Aménager le littoral de l’Hérault : une réponse au « tourisme pour le plus grand nombre »

Aménager le littoral de l’Hérault : une réponse au « tourisme pour le plus grand nombre »

Par Jean-Paul Volle, Professeur émérite de géographiePublication : Septembre 2022, Mis à jour : 14 mars 2023

# Introduction

« Littoral » : le terme remonte au XVIIIe siècle pour situer cet espace du vide selon Alain Corbin [Réf. 8ew8szmh0] qui marque la rencontre inédite et dynamique entre la terre et la mer, dont les représentations sont multiples, l’imaginaire toujours créatif : C’est entre 1750 et 1840 que s'éveille puis se déploie le désir collectif du rivage . Des ports, des villes, des stations touristiques, des usages variés vont en dire la complexité alors que fragile et vulnérable, il est soumis à une reconfiguration permanente sous l’effet des conditions environnementales. 

Le littoral héraultais n’échappe pas à la règle. Les plages sableuses y sont dominantes, bordées de petites dunes, entre mer et étangs. L’esprit de conquête et d’aménagement imprime sa marque sur cette frange du territoire départemental, devenue véritable espace de désir, valorisée par la montée en puissance du temps libre et des loisirs. Dans la décennie d’après-guerre, il se donnait à voir par le complexe portuaire de Sète-Frontignan, par de petites villes aux activités de pêche prédominantes (Palavas-les-Flots, Valras-Plage), des villages viticoles en arrière-plan et des étangs en bordure, des Cabanes de Fleury aux limites de l’Aude (étang de Vendres) jusqu’aux étangs de Camargue. Ce liseré d’étangs prend de l’ampleur avec celui de Thau et ses tables ostréicoles, l’étang de l’Or ou de Mauguio qui isole le lido de Palavas. De petits fleuves côtiers les alimentent en eau douce et des graus les ouvrent sur la mer. Le canal du Rhône à Sète ajoute une note économique à leur pittoresque. Ils ont, très tôt dans l’histoire, fixé dans des cabanes isolées de torchis et de roseaux, la sagne, une population laborieuse vivant de la pêche. Ils étaient également lieux de rendez-vous des chasseurs de foulques et de macreuses qui y nichaient en nombre. Gaston Baissette [Réf. 1e4v6zgps] illustre ces espaces de liberté par un texte haut en couleur, qualifiant un temps qui s’éloigne face à une modernité conquérante. Les étangs vont progressivement trouver place dans un contexte de protection de leur écosystème qui fait suite à celui de la lutte contre les moustiques en relation directe avec la large diffusion des pratiques de tourisme et de loisirs sur le littoral.

     

Les premières manifestations touristiques contemporaines liées aux arrivées des « congés payés » vont entraîner une dynamique d’aménagement local en réponse aux besoins d’équipements adaptés. La création de la DATAR puis de la Mission interministérielle d’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon (Mission Racine) va impulser la logique « aménagiste » de l’État central, logique qui introduit une rupture profonde et une inversion des valeurs dans l’évolution d’un lido fragile, de plus en plus convoité. L’attrait de la plage, plus exactement en Hérault d’une longue bande de sable en front de mer, en sera accentué jusqu’à ce que le littoral devienne le premier espace naturel récréatif du département.

# Avant la Mission, l’ouverture au tourisme

Le tourisme va « construire » un littoral désiré : la mer, la plage, la liberté, puis la plaisance et les loisirs nautiques. Dès le milieu du XIXe siècle et jusqu’aux années 1930, le littoral héraultais a fait l’objet d’investissements privés et publics en réponse à des usages spécifiques. La pêche était l’activité dominante, mais la conchyliculture dans l’étang de Thau, les institutions de santé, les marais salants, les vins de sable après la crise du phylloxéra, occupent les actifs des petites communes littorales et rétro-littorales. Les premiers établissements de bains de mer, les cafés, restaurants, hôtels, casinos… prennent peu à peu place en ville animant les dimanches et jours de fête des bourgeoisies urbaines voisines. Au Grau-d’Agde, le premier hôtel est construit en 1855. Le casino de Valras ouvre en 1880. L’église Saint-Pierre des pêcheurs de Palavas est consacrée en 1841, la commune créée en 1850, le Grand Hôtel, devenu ensuite Hôtel de Ville, date de 1873 et le Grand Casino Granier de l’été 1882 [Réf. 160ta89wg]. Les chalets de l’élite montpelliéraine et biterroise remplacent peu à peu les baraques et les cabanes des pêcheurs, poussent sur le sable et amorcent la conquête de la plage. Palavas (les-Flots depuis 1928), « Reine des plages », Valras-Plage détachée de la commune de Sérignan en 1931, le Grau-d’Agde, Carnon, simple extension de la commune de Mauguio, un temps dénommé Carnonville-la-Mer, Farinette-Plage à Vias, Portiragnes-Plage, Marseillan-Plage … affirment la poussée d’un tourisme de plus en plus populaire. Le Petit Train de Palavas amène le flot des touristes et des citadins à Palavas. Albert Dubout s'en saisira pour croquer, par le dessin, toutes les nuances de cette population avide de bains de mer. 

Les pouvoirs publics, départements et communes, ont suivi le mouvement sans trop intervenir pour modifier par des aménagements conséquents les bourgeonnements urbains, désordonnés et linéaires sur le lido, au plus près de la mer. L’explosion démographique en saison estivale, relevant de l’afflux des congés payés, ne fit qu’accentuer cette tendance tout au long des années 1950. Les châteaux d’eau, les routes, les campings, municipaux, d’associations ou sauvages, les lotissements s’inscrivent dans un paysage d’installation et d’habitat permanent ou temporaire, au gré des opportunités foncières. Les communes, aux moyens limités, sont rarement puissance d’aménagement mais elles tiennent à affirmer leur vocation touristique source de richesse nouvelle. Leur intervention se veut donc régulatrice. En témoignent leurs premiers plans d’urbanisme et certaines décisions comme celle du maire de Valras-Plage installant un village de loisirs à côté du  village de pêcheurs

Les « congés payés », en 1936, vont donc accentuer le boom démographique de la saison touristique et marquer un changement profond dans les relations au littoral. Le lido constitue le support du développement d’un tourisme populaire centré sur le camping, au plus près de la plage. Après-guerre, les années 1950 amplifient cette tendance qui s’appuie sur deux constats : la plage offerte aux urbains locaux, le littoral convoité, en saison, mais sans grande capacité des communes pour répondre aux désirs des touristes venus du Nord. Pierre Racine, dans son ouvrage [Réf. wkx1p7wxc] souligne la dégradation lente et impitoyable (du littoral) sans que personne ne s’en inquiète sur place, jusqu’à cette plage  qui se clochardise peu à peu en de nombreux points… Chaque été le camping sauvage envahit la côte. Le spectacle est souvent affligeant. Arguments majeurs pour justifier l’ambition nationale d’un aménagement touristique à grande échelle, sur la base d'un projet global, pour les quelque 200 km du littoral du Languedoc-Roussillon.

# La Mission Racine (1963-1983), une opération d’envergure qui reconfigure le littoral du Languedoc-Roussillon

La fin des années 1950 et la décennie qui suivra sont pour l’espace languedocien un temps d’aménagements conséquents, bien dans le ton des grands projets gaulliens de planification et d’aménagement du territoire [Réf. fbht068md]. Ces grands projets, initiés par l’État, concernent les pays rhodaniens, provençaux et languedociens. Ils s’inscrivent dans un contexte national et européen : vallées du Rhône et de la Durance, irrigation et hydroélectricité, industrialisation du golfe de Fos… et aménagement touristique du littoral languedocien et catalan [Réf. ckxev1e3d]. Créée en 1955, la CNABRL (Compagnie nationale d’aménagement du Bas-Rhône-Languedoc) présidée par Philippe Lamour a pour mission d’irriguer les plaines du couloir languedocien à partir d’un canal alimenté par les eaux du Rhône depuis la station de pompage et redistribution Aristide Dumont (site de Pichegu, commune de Bellegarde), située en Costières du Gard. Au final, les deux canaux, des Costières et Philippe Lamour dans la plaine, redistribuent près de 120 millions de m3 d’eau qui permettent d’irriguer quelque 70 000 ha de terres agricoles, d’alimenter près de 500 000 citadins dont ceux des stations orientales du littoral héraultais, de subvenir aux arrosages des espaces verts urbains, aux besoins industriels et à l’alimentation des nappes phréatiques [Réf. ci4jwdlts].

Le Languedoc vit alors de son couloir de plaine largement ouvert aux échanges est-ouest et à la localisation des villes animatrices de ses espaces. Le littoral, en façade, va bénéficier des investissements accompagnant la décision de son aménagement touristique devenu prioritaire par le décret du 18 juin 1963 qui signe la naissance officielle de la Mission Racine (dirigée par Pierre Racine Conseiller d’État). Le tourisme devient affaire d’État en même temps que la société va s’afficher de « consommation » s’organiser à partir du concept de temps libre et de la mobilité géographique. Philippe Lamour précise que le projet initial de 1953 portait sur l’aménagement global de l’espace littoral avec notamment l’assainissement des lagunes, le développement de l’aquaculture et la volonté d’équilibrer géographiquement l’emploi dans une région éloignée des retombées de l’industrie hercynienne construite sur le charbon.

Entre la Côte d’Azur et la Costa Brava, l’État va valoriser par des investissements massifs les atouts du littoral du Languedoc-Roussillon pour en faire une grande région touristique européenne. À partir de la plage, deux modèles d’aménagement prennent corps. L’un, traditionnel, voit les ancrages balnéaires hérités, longtemps modestes, s’ouvrir aux fréquentations touristiques de masse sans répondre parfaitement aux exigences de leur clientèle. L’autre, innovant, inventé, fruit d’aménagements planifiés, coordonnés, cohérents et maîtrisés amène des réponses au  tourisme de masse à partir de la station créée de toute pièce. Des routes « en peigne » raccordent à l’autoroute A9 les stations nouvelles, dont La Grande-Motte et Le Cap d’Agde dans l’Hérault, et les ports de plaisance qui balisent le littoral ouvert au tourisme  pour le plus grand nombre . Conçues pour l’éphémère de la « saison », dont les trois S Sea, Sand and Sun résument l’imaginaire initial et les représentations, les stations ne peuvent se priver de la résidence permanente, principale ou secondaire, signe de « l'habiter » indispensable à leur futur de ville. Plusieurs principes structurent la dynamique de leur aménagement.

Le littoral héraultais offre deux visages, celui de la station, une modernité importée, et celui des unités de vie héritées, toute de transformation pour tenter de se greffer au modèle dominant du tourisme et des loisirs. La station construite ex nihilo traduit un changement profond du rapport à la nature et au milieu car la réussite du projet d’implantation est une condition déterminante du succès futur. Passé le temps des grands chantiers, un nouveau littoral a pris corps qui dessine un cadre inédit dans l’espace géographique languedocien. La Grande-Motte et Le Cap d’Agde en sont le modèle. La station nouvelle est évoquée en termes de progrès, qualifiée, aussi, notamment par les groupes politiques régionalistes, de forme de colonisation [Réf. z7f0saf74] (thèse du colonialisme de l’intérieur). Elle regroupe tous les ingrédients du tourisme de masse : immeubles avec vue sur la mer, plage en front de rivage, port creusé en eau profonde, lotissements de villas résidences secondaires, campings et équipements de tourisme social… Le milieu naturel remodelé, réinventé doit être en harmonie avec le projet de création de l’univers touristique. L’étang du Ponant (300 hectares) à La Grande-Motte a été dragué pour répondre aux besoins d’une base de sports nautiques, celui de Luno au Cap, artificiellement ouvert sur la mer, a été subdivisé en 9 bassins portuaires. La figure de la station, son image de marque, ne relève-t-elle pas de la façon dont a été conformé son paysage urbain et naturel ?

La Mission a intégré le principe de protection de l’environnement associé à celui de qualification environnementale des espaces publics et privés de chaque station. Afin de préserver les espaces naturels et d’éviter la croissance linéaire le long du lido, le développement des stations repose sur le principe de concentration de type urbain. Entre les stations, anciennes ou nouvelles, la Mission va confier au Conservatoire du littoral, créé en 1975, la gestion de ses milliers d’hectares de zones naturelles sanctuarisées, protégées, souvent classées. Des opérations de reboisement complètent les composantes paysagères de ces espaces de nature sur lesquels Pierre Racine porte un regard  contemplatif : ils sont si beaux  par leur solitude et leur dénuement presque sauvage.

# La Grande-Motte et Le Cap d’Agde stations futuristes

En terre de mission… pour une étonnante aventure, La Grande-Motte et Le Cap d’Agde, premières stations « futuristes » sont emblématiques d’un néo-Languedoc aménagé pour un tourisme balnéaire moderne. Cités inventées, elles dessinent leur paysage autour de leur port ouvert sur les horizons marins, et de leurs greffes résidentielles, le label « Patrimoine du XXe siècle » valorisant leurs agencements architecturaux et urbanistiques. L’une, détachée de Mauguio la continentale, est devenue commune le 1er Octobre 1974 [Réf. qz44ni4lu]. L’autre rattachée à Agde a fait de la ville support une des plus importantes cités touristiques d’Europe. La première au centre de l’unité touristique du Grau-du-Roi/Palavas, à 25 km de Montpellier est adossée à deux étangs. Mais c’est surtout la « station-pilote » de la Mission Racine dont la réussite va conditionner le succès du projet global.

La seconde se glisse dans un paysage aux reliefs plus contrastés, au pied du mont Saint Loup et au contact de la réserve naturelle du Bagnas. La Mission a intégré au Cap le complexe hélio-marin Oltra, camping naturiste préexistant, avec la réalisation de l’ensemble résidentiel de Port-Ambonne, autour d’un bassin portuaire spécifiquement attribué et selon les principes urbanistiques développés dans la station. Les propositions architecturales de Jean Balladur à La Grande-Motte et de Jean Le Couteur au Cap vont séduire les élus du Département, instance de pouvoir qui met en place les sociétés d’économie mixte pour épauler la Mission (SADH et SEBLI [Réf. ho2ohtkhx] ), et ceux de la commune d’Agde. 

Là où manadiers et viticulteurs se partageaient la dune, les eaux et le sable, se dressent les pyramides un temps critiquées, aujourd’hui parfaitement intégrées dans la « ville-jardin » de La Grande-Motte que l’on a classée ville d’architecture-sculpture [Réf. pvbx94hah] . La puissance de l’architecture n’est-elle pas, pour Jean Balladur, cette intercession qui ne peut se réduire à un classement, mais davantage à cet équilibre de formes et d’assemblages qui configure l’espace urbain de la station devenue ville. Le Cap dévoile les secrets d’une côte mariant à loisir sable et rochers, une exception en Hérault. Les bassins du port et leurs marges en amphithéâtre soulignent la complexité de l’unité de vie qui se veut révélatrice d’une architecture néo-régionale (maisons colorées à étage) et qui se prolonge en langues sableuses adossées au tourisme pour tous. L’aménagement dresse le portrait d’une adaptation au site et de la présence d’une mer différente, celle d’une aire marine protégée, classée Natura 2000 « Posidonies du Cap d’Agde », que l’on découvre par un sentier sous-marin.

# Et maintenant… Comment penser la transition ?

Dès 2010 (le 21 juillet) soit moins de 50 ans après la construction du port de La Grande-Motte et des premières pyramides, le Conseil économique et social de la Région Languedoc-Roussillon émet un avis sur la requalification des stations du littoral du Languedoc-Roussillon devenu quatrième région touristique de France. La destination « littoral Languedoc-Roussillon » est confirmée, elle s’affiche comme vecteur principal du développement économique, mais  … depuis une dizaine d’années, le modèle de station touristique du littoral mis en place par la Mission Racine semble remis en cause . Les stations balnéaires de la région, symboles d’un tourisme de masse accessible au plus grand nombre, sont présentées comme dépassées, inadaptées, vieillottes. Le titre d’un article de la revue Objectif Languedoc-Roussillon dans son numéro du mois de Juillet-Août 2009 résume à lui seul la problématique : Stations littorales. À la recherche d’un second souffle

Ainsi est amorcée la réflexion sur l’évolution des stations nées de la Mission Racine, leur logique de développement  quantitative et capitalistique trouvant ses limites. Elles étaient réponse à un tourisme familial ; elles sont devenues des « villes-stations » où la résidence principale le dispute aux infrastructures et services au caractère saisonnier. Malgré le souci de préserver le tiers naturel du littoral très tôt mis en œuvre (achats puis Conservatoire du littoral), la surfréquentation des plages a amplifié l’érosion naturelle du cordon sableux très intensément convoité. Les nouvelles normes, régissant les conditions énergétiques de l’immobilier, interrogent aussi leur patrimoine résidentiel. Le principe du « développement durable » conforte également le besoin de protection accrue des milieux naturels et la nécessité d’engager l’ensemble du littoral dans une dynamique de transition exigeante en termes de qualité tant sur le plan urbanistique que sur celui des usages de la plage. Le nouvel univers des loisirs se double d’une montée en puissance de la résidentialisation qui implique un renouvellement de l’immobilier, et correspond à de nouvelles formes d’occupation des espaces publics. Alors que l’offre d’hébergement touristique est de moins en moins en phase avec les besoins du marché, les stations sont de plus en plus dépendantes du phénomène de métropolisation entendu comme croissance des périphéries des aires urbaines. 

À La Grande-Motte, le projet ville-port en cours de réalisation (extension du port, réaménagement des espaces publics…) annoncé comme l’acte 2 de la Mission Racine  a pour ambition d’accompagner la mutation vertueuse de son territoire dans une logique ambitieuse de mémoire, de modernité et de développement durable… et se veut une démonstration de la ville résiliente [Réf. 3063glx45]. Autant d’éléments de langage qui correspondent à la nouvelle vision de l’aménagement du littoral, au plus près des collectivités locales. Un aménagement qui divise cependant car il heurte les principes de repli face à la montée du niveau de la mer et aux risques littoraux, promus actuellement par les pouvoirs publics.

Le Cap d’Agde du XXIe siècle se redessine à partir d’une mise en scène globale du cœur de station. La requalification de l’entrée de la station (voies routières et projet Iconic) ajoute une note finale à celle du centre (hôtel, palais des congrès, casino et rambla commerçante), le tout en connexion avec le port de plaisance et son immense plan d’eau. Gilles d’Ettore, maire d’Agde précise [Réf. ydo4he48c]Notre volonté est d’y créer, à partir des quais, un véritable cœur de station bénéficiant d’un périmètre élargi et doté de nouveaux équipements susceptibles de contribuer à son dynamisme tout au long de l’année. Le Cap d’Agde a besoin de s’adapter aux exigences des nouvelles clientèles touristiques. Il doit être en capacité de proposer des activités supplémentaires, des espaces publics embellis, une offre commerciale enrichie et des opportunités résidentielles nouvelles. Cela doit être réalisé dans une logique de montée en gamme de notre destination, mais aussi et surtout dans le respect de son identité.

Le sable, nouvelle ressource stratégique, fait lui-même l’objet d’appropriations qui témoignent d’une nouvelle façon de penser l’aménagement de la plage. Les paillotes, constructions temporaires pour des activités de loisir, occupent des concessions attribuées par les communes en mal de revenus tirés des usages du front de mer. Par leur dénomination et le contenu de leurs activités, elles donnent une couleur nouvelle à la fonction hédonique de la plage et ajoutent une note de dépaysement à l’imaginaire de la mer. Elles sont synonymes d’attractivité et de vitalité du littoral, leur disparition serait une perte pour l’emploi selon les élus, mais ce type d’aménagement heurte la logique de protection légale du littoral face aux défis environnementaux : érosion, montée des eaux, submersion marine et recul du trait de côte… Les modèles d’aménagement du lido entre Sète et Marseillan et entre Carnon et le Grand-Travers tiennent compte de la vulnérabilité du trait de côte et du cordon dunaire, de la sensibilité à l’élévation du niveau marin, qu’il convient de concilier avec le développement de l’économie touristique.

Avec le Plan Littoral 21, l’ambition partagée de l’État et de la Région Occitanie est d’inscrire la façade méditerranéenne dans « la croissance bleue », alliant la préservation et la valorisation des espaces naturels, la requalification des stations et de leurs équipements portuaires et touristiques, le développement des énergies renouvelables (en particulier l’éolien en mer), ou encore le confortement de l’économie du littoral [Réf. 28f148a7j].  En 2019, le Département a souhaité mettre en cohérence l’ensemble de ses politiques en adoptant une stratégie départementale pour le littoral et la mer pour les années 2019 à 2030. Nommée « Hérault Littoral », elle repose sur un triple objectif : s’adapter au changement climatique et aux risques littoraux, préserver les équilibres entre le littoral et l’intérieur des terres, rendre le littoral accessible à tous.

Le temps de l’aménagement n’est plus aux grands chantiers immobiliers, mais à l’élaboration d’une pensée aménagiste prudente, « douce » , liée à l’idée d’habiter, fondée sur la durabilité de l’action et sur de nouveaux rapports au littoral, à la plage, à la mer et aux étangs.

# Compléments bibliographiques

  • Conseil économique et social régional, avis sur le rapport d’autosaisine : La requalification des stations touristiques du littoral du Languedoc-Roussillon, 21 juillet 2010, 186 p. 
  • DREAL Languedoc-Roussillon, La gestion durable du trait de côte en Languedoc-Roussillon, 2010, 26 p.
  • Objectif LR, Stations littorales. A la recherche d’un second souffle, Juillet-Août 2009, pp. 34-39
  • « Occitanie. Un littoral en mouvement », ouvrage collectif, Études Héraultaises, 2022, N° 58 hors série, 160 p.
  • Jean-François Pinchon, « Les stations nouvelles du Languedoc-Roussillon. Un patrimoine balnéaire, image exemplaire des Trente glorieuses ». Revue de l’Art, 2009, n° 165-3, pp.39-47
  • Pôle Editions Midi Libre :
    • La folle aventure des Citadelles de la Mer, 2018, 130 p.
    • Littoral d’Occitanie en 2050. A quoi ressemblera le bord de mer ?, 2022, 98 p. 
  • Florence Portes, « Voici la Floride de demain, le Languedoc », Paris-Match N° 799, 1er Août 1964, 16 p.
  • Préfet de la région Occitanie, Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte, Juillet 2018, 87 p.
  • Jean Sagnes, « L’aménagement touristique de la côte du Golfe du Lion », in Jean Sagnes (dir.), Deux siècles de tourisme en France, Presses universitaires de Perpignan, 2001, 184 p. 

# Notes de bas de page