Le reboisement du massif de la Gardiole
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Résumé
La mise en valeur des sites naturels fait partie du programme de la Mission Racine : la Gardiole, petit massif calcaire dominant le littoral entre Montpellier et Sète, est en cours de reboisement. Un responsable de l’ONF présente le programme : plantations d’essences méditerranéennes et mesures de protection contre les incendies.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
20 mars 1968
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Contexte historique
ParProfesseur émérite de géographie
Entre Montpellier et Sète, le petit massif de la Gardiole (une soixantaine de km2 sur 18 km de long et moins de 4 km de large), est le premier socle rocheux dominant le littoral depuis la pointe sableuse de l’Espiguette, avant le mont Saint-Clair, la montagne de Sète. Entre la vallée de la Mosson et l’étang de Thau, il offre de spectaculaires panoramas : au sud sur le lido et ses villages, les étangs, le vignoble de Frontignan, le bassin de Thau, les marais et les salins de Villeneuve-lès-Maguelone et Frontignan [1] ; au nord, le regard plonge sur la plaine de Montbazin-Gigean et les garrigues d’Aumelas ; le Pic Saint-Loup et la Séranne se dressent au-devant de l’horizon cévenol. Le massif dont les sommets culminent à moins de 250 mètres (roc de l’Aigle, 210 mètres, roc d’Anduze, 236 mètres, Pioch Noir, 216 mètres) est un témoin des plissements des calcaires du Jurassique [2]. Il se glisse entre le couloir languedocien parcouru par la nationale 113, l’autoroute A9 et la future ligne grande vitesse LGV Montpellier-Béziers au nord, la nationale 112 et la voie ferrée qui joignent Montpellier à Frontignan et Sète au sud. La départementale 114, étroite, assure le seul passage nord-sud entre Cournonterral-Fabrègues et Vic-la-Gardiole.
Ses composantes géologiques, pédologiques et paysagères donnent le ton d’une garrigue sèche, caillouteuse, inculte, offerte un temps au pastoralisme dont témoignent les capitelles [3]. Sur son versant nord, la végétation forestière, relativement dense mais loin de la futaie originelle, associe le chêne vert prédominant, au pin, pignon et parasol, au cyprès d’Arizona et à la flore méditerranéenne des pelouses sèches à brachypode rameux. Découpé par de petits ruisseaux rejoignant les étangs, le versant méridional coule, après les derniers piochs [4] sommitaux, sur les basses terrasses en cailloutis, propices à la culture de la vigne rendue célèbre par l’appellation « Muscat de Frontignan ».
Le massif, souvent défini comme un écrin de nature aux portes des villes majeures et en front de littoral, est classé site pittoresque en 1980 puis en Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) [5]. Ce dernier classement concerne quelque 450 hectares du Plan de Lacan [6] pour la ZNIEFF de type I, avec le Roc d’Anduze en sommet et des bordures escarpées. La ZNIEFF de type II couvre l’ensemble du massif soit une superficie de 4 256 hectares. Elle s’étale (environ 400 hectares) sur les étangs bordiers des communes périphériques jusqu’au cordon sableux du littoral. De nombreuses espèces y ont été identifiées, surtout près de quelques mares temporaires qui accentuent le caractère de garrigue isolée. Au-delà de son aridité et de son accès limité, l’unité de la Gardiole relève de ses qualités environnementales et paysagères, alors que les activités humaines et les appropriations communales ont conduit à sa fragmentation.
En promontoire, la Gardiole s’affirme comme lieu d’observation et de découverte à partir de circuits de chemins et de sentiers qui offrent de nombreux points de vue pour en percer les secrets. Ils sont largement mis en valeur par les offices de tourisme des communes limitrophes qui les associent à leur propre découverte. Elle n’a en fait jamais cessé d’être parcourue comme en témoignent des vestiges du paléolithique, de l’époque pré-romaine et gallo-romaine ou ceux de l’ancienne abbaye médiévale de Saint-Félix-de-Montceau, véritable signal paysager avec ses jardins monastiques recomposés.
La pensée aménagiste que la Mission développe à propos de la Gardiole est étroitement tournée vers le reboisement dont les réalisations depuis 1964 ont permis de reconstituer de véritables paysages forestiers que l’on découvre aujourd’hui, renforçant l’exceptionnalité du site. La Mission Racine s’est appuyée sur le Ministère de l’agriculture et l’Office national des eaux et forêts pour mener à bien une requalification ambitieuse, difficile à conduire sur le plan technique, coûteuse mais innovante et assurant une amélioration de la qualité des eaux de la nappe phréatique. Les efforts de reboisement ont reposé sur un quadrillage du massif, un découpage en lots, séparés par des trouées qui sont de larges chemins de liaison. Le but était de permettre l’accès à des engins lourds pour creuser la roche avant plantation. Mais ils servent aussi aux services publics pour mieux protéger un milieu naturel soumis aux incendies. Sans oublier que ce vaste espace forestier est ouvert aux chasseurs dans le respect d’une biodiversité enrichie.
[1] Salines de Villeneuve exploitées dès le XII° siècle par l’évêché de Maguelone, puis par la Compagnie des Salins du Midi (1890), abandonnées en 1969, site acquis par le Conservatoire du littoral en 1992
[2] Couches géologiques du Jurassique
[3] Capitelles : abris de berger en pierre sèche
[4] Pics, Piochs… appellations locales des sommets escarpés
[5] ZNIEFF de type I secteurs à grand intérêt biologique et/ou écologique, de type II grands ensembles naturels riches, peu modifiés, à fort potentiel biologique
[6] Le Plan de Lacan pour signifier une surface relativement plane
Bibliographie
- Fiche site classé Languedoc-Roussillon - Le massif de la Gardiole, DIREN LR, décembre 2006, 4p.
- ZNIEFF de type II N° 3429-0000, Montagne de la Gardiole, DREAL Languedoc-Roussillon, 2010
- Jean-Claude Guérin, « Les travaux de boisement du littoral Languedoc-Roussillon », Revue forestière française, AgroParisTech, 1970, 22 (2), pp.168-178.
Transcription
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Alex Angel
Et de la sèche, aride et pierreuse garrigue va naître la forêt, telle est la volonté de l’homme ou plutôt celle de la mission interministérielle chargée de l’aménagement du littoral.Partant, d’ici quelques années le massif de la Gardiole, entre Sète et Montpellier, hier vaste tas de pierrailles va devenir forêt touristique.Monsieur Guérin, quelles sont les raisons de ce reboisement du littoral Languedoc-Roussillon ?
Jean-Claude Guérin
Eh bien je crois que les raisons, elles sautent aux yeux surtout dans le site où nous nous trouvons actuellement.Les responsables de l’aménagement du littoral Languedoc-Roussillon ont estimé dès le départ qu’il était absolument indispensable, si on voulait y attirer des touristes en nombre plus important, ce qui est le but de l’opération,il est absolument indispensable de faire un effort sur le plan de la présentation des sites :d’une part pour essayer de donner aux vacanciers et aux gens qui vont venir sur nos plages une ombre immédiate et rapprochée si vous voulez, qui puisse les mettre à l’abri du soleil et du vent ;et d’autre part, alors deuxième point, pour essayer de mettre en valeur l’arrière-pays du littoral si j’ose dire ;c’est-à-dire cette zone de collines caillouteuses, de garrigue, qui s’étend à peu près sur toute la longueur du littoral, et qui dans l’ensemble se présente d’une manière assez triste actuellement par suite des incendies qui l’ont ravagée depuis des siècles.
Alex Angel
Pour remédier à cela, les travaux sont-ils déjà commencés ?
Jean-Claude Guérin
Les travaux ont commencé donc dès le début de création de la mission interministérielle, c’est-à-dire en ce qui nous concerne, dès 1964.Ils n’avaient pas commencé avant pour des raisons très simples, c’est qu’il s’agit d’un effort extrêmement important sur le plan financier étant donné les difficultés climatiques et les difficultés de sol que nous rencontrons.Depuis 1964, je dois vous dire que nous avons fait tout de même un bel effort, puisque près de 1200 hectares à l’issue de la campagne 67 qui s’achève, sont d’ores et déjà reboisés.Évidemment vous me direz que c’est encore bien peu à l’échelle des 200 000 hectares que représente la zone littorale que nous sommes chargés d’aménager et qui, au départ présentait un taux de boisement extrêmement faible, je le rappelle en passant.Mais enfin, c’est tout de même un bon début et je crois que l’essentiel et ce qu’il faut dire c’est que ça part très bien sur le plan technique et que nous avons déjà au bout de trois ans des gages de réussite future intéressants.
Alex Angel
C’est donc le massif calcaire de la Gardiole qui est, pour l’instant, la principale zone à reboiser.Il développe ses quelque 5 000 hectares de Montpellier à Sète entre les deux grandes voies de communication de la région, les nationales 108 et 113, culminant à près de 250 mètres avec une altitude moyenne supérieure à 100 mètres, il domine à la fois Montpellier et son arrière-pays, l’étang de Thau et la mer ;ce qui en fait un site touristique exceptionnel.Sur le plan administratif, la mission interministérielle programme les travaux proposés par le ministère de l’Agriculture chargé de leur mise en œuvre ;mais ce dernier confie par convention la réalisation des travaux à l’Office national des forêts.Ici à Fabrègues, qu’avez-vous fait, que faites-vous ?
Intervenant ONF
Eh bien ici nous sommes sur le premier chantier du littoral, qui a été réalisé en 1965 et nous sommes intervenus sur une première tranche de 150 hectares.Qui va d’ailleurs passer rapidement à 180 en 1968, sur laquelle nous avons déjà introduit environ une centaine de milliers de jeunes plants que vous pouvez voir derrière vous.Le travail a été fait avec des méthodes nouvelles si je puis dire ;puisque c’est la première fois, je crois, que l’on a mis en œuvre ici des tracteurs lourds de 250 chevaux équipés de rippers portés susceptibles de défoncer le sol à 0,80 mètre de profondeur.C’est en fait ici une nécessité, nous sommes dans un terrain pauvre, vous le voyez, extrêmement caillouteux.Il fallait essayer de reconstituer du sol et permettre aux jeunes plants de faire descendre leurs systèmes radiculaires.
Alex Angel
Et les plants alors quelles essences avez-vous choisies ?
Intervenant ONF
Eh bien d’une manière générale, ici nous utilisons évidemment des essences méditerranéennes ;en particulier le pin pignon, le pin d’Alep, le cyprès d’Arizona, le cyprès commun et aussi quelques cèdres de croissance beaucoup plus lente mais qui, nous l’espérons, donnerons un aspect un peu nouveau à certaines parcelles de cette zone qui, jusqu’à présent n’était couverte que de maigres reliquats de chênes verts plus ou moins dégradés et détruits par l’incendie et la vaine-pâture.
Alex Angel
Et les incendies justement, comment pouvez-vous protéger ces plants de l’incendie ?
Intervenant ONF
C’est un problème compliqué.Après bien des études et compte tenu de la topographie, il nous est apparu extrêmement difficile de n’envisager que des pare-feu, pare-feu que nous aurions dû porter à des largeurs excessives, qui auraient détruit une partie du boisement, qui auraient limité nos possibilités de boisement.Nous avons donc ici joué deux cartes si j’ose dire.La première c’est de percer le massif, le plus possible de pistes, de chemins, qui auront peut-être d’ailleurs ultérieurement une vocation plus touristique ;mais qui dans un premier temps permettent aux engins de lutte contre l’incendie d’accéder à toutes les parcelles le plus rapidement possible.Et nous avons doublé ces pistes, nous avons complété ce réseau de pistes par un réseau de pare-feu d’une vingtaine de mètres de large qui, d’une part, freinent l’évolution du feu, arrêtent le front et permettent surtout aux hommes d’intervenir à l’abri en se protégeant un peu pour organiser cette lutte contre l’incendie.
Alex Angel
Cette région était le royaume des chasseurs, alors que vont devenir les chasseurs ?
Intervenant ONF
Mais les chasseurs continueront à se promener dans cette région tout à fait à leur aise et sans aucune contrainte de notre part pour la raison suivante.C’est que d’abord, nous avons ici une quantité absolument considérable de lapins qui nous ont obligés à protéger chaque petit plant mis en place par un gabion, ce qui coûte fort cher et mon Dieu ! Les chasseurs sont là pour les détruire, pour nous c’est une excellente affaire.Et puis, par ailleurs nous pensons qu’il n’y a aucune raison d’interdire aux chasseurs de continuer à parcourir ces terrains puisqu’ici nous sommes dans un communal et que c’était leur tènement de chasse normal.Au contraire même, j’irai même plus loin, c’est que le fait d’avoir bouleversé le sol comme vous l’avez vu, a entraîné une prolifération de gibier.Effectivement, un certain nombre de perdreaux ont refait leur apparition dans certaines zones où ils avaient complètement disparu et je crois, mon Dieu, que c’est une affaire qui est agréable pour tout le monde.
Alex Angel
Agréable pour tout le monde, oui.Telle sera donc bientôt cette zone littorale avec en première ligne ses plages lumineuses de soleil dessinées au pied même de collines riantes, vertes et ombragées.