La démoustication du littoral languedocien
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Résumé
Le reportage est consacré aux opérations de démoustication menées par l’Entente interdépartementale sur le littoral languedocien. Le représentant de l’institution en évoque les différentes étapes et notamment l’emploi du DDT, un insecticide dont l’innocuité est contestée par les riverains. Sur la plage, une touriste se réjouit de la disparition des moustiques.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
03 mai 1964
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Contexte historique
ParDirecteur de recherche CNRS, Laboratoire ART-Dev UMR 5281
La transformation du littoral du Languedoc et du Roussillon en un vaste espace touristique et résidentiel est couramment présentée par le gigantisme des aménagements et des infrastructures réalisés grâce aux non moins grandes prouesses des ingénieurs, du génie civil et du béton. En contrepoint, le reportage met l’accent sur une phase souvent peu connue de cette période dite de modernisation : la lutte contre un tout petit insecte, le moustique, capable à lui seul de réduire à néant l’ensemble des efforts entrepris du fait de son formidable pouvoir de nuisance. L’histoire de la démoustication de la côte languedocienne, c’est la petite histoire dans la grande.
Le vocabulaire employé et les images fournies ne laissent que peu de doute sur les fondements des objectifs : livrer une véritable guerre contre les lois de la nature qui ne correspondent plus aux vœux des hommes, comme l’indique la voix off. Les premières doivent se soumettre à la volonté des seconds. Car il s’agit d’une véritable opération militaire à grande échelle et coordonnée que les différentes séquences du reportage illustrent parfaitement. Tout commence par le déploiement des unités de reconnaissance qui traquent l’ennemi pour le capturer. Les prisonniers sont ensuite livrés aux services de renseignements qui les identifient, les fichent et les localisent précisément, un ensemble d’éléments permettant de mettre en œuvre une stratégie d’intervention. Cette dernière est échafaudée par M. Crozet, général en chef d’un régiment d’élite spécialisé et spécialement créé en 1959 pour l’occasion : l’EID ou Entente interdépartementale de démoustication. Ce régiment dispose de puissants moyens pour se déployer grâce à ses 70 véhicules, 3 hélicoptères et 1 avion, sans compter une arme secrète, un puissant insecticide appelé DDT. La tactique opère en deux temps et s’appuie sur la technique de l’épandage. La première phase consiste à conquérir un territoire et à traiter les zones infectées préalablement cartographiées pour plus de précision. La seconde consiste à défendre les frontières de ce territoire désormais sécurisé, afin d’éviter l’infiltration d’autres ennemis venus des territoires voisins. Ici, c’est l’épandage d’un épais brouillard d’insecticide DDT qui est privilégié. Malgré une dilution dans un mélange, l’efficacité est garantie.
Cependant, ces opérations sont controversées par les populations locales, notamment les pêcheurs qui se plaignent des dommages collatéraux qu’ils subissent en voyant cette drogue leur être jetée à la tête et qui fait disparaître mulets, anguilles et autres crevettes sans compter le gibier. Le progrès ne se fait pas sans contrainte et le général en chef rétorque que ces morts accidentelles sont rares et que les produits utilisés ne représentent que 1% du total utilisé par l’agriculture dans la région. Il faut aussi noter que ces opérations bénéficient d’un profond soutien de la part des nouvelles populations venues profiter du cadre. L’une de ces représentantes assure militer en faveur de ces opérations qui évitent les piqûres (blessures) douloureuses et l’inesthétisme des cloques (cicatrices) sur la peau. À la fin, le reportage rassure quant à la poursuite de cette entreprise d’éradication contrôlée et zonée des moustiques, le vaste plan d’aménagement prévoyant encore trois ans d’efforts malgré les premiers résultats satisfaisants. La vitesse supérieure est d’ailleurs planifiée pour augmenter l’efficacité de la démoustication. Elle s’incarne avec la mise en œuvre d’un vaste plan mobilisant le génie sanitaire prévoyant l’assèchement et le comblement de vastes zones de marais, la transformation des cours d’eau en tronçons rectilignes et de forme trapézoïdale ainsi que la stabilisation des rives des étangs littoraux.
La poussée des revendications environnementales conjuguées à la mise en lumière des enjeux sanitaires et de santé publique liés à l’utilisation du DDT a conduit l’EID à changer la nature du produit épandu. La fréquentation et le développement touristique de cette partie du territoire national reste très liés à la démoustication. Au début des années 2010 est apparue sur les côtes du Languedoc et du Roussillon une nouvelle espèce, le moustique tigre (Aedes albopictus), et ce dernier ne peut être combattu par les techniques traditionnelles d’épandage. L’EID essaie de mobiliser... les populations locales, seule arme vraiment efficace pour limiter sa propagation. Cette histoire de moustique est vraiment un joli clin d’œil à l’histoire et à la géographie de ce littoral héraultais !
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Journaliste
C’est à une pêche assez inhabituelle que se livre cet entomologiste, la pêche aux larves.Des larves qui, dans une dizaine de jours se seront, avec quelques milliards d’autres, transformées en moustiques.C’est la loi de la nature, mais ce n’est plus du tout le vœu de l’homme.Tout au moins sur la côte du Languedoc et du Roussillon dont l’aménagement touristique doit, dans les années qui viennent, prendre une exceptionnelle ampleur.Or, pour le touriste, le moustique c’est l’ennemi.Qu’il soit moustique des villes ou moustique des champs, sa femelle, car c’est elle seule qui pique, sa femelle est déclarée hors la loi.Et pour la détruire, c’est une véritable armée moderne qui a été constituée.Soixante-dix véhicules spécialement équipés, trois hélicoptères, un avion, des tonnes de produit insecticide et un budget d’un milliard d’anciens francs.Jusqu’ici Monsieur Crozet, l’Entente interdépartementale pour la démoustication, n’avait eu qu’une action assez limitée.Maintenant, elle va traiter dans cinq départements, est-ce à dire que vous allez répandre sur l’ensemble de la côte un véritable nuage insecticide ?
René Crozet
Non, absolument pas.
Journaliste
Alors quelles sont vos méthodes de lutte ?
René Crozet
Nous cherchons à détruire les larves.Pour cela, nos équipes de spécialistes prospectent les gîtes urbains ainsi que le marais.Les larves sont identifiées en laboratoire, nous établissons des cartes de gîtes.Les zones infestées et elles seules sont traitées par les véhicules spécialisés.
Journaliste
Mais si des moustiques adultes arrivent de régions non traitées ?
René Crozet
À la frontière des zones non traitées, nous épandons un brouillard insecticide par hélicoptère de façon à empêcher l’envahissement des zones protégées.
Journaliste
Et cet insecticide, quel est-il ?
René Crozet
C’est une solution de DDT très diluée.
Journaliste
Et c’est là que tout le monde n’est pas d’accord.
Un pêcheur
Je pense qu’on nous jette cette drogue qui nous tue les anguilles, les crevettes, les mulets et tout.Et puis alors pour le gibier, nous n'avons plus rien.Tout le gibier se fiche le camp maintenant, en Hollande en Italie, en Espagne, je ne sais pas où.
Journaliste
Que faut-il penser de ces critiques Monsieur Crozet ?
René Crozet
Lorsqu’il y a mort d’animaux, cela est dû uniquement à des accidents.Heureusement ce genre d’accident est extrêmement rare.D’autre part, nous employons des quantités d’insecticide très faibles et cela ne représente que 1% de la quantité totale utilisée en agriculture dans notre région.Enfin un certain nombre de zones est protégé de façon à permettre le développement normal de la faune sur notre littoral.
Journaliste
Et vous Mademoiselle, que pensez-vous de la démoustication ?
Inconnue
Eh bien, pour ce qui est de ça, je suis d’accord car les piqûres de moustiques ça fait mal et les cloques sur la peau c’est vraiment pas joli.
Journaliste
Alors quand comptez-vous avoir débarrassé définitivement le littoral du Languedoc-Roussillon des moustiques ?
René Crozet
Dès cette année nous aurons des résultats appréciables mais seulement sur une zone très restreinte.Il faudra certainement encore trois ans d’efforts pour avoir un résultat plus complet et de toute façon, la solution définitive ne viendra pas des insecticides mais des travaux de génie sanitaire.