Autre banlieue, autre époque
Notice
Reportage consacré au quartier des Dervallières à Nantes. Dans cette cité, plus de 25 nationalités se côtoient chaque jour. Comme tant d'autres, Founé, Mariama et Mama sont des enfants d'immigrés. Parfaitement intégrées dans le quartier, elles portent en elles les valeurs et les traditions de leur communauté africaine. Founé, Mariama et Mama se connaissent depuis l'école maternelle. Leur amitié c'est avant tout une histoire de terre, de racines maternelles. Dans le quartier, elles ont leurs habitudes leurs repères. Ensemble elles ont créé "Diamant noir", un groupe de danse africaine. Ballottée entre deux mondes que tout oppose, ces filles au large sourire ont trouvé leur place et leur identité. Fières d'être Françaises, fières aussi de leur bout d'Afrique.
Éclairage
Autre banlieue, autre époque.
Le quartier des Dervallières a été construit dans les années 50 pour pallier le déficit de logements d'une agglomération nantaise en plein développement. Dès 1959, ce nouveau faubourg accueille une population ouvrière avec le confort et les nouveaux standards de la “vie moderne” qu'apporte une économie nationale en pleine croissance. Mais la crise économique arrive et se traduit pour ses habitants par le chômage, l'appauvrissement, voire la marginalisation et l'exclusion. Des interventions urbaines sont décidées à partir des années 1990 pour valoriser ce quartier jugé “sensible” par les institutions. Mais elles n'évitent pas aux Dervallières d'être touchées en 2005 par les émeutes des banlieues, cri d'alarme de ces populations délaissées. L'enjeu de ces violences urbaines, et les réponses qui leurs sont apportées dans le débat public, dépassent la simple considération économique, et finissent par se concentrer sur des problématiques culturelles et identitaires qui questionnent le modèle culturel et social français.
Qui sont ces jeunes oubliés des banlieues, enfants des migrations économiques de la seconde moitié du XXe siècle?
Ces trois jeunes Françaises, originaires de différents pays d'Afrique subsaharienne, formulent une première réponse. Vivant une existence modeste, dans un environnement urbain jugé “difficile” – bien qu'elles soient nées en France et instruites dans ses institutions – elles ont hérité et même cultivé simultanément un autre patrimoine culturel, celui-ci malien, guinéen, sénégalais... Cet entre-deux mondes, vécu comme un échec par les tenants d'un modèle français de tradition intégrationniste, exprime simplement l'évolution d'une société, de ses populations et des représentations sociales et culturelles qui la façonnent. Ces Françaises tant européennes qu'africaines, se nourrissent de leurs origines, de leurs quotidiens partagés avec d'autres individus, et de leurs rêves d'horizons lointains, pour vivre dans l'hexagone une identité nouvelle, pluri-nationale, en rythme avec leurs existences globalisées. Et quand vient le temps de l'exprimer par le corps, la danse qu'elles performent est le Coupé Décalé : style ivoirien créé à Paris, repris en Côte d'Ivoire, diffusé dans toute l'Afrique francophone, et relayé dans leurs différentes diasporas. Cette incarnation d'une identité africaine-française inédite est celle d'une nouvelle génération qui danse et chante, s'inspire et reprend sur le territoire hexagonal, à travers une myriade de groupes (La Saomera, Anges d'Afrik, Angelo Capitaine...) une Afropop transnationale.