Cuba La Havane, club de danse à la Havane, Tropical

23 octobre 1993
06m 49s
Réf. 00505

Notice

Résumé :

Pour cette émission consacrée à la musique Cubaine, Joël Pierre Dupuis évoque les deux lieux publics réputés à La Havane où les gens viennent danser la salsa : "Castillito" et "Tropical" .

Type de média :
Date de diffusion :
23 octobre 1993
Thèmes :

Éclairage

Il existe en matière de Salsa un grand paradoxe : cette musique est en effet spontanément identifiée à Cuba par le public néophyte, alors même que, depuis son apparition à la fin des années 1960 dans les quartiers portoricains de New York, elle s'est développée pendant les vingt-cinq premières années de son existence de manière totalement indépendante de Cuba.

Explication : Cuba a historiquement joué, jusqu'en 1959, un rôle décisif dans toutes les manifestations de la musique dansante caribéenne. Bien sur, il y avait aussi la Plena portoricaine, le Merengue haïtien, ou, un peu plus loin, la Cumbia colombienne. Mais c'est bien à Cuba et sous l'influence de musiciens cubains que se sont forgés les styles tropicaux les plus forts et les plus influents internationalement, comme le Son, la Rumba, le Bolero, le Mambo, le Cha Cha Cha, et, à New York, le Latin Jazz né dans les années 1940 de la rencontre des rythmes caribéens et des Big bands de Jazz. Et jusqu'en 1959, la Havane, avec ses cabarets et ses grands orchestres, est restée l'une des deux grandes capitales de la musique tropicale... L'autre étant New York, où des musiciens d'origine souvent portoricaine diffusèrent le Mambo dans les années 1950, avant d'inventer dans les années 1960 le Boogaloo et la Pachanga.

Mais les choses changent après 1959 : l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro se traduit en effet rapidement par la fermeture des luxueux cabarets de la Havane, par la désorganisation de l'industrie touristique, par une rupture avec les milieux du show business international, et par un exode massif d'artistes vers les Etats-Unis. D'où une marginalisation de Cuba sur la scène mondiale de la musique de loisirs tropicale. La place est donc libre pour New York, où de jeunes musiciens de Latin Jazz, en majorité portoricains ou d'ascendance portoricaine, vont créer, avec l'aide de producteurs et de programmateurs souvent venus de la communauté juive, un nouveau style de musique, la Salsa, qui va bientôt se lancer à l'assaut des piste de danse et des salles de concert du monde entier.

Jusqu'aux années 1990, Cuba ne participe pas à ce mouvement. Musiciens et autorités cubaines stigmatisent en effet la Salsa comme un plagiat malhonnête de l'authentique Son cubain, motivé par des préoccupations bassement commerciales. Cependant, malgré les difficultés de toutes sortes, la musique populaire cubaine poursuit son évolution propre, en greffant sur les polyrythmies et les formes du Son traditionnel l'apport du Jazz et du Rock. Bref, se créé spontanément à Cuba, à partir de fin des années 1960, un mouvement musical présentant un certain nombre de similitudes fortes avec la Salsa nord-américaine. Le groupe de Latin Jazz Irakere, l'orchestre Van Van, avec son rythme de Songo, ou encore les formations d'Adalberto Álvarez et d'Elio Reve, qui modernisent les sonorités du Son et du Changüi, jouent ainsi au cours des années en 1970 puis 1980 un rôle précurseur. Mais c'est avec l'orchestre NG la Banda, créé en 1988, qu'apparaît définitivement le style de musique âpre, tendu, rapide, qui s'appellera bientôt Timba pour ensuite, facilité commerciale aidant, être finalement désigné sous le nom de Salsa Cubaine.

Réalisé en 1993, le reportage « Cuba la Havane » de la série « Musique sans frontière » saisit cette Timba cubaine au moment de son premier essor, à une époque où ses sonorités encore relativement sages n'ont pas encore été influencées par la stridence du Reggaeton. Elle nous propose un florilège extrêmement bien choisi de ce style musical, depuis Van Van et Irakere jusqu'à Issac Delgado, Ng la Banda et Adalberto Álvarez. Accessoirement, elle nous fait ressentir que la vitalité de la musique cubaine de l'époque ne se limite pas à cette Timba, en nous faisant par exemple découvrir l'univers alors florissant de la Nueva trova, avec Silvio Rodriguez et Pablo Milanes.

Le documentaire nous propose également, de manière incidente, un intéressant parcours à travers les styles de danse populaire alors pratiqués à la Havane sur la musique de Timba naissante. Et là, surprise !!! La Salsa dite « Cubaine » telle que nous la connaissons aujourd'hui, c'est-à dire le style dit « casino » où les couples, se tenant par la main, multiplient tours et jeux de jambes, n'apparaît alors que de manière assez marginale. En effet, le style de danse alors majoritairement pratiqué lors des concerts de Timba consistait plutôt, comme on le voit d'ailleurs dans plusieurs scènes du film, en un mélange de solos et de mouvements dits de « despelote » volontiers provoquants, à la connotation sexuelle parfois très explicite. Ce n'est que quelques années plus tard, sous l'influence notamment de touristes étrangers désireux d'apprendre ce qu'eux même appelaient « Salsa cubaine » (en fait le vieux « Casino » enseigné à l'époque à Paris ou Madrid par les Cubains émigrés) que ce style, inventé à la fin des années 1950, fit un retour en force à Cuba après 30 années de relative marginalisation.

Bien sûr, le film n'est pas totalement exempt de défauts : par exemple lorsque le commentateur évacue d'une phrase un peu méprisante le Rap cubain alors naissant, présenté comme un style anecdotique alors qu'il allait se transformer 15 ans plus tard en un mouvement musical plébiscité par la jeune génération, le Reggaeton ; ou encore lorsqu'il donne une vision un peu outrancière et caricaturale de la fameuse « sensualité tropicale », avec ses bataillons de jolies filles dénudées, alanguies et balançant leurs hanches tentatrices.

Mais au fond, n'est-ce pas justement cette image qui, vraie ou fausse, colle tellement à la peau de Cuba qu'elle va bientôt contribuer à déclencher un engouement drainant vers l'île des millions de touristes ? Et ce, tandis que les orchestres de Timba – pardon de Salsa cubaine – vont commencer à entreprendre des tournées de concerts internationales qui bientôt ramèneront Cuba au premier plan de la musique tropicale mondiale, mettant ainsi fin à plus de 30 années de marginalisation.

Fabrice Hatem

Transcription

Présentateur
Où danse-t-on vraiment à la Havane, Joël-Pierre ?
Joël-Pierre
Alors, on danse vraiment dans les discothèques des grands hôtels quand on a des dollars, sinon, on danse dans les lieux publics qui sont prévus à cet effet ou tout du moins, très peu chers. Il y a notamment deux endroits qui sont absolument succulents et d’une part, El Castillito qui appartient à l’Union des Jeunesses Communistes, c’est un bon endroit pour danser, qui est installé sur le Malecòn, donc sur le bord de la mer. Et il y a un autre endroit qui est absolument fabuleux, qui est ouvert du jeudi au dimanche, qui s’appelle Tropical. C’est une ancienne brasserie de bière, c’est un endroit excessivement chaud et alors là, on voit vraiment ce que c’est que [mover el puddin], c’est-à-dire avoir les hanches montées sur rotules.
(Musique)
Joël-Pierre
Il y a deux grands genres musicaux qui correspondent en fait aux deux influences, aux deux sources cubaines, la source africaine et la source européenne via Haïti. Il y a surtout de très, très bons musiciens, donc il y a énormément de très bons joueurs de salsa. Deux groupes arrivent en tête actuellement, il y a NG La Banda, les nouvelles générations, et puis, il y a Van Van, qui est très en vente, ils sont les deux groupes de musiciens, mais fantastiques, qui sont les leaders de la salsa actuellement.
(Musique)
Intervenant
L’apport de ces groupes comme NG la Banda, Van Van, qui est d’introduire dans un rythme de salsa complètement renouvelé des éléments de culture musicale complètement modernes.
(Musique)