – 66e université française – n'est ni une faculté traditionnelle, ni une grande école, ni une antenne de l'Université de Picardie basée à Amiens. C'est un véritable « ovni universitaire » qui a nécessité un aménagement de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur d'Edgar Faure. En effet, dans la France de l'après-mai 1968, son organisation est à contre-courant puisque la majorité de son conseil d'administration et son directeur sont désignés par le ministère. Guy Deniélou occupe naturellement le premier cette fonction, de 1972 à 1987.

Guy Deniélou est né le 14 juin 1923 à Toulon. Il s'engage dans la marine en 1940 puis est reçu à l'École navale l'année suivante, avant qu'elle ne soit dissoute par les Allemands. Après un passage à Sciences-Po, l'officier sous-marinier Deniélou rejoint Cherbourg, où il travaille sur la conception d'un sous-marin nucléaire. Formé au génie nucléaire à Saclay (1957-1958), il quitte la marine pour le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Il participe au développement du Centre d'études nucléaires (CEN) de Grenoble sous l'autorité de Louis Néel, qui le charge de l'enseignement de neutronique et théorie des réacteurs à l'Institut polytechnique de Grenoble. Nommé chef du département des réacteurs à neutrons du CEA en 1971, il est également membre du groupe de travail qui réfléchit alors à une université de type nouveau. Guy Deniélou est ensuite désigné par Olivier Guichard (Ministre de l'Aménagement du territoire puis de l'Education nationale) pour créer ce prototype universitaire devenu incontournable dans le paysage universitaire picard et dans le panorama des écoles d'ingénieurs françaises.

Julien Cahon

Transcription

(Musique)
Alian Menargues
Depuis 3 ans, la ville de Compiègne est une ville universitaire. Il a fallu deux ans de démarches administratives avant de pouvoir commencer les travaux. Et la première tranche vient tout juste d’être terminée. L’UTC est la première université de technologie française. Elle a été créée par dérogation et cela pour son caractère expérimental. En d’autres termes, l’UTC a pour dominante l’étude des objets, des procédés industriels ou administratifs, ce qui comble un vide dans les programmes universitaires. C’est, là, une discipline toute nouvelle récemment introduite dans l’enseignement supérieur. Les étudiants, ils sont 600 cette année, sont recrutés sur le plan national et international. Ils préparent, à Compiègne, un diplôme de docteur ingénieur.
Guy Denielou
Il est clair que nous cherchons une spécificité du diplôme de Compiègne un style, un état d’esprit, si vous voulez, de l’université de Compiègne qui le rende demandé sur le marché. Voilà. C’est ce que nous cherchons.
Alian Menargues
C’est une formation professionnelle, à la limite ?
Guy Denielou
C’est une formation professionnelle visant les débouchés que nous ne croyons pas incompatibles avec la poursuite d’ambition de recherche de haut niveau dans une université. Nous pensons que les deux choses se marient bien. Il y a des modèles étrangers, incontestablement.
Alian Menargues
La recherche est, en fait, le centre des études de l’UTC. Elle disposera, à la rentrée prochaine, d’un bâtiment de 38 000 m². Pour l’instant, les équipes de chercheurs ont à leur disposition, dans des bâtiments provisoires, des moyens ultramodernes tels que microscopes électroniques, ordinateurs et laboratoire. Ces chercheurs s’intéressent essentiellement aux domaines de la technologie intéressant la vie quotidienne tels que les enzymes ou les colorants alimentaires. Et la recherche de l’UTC a déjà un renom international.
(Bruit)
Guy Denielou
La vraie recherche est une recherche de pointe. La politique actuelle du conseil aux universités, que, je dois dire, dans ce cas-là, j’approuve, est de viser un certain nombre de points d’excellence dans les universités de province. Le problème n’est pas de couvrir toutes les gammes, toutes les possibilités de recherche. C’est dans certains secteurs, être très bon. Et là, viser carrément le niveau international. Carrément.
Alian Menargues
Et vous pensez y arriver ?
Guy Denielou
Certainement. Dans certains cas, c’est vrai déjà, dans certains cas. Nous avons tout à fait le standing. Mais seulement, c’est un petit nombre d’équipes. Alors certains nous trouvent trop modestes parce que ce nombre d’équipes est petit. Et d’autres nous trouvent trop glorieux parce que nous disons que nous visons le niveau international. Mais la modestie au niveau international, c’est quelque chose qui va très bien ensemble.
(Bruit)
Alian Menargues
Est-ce que vous n’êtes pas un peu mal placés entre Paris dont on dit que vous êtes un satellite et Amiens qui voudrait vous englober ?
Guy Denielou
Amiens ne veut pas nous englober. Si Roland Perez était là, je pense qu’il nierait cette idée de concurrence. Je pense qu’au plan budgétaire, nous n’émergeons pas tout à fait au même chapitre, si vous voulez, et qu’au plan des diplômes, nous ne couvrons pas la même clientèle. Par conséquent, je ne crois pas qu’il y ait un problème réel de concurrence. Voilà. Et quant à Paris, il est de fait que nous préférerions, peut-être, être 20 km plus loin de Paris. Ceci dit, il faut être honnête. Ça nous apporte quand même des possibilités du point de vue du recrutement des étudiants et je pense que nous aurons toujours environs 1/3 d’étudiants de la région parisienne.
Professeur
Alors quelles sont les conditions de la concurrence ? Eh bien, c’est que…
Alian Menargues
Plus d’un demi-millier d’étudiants sont actuellement inscrits à l’UTC. Et le directeur de l’université en a prévu 3000 en 1980. Pour l’instant, les bâtiments se construisent et seul le centre Mermoz à la charnière entre le vieux et le nouveau Compiègne est achevé. Cette université, au nord de Paris, risque fort de donner, en matière d’enseignement supérieur, un nouveau destin à la ville de Compiègne.
Jean Legendre
Je pense que l’université de Compiègne va permettre de fixer un nouveau destin à la ville de Compiègne. Et ce nouveau destin, je l’envisage de la façon suivante. Je pense que Compiègne devrait devenir, au nord de Paris, le centre d’enseignement supérieur qu’est, par exemple, Orsay à l’ouest de Paris. Et que l’université de Compiègne, c’est une première pierre très importante qui va certainement nous amener d’autres enseignements supérieurs et voire même un tertiaire supérieur, des laboratoires, des centres de recherche et des centres d’études. Nous avons, pour cela, tous les terrains réservés et prévus. Et je puis dire que nous avons déjà certaines perspectives qui se présentent, d’autres enseignements supérieurs venant à Compiègne pour bénéficier précisément des installations de l’université et de l’enseignement public.
(Musique)
Alian Menargues
Des contacts, semble-t-il, ont été pris entre différentes grandes écoles et la municipalité de Compiègne à ce sujet. L’UTC pourrait donc jouer, dans les années à venir, un rôle d’aimant. En attendant, l’université s’implante dans la ville tout doucement, en choisissant l’intégration dans la population et dans la vie quotidienne de Compiègne.
(Musique)