Dépoldérisation de la baie de Somme

27 novembre 2007
01m 26s
Réf. 00537

Notice

Résumé :

La baie de Somme ne cesse d'être confrontée au même phénomène : l'ensablement. Pour lutter contre la poldérisation et lui rendre un aspect plus marin, une étude va être menée, notamment dans les secteurs du Cap Hornu et de la pointe du Hourdel afin de mesurer les courants et s'en servir pour le désensablement. Jean-Christian Cornette, président du syndicat mixte du grand littoral, en définit les principes. On utilise les courants de la mer, ce qui est nouveau. Le site du Hourdel a été choisi.

Date de diffusion :
27 novembre 2007
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Éclairage

Avec une superficie 70 km2, la baie de Somme est le plus vaste des trois estuaires qui jalonnent la plaine maritime picarde. Comme les baies d'Authie et de la Canche, la baie de Somme se caractérise, par la présence d'un poulier (cordon de galets) au Sud qui progresse (en raison du déplacement vers le Nord-Nord-Est des sédiments par la dérive littorale) et d'un musoir sableux au Nord qui tend, globalement, à reculer.

Cet estuaire sablo-vaseux, en grande partie émergé à marée basse, est progressivement colmaté par des sédiments. Les fonds de la baie s'exhaussent, en moyenne, d'environ 2 centimètres par an et le schorre (zone de l'estuaire qui n'est couverte, en partie ou en totalité, que lors des grandes marées), appelé "mollières" en Picardie, s'étend au détriment de la slikke (inondée à chaque marée haute).

L'évolution de la baie de Somme a été l'objet de nombreuses recherches et modélisations, notamment au cours de ces trente dernières années, visant notamment à définir ses causes afin de mettre en œuvre des solutions pour limiter le colmatage de l'estuaire. Ces études indiquent que la sédimentation est en grande partie liée au fait que le courant provoqué par la marée montante (flot) est plus rapide que celui créé par la marée descendante (jusant). Le flot apporte plus de sédiments que le jusant n'en reprend. De plus, les débits liquides des deux fleuves (la Somme et la Maye) et des deux canaux (celui de Lanchères et celui de Cayeux) qui aboutissent dans la baie sont trop faibles pour évacuer efficacement les sédiments. Certains experts estiment que cette évolution serait accélérée par le développement sur la slikke de deux espèces de spartines qui favoriseraient l'atterrissement des particules sédimentaires.

Par ailleurs, il est aujourd'hui admis que des aménagements ont contribué à accélérer le colmatage de l'estuaire (1). Il s'agit notamment de l'endiguement, réalisé au début du XIXe siècle, du chenal de la Somme d'Abbeville à Saint-Valery et de la construction de digues (appelées "renclôtures") à partir du milieu du XVIIIe siècle autour de la baie, réduisant de plus d'un tiers sa superficie.

Le maintien du caractère maritime de la baie de Somme constitue un enjeu économique, touristique et environnemental. Pour limiter les effets de l'ensablement sur l'accès aux trois ports de la baie (Le Hourdel, Saint-Valery-sur-Somme et le Crotoy), le conseil général de la Somme a engagé en 1997 un programme d'aménagement, qui a notamment abouti à la décision de rouvrir le polder de La Caroline (au Sud-Sud-Est du Hourdel) à la mer sur une superficie de 27 ha. Une brèche d'une trentaine de mètres devrait être ouverte pour provoquer un effet de chasse hydraulique dans le chenal du port jusqu'à la pointe du Hourdel. L'objectif est de piéger les eaux de la marée montante derrière une digue et des écluses et de les relâcher à marée basse pour générer des courants assez forts pour évacuer les sédiments. Cette technique est notamment utilisée dans la Baie du Mont Saint-Michel.

Des opérations de dépoldérisation, visant à un retour volontaire des polders à la mer, sont réalisées depuis une trentaine d'années sur les côtes européennes (2). La dépoldérisation est parfois involontaire, lorsqu'une ouverture se crée à la suite d'une tempête, comme cela s'est produit en 1986 pour le polder de Mollenel (3).

L'ensablement de la baie n'est pas une préoccupation récente. Un bassin de chasse a été construit en 1861 au Sud-Est du Crotoy pour évacuer après chaque marée, les sédiments d'une partie de la baie. Cet aménagement, qui a permis de maintenir l'activité halieutique du port pendant le XXe siècle, tend aussi à se colmater, ce qui nécessite de le draguer. Pour recevoir les déblais de dragage, il a également fallu construire des casiers à proximité du site. Depuis plusieurs années, le Département réfléchit à la possibilité de curer ce bassin.

Par ailleurs, dans l'objectif de préserver ces milieux physiques remarquables, la baie de Somme est, avec une grande partie de la vallée fluviale, intégrée au réseau "Natura 2000". Elle appartient aussi au Parc naturel marin des trois estuaires, créé en décembre 2012, incluant également les embouchures de la Canche et de l'Authie.

(1) HOEBLICH, J.-M. (1999), La baie de Somme en question, Actes du colloque organisé par l'Association pour le littoral et la baie de Somme à Amiens le 13 novembre 1998,196 p.

(2) BAWEDIN, V. (2013), L'acceptation de l'élément marin dans la gestion du trait de côte : une nouvelle gouvernance face au risque de submersion ?, Annales de géographie, 692, 2013/4, p. 422-444 ; GOELDNER-GIANELLA L. (2013), Dépoldériser en Europe occidentale. Pour une géographie et une gestion intégrées du littoral, Paris, Editions du CNRS, collection "Territoires en mouvement", 340 p.

(3) VERGER, F. (2011), L'embouchure de la Somme et la perte progressive de son caractère maritime, du Moyen-âge à aujourd'hui, dans les actes du colloque "Enjeux environnementaux et socio-économiques de la Baie de Somme" organisé par le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard à Saint-Valery-sur-Somme les 22 et 23 septembre 2011, p.8-19 (www.baiedesomme.org/actu/images_docs/actu/docs/2012-01-10_Actes-du-COLLOQUE-BAIE-DE-SOMME.pdf)

Stéphane Desruelles

Transcription

Isabelle Michel
Pour lutter contre l’ensablement de la baie de Somme, une étude va être menée notamment dans les secteurs de Cap Hornu et de la pointe du Hourdel. L’objectif, se servir des courants pour désensabler. Renaud Parquet, Jean-Louis Croci.
Renaud Parquet
Rendre à la baie de Somme son aspect maritime, c’est tout l’enjeu du programme de dépoldarisation entrepris depuis deux ans par le conseil général et le Syndicat mixte du grand littoral.
Jean-Christian Cornette
La dépoldarisation, c’est laisser la mer reproduire des phénomènes naturels qui permettent le désensablement très naturel ; en ayant aussi pour objectif de maintenir des activités traditionnelles comme la pêche, la chasse, la cueillette des coquillages. Donc, c’est s’appuyer sur les forces de la nature et lui restituer tous ses droits.
Renaud Parquet
En Somme, on utilise les courants de la mer pour désensabler. Et c’est une nouveauté, car pendant 15 ans, tous les projets visaient à résister aux assauts marins en érigeant des digues.
Jean-Christian Cornette
On va étudier in situ l’évolution pendant plusieurs années d’une intervention humaine, à la fois de désensablement et de reconquête par la mer de certaines terres.
Renaud Parquet
Et c’est le site du Hourdel qui a été choisi. Sauver le port, voilà l’idée. Et pour ce faire, des ingénieurs spécialisés dans les courants marins ont créé des modèles numériques ; afin de faire reculer la végétation et redonner des lettres de noblesse au fond marin et à la vie de la baie.