Pierre Soulages et la manufacture de la Savonnerie

02 décembre 1990
01m 46s
Réf. 00017

Notice

Résumé :

Pierre Soulages évoque sa collaboration avec les lissiers de la manufacture de la Savonnerie lors de la création de tapis destinés au nouveau Ministère des Finances. Il expose aussi ses questionnements autour de la laine et de ses possibilités de traduction et d'interprétation de ses propres questionnements autour du noir lumière.

Type de média :
Date de diffusion :
02 décembre 1990
Personnalité(s) :

Éclairage

En 1984, Pierre Soulages reçoit une commande publique pour la réalisation de deux tapisseries. Elles sont destinées à orner la salle de commission du centre de conférences internationales du nouveau Ministère des Finances de Bercy conçu par les architectes Paul Chemetov et Borja Huidobro. Avec l'accord du mobilier national, ces deux réalisations de 4m30 par 10m75 ont été créées au sein de la manufacture de la Savonnerie.

Celle-ci, fleuron de l'artisanat tapissier, est fondée au XVIIe siècle par Henri IV et connaît une période faste sous le règne Louis XIV. Après des temps difficiles, elle renaît au XXe siècle en s'associant avec des artistes tels que Mathieu, Vasarely, ou Zao Wou-Ki qui créeront des cartons originaux adaptés à ses métiers. La technique originale de la Savonnerie est particulièrement mise en valeur dans ce document : les tapis sont réalisés en haute lisse selon la technique du point de Turquie. Les points sont noués brin par brin puis coupés au ciseau afin de moduler les effets désirés sur la laine.

Lorsqu'il commence ce projet avec la Savonnerie, Pierre Soulages n'est pas vraiment novice en matière de création tapissière. Il a déjà collaboré en 1963 à la réalisation de deux grandes pièces à la manufacture d'Aubusson, l'une pour la Maison de la Radio à Paris, l'autre pour la bibliothèque de la Hochschule à Saint-Gall. Il s'attèle au projet de la Savonnerie dès 1985 et après plusieurs tentatives, livre deux cartons au dixième peints au brou de noix. L'année suivante, l'artiste met au point avec les teinturiers les différents tons qu'il désire voir rendus puis travaille ensuite à la création des cartons grandeur nature.

Comme bien souvent lorsqu'il appréhende un médium autre que la peinture, Pierre Soulages a mené une réflexion autour de la matière et de ses possibilités de traduction et d'interprétation, de ses questionnements autour du noir lumière, bien avant la conception propre du tapis. Comme il le souligne dans ce document, la laine ne permet que des tons mats, empêchant quasi tout rapport entre noir et lumière. L'artiste a donc choisi d'optimiser les possibilités techniques de la Savonnerie, de son tissage si particulier et des savoirs de ses teinturiers, afin d'obtenir différentes profondeurs de noir ainsi que des modulations dans le rendu même de la laine tissée.

Les lissiers débutent le tissage en février 1987. Cet extrait vidéo, daté de décembre 1990 montre donc le projet en fin de parcours. Les tapisseries Savonnerie I, 4m30X 10m75, 1985 et Savonnerie II, 4m30X 10m75, 1985, sont terminées en 1991 et livrées au Ministère où elles se trouvent aujourd'hui encore.

Léa Salvador

Transcription

Journaliste
Il y a une autre technique que vous travaillez en ce moment. C’est la Savonnerie.
Pierre Soulages
C’est une commande d’Etat pour un bâtiment public, pour le ministère des finances. Et commande, d’ailleurs, qui a permis à la Savonnerie de réaliser un immense tapis puisque les deux pièces font, en tout, 21 mètres sur 4 mètres 50 de hauteur. C’est considérable. Je dis les deux pièces parce qu’il y a deux parties de 10 mètres 50. Je ne suis pas parti d’un seul projet. J’ai fait peut-être 10 projets différents jusqu'au moment où il y en ait un qui me paraissait correspondre à la destination du lieu et aux possibilités que me donnait la traduction ou l’interprétation, plus exactement, avec de la laine. A partir de là, je me suis occupé de la teinture des laines. C'est-à-dire que j’ai travaillé en relation avec un teinturier.
(Bruit)
Pierre Soulages
Et puis, après encore, je suis allé régulièrement voir les lissiers et leur dire ce que je souhaitais.
(Musique)
Pierre Soulages
La laine peut avoir… C’est d’abord d’une grande matité. Par conséquent, on n’a pas de noir qui brille. On peut avoir des tons très sombres, d’une très grande profondeur, et sans brillant, justement à cause de l’absence de brillant. Et puis alors cette espèce d’aspect chaleureux que donne la laine, qui est irremplaçable, enfin, qui est typique.