Les grottes du Chemin des Dames
Notice
Visite des grottes du Chemin des Dames dans les des carrières du soissonnais en compagnie de Pierre Samin chargé de mission . Découverte d'un patrimoine unique au monde composé de sculptures, de bas-reliefs, œuvres des poilus de la Première Guerre mondiale enfermés dans ces galeries pendant plusieurs mois.
- Europe > France > Picardie > Aisne > Berny-Rivière
Éclairage
Dès 1914, les combattants tentent de tirer profit du terrain qu'ils occupent et utilisent, dans l'Oise et dans l'Aisne, les "creutes ", nom local des carrières souterraines. Celles-ci ont été creusées, depuis le Moyen Age, par des carriers afin d'y extraire la pierre calcaire servant à la construction. Exploitées selon la méthode des piliers tournés, qui consiste à laisser de place en place des piliers pour soutenir le ciel de carrière, les creutes, en majorité abandonnées ou réutilisées à d'autres fins en 1914, présentent des superficies très variables, de quelques ares à plusieurs hectares.
Dès les premiers combats, en septembre 1914, les carrières souterraines, dont certaines peuvent avoir jusqu'à 15 mètres d'épaisseur de recouvrement, servent d'abris aux combattants qui les considèrent comme des lieux sécurisants pour les bombardements. Ces creutes offrent aussi une protection contre le froid, puisque la température y est relativement constante.
Malgré les désagréments (forte humidité de l'air, présence de parasites et de rats, atmosphère mêlant les fumées aux odeurs d'excrément), les carrières font l'objet d'aménagements, qui transforment leur dédale de galeries en de véritables petites villes souterraines. Des dortoirs pour la troupe, des chambres pour les officiers, des cuisines, des postes de secours ou encore des postes de commandement sont construits dans les souterrains proches de la ligne de feu. Les cantonnements souterrains reproduisent en quelque sorte le fonctionnement de la caserne, avec des lieux spécifiques réservés aux différents services et activités. L'éclairage électrique, installé dans un grand nombre de galeries à partir de 1915, est très apprécié des combattants (1).
Avec l'occupation militaire, quantité de graffitis et inscriptions apparaissent sur les parois. De nombreux "soldats artistes" sculptent des bas-reliefs. Un bas-relief de grande taille, intitulé "De garde au balcon", réalisé dans les carrières du Noyonnais, représente le matériel nécessaire : une hache, servant sans doute de taillant, une pelle-pioche Seurre modèle 1906, outil portatif réglementaire des troupes françaises pendant la première guerre mondiale, un poinçon, une massette, un ciseau, une scie( 2). Un autre moyen d'expression est la gravure, souvent réalisée avec un outil de fortune (clou, canif...), et, occasionnellement, la peinture.
Un véritable art pariétal voit donc le jour, comme le montre ce reportage réalisé à la carrière de Confrécourt près de Vic-sur-Aisne.
L'iconographie révèle l'univers mental du soldat : hommage aux camarades, représentation de figures féminines, parfois érotiques, hommage au régiment (on voit dans le reportage le symbole de la compagnie des 1er Zouaves), hommage à la Patrie (la figure de Marianne sculptée à Confrécourt est montrée dans le reportage). De nombreuses carrières abritent de véritables petites chapelles, taillées dans la masse rocheuse, où les soldats peuvent trouver un réconfort moral et rendre hommage à leurs camarades tombés au combat. Le reportage montre la chapelle du père Doncoeur, un jésuite devenu aumonier militaire. L'autel fut sculpté par les 35e et 298e régiments d'infanterie en 1914. Il est écrit au-dessus une inscription patriotique : "Dieu protège la France". De la sanguine fut utilisée pour colorer les rayons du soleil entrant dans l'ornementation (3).
Ce patrimoine de la Grande Guerre resta longtemps dans l'oubli et fut de ce fait menacé de destruction. En 1983, à Confrécourt, des vandales tentent de découper le buste sculpté représentant Marianne. Un projet de préservation de ce patrimoine est alors soumis à la Jeune Chambre économique de Soissons. Une exposition est organisée en 1985 sur le thème du "soldat artiste". La nécessité de fonder une structure pour encadrer cette protection se concrétise par la naissance, en 1986, de l'Association pour l'Inventaire et la Préservation des Sites. Un an après le reportage, soit en 1988, la DRAC de Picardie décide de recenser le patrimoine gravé de cette période à l'occasion du 70e anniversaire de la fin de la Grande Guerre. La tâche se répartit en deux secteurs : le Chemin des Dames est confié au Comité du Tourisme de l'Aisne ; le Soissonnais ouest revient à l'AIPS, dont la dénomination courante devient Soissonnais 14-18. En 1990, les carrières de Confrécourt sont inscrites aux Monuments historiques(4).
.(1)Thierry Hardier, " Une guerre souterraine, creutes et tunnels du chemin des Dames" dans Nicolas Offenstadt (sous la direction de), Le chemin des Dames, Paris, Perrin, 2012, p. 155-161 et http://www.ecpad.fr/wp-content/uploads/2011/12/Les-carri%C3%A8res-dans-la-Grande-Guerre_Version-finale.pdf (consultation 23 juillet 2013).
(2) Hervé Vatel et Michel Boittiaux (sous la direction de), Le graffiti des tranchées, graffitis, sculptures et autres traces de la Grande Guerre, Association Soissonnais 14-18, 2008, p. 168.
(3) voir : http://souterrains.vestiges.free.fr/spip.php?article3 (consultation 23 juillet 2013).
(4) Hervé Vatel et Michel Boittiaux (sous la direction de), op. cit., p. 108-110.