L'Afrique en France 1967
Notice
Extrait d'un documentaire évoquant la situation des hommes immigrés du Sénégal, Mali et Mauritanie venus travailler à Paris. Pour échapper à leurs dures conditions de vie, dans leurs foyers de banlieues de l'est de la capitale, ils se regroupent, témoignent de leurs expériences et tentent comme ils le disent "d'oublier leurs efforts par la danse".
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Éclairage
En 1967, l'Afrique n'est plus française mais l'hexagone découvre, entre inquiétude et curiosité, cette France africaine qui s'est installée chez elle, en banlieue.
L'heure n'est pas encore à la crise, les politiques migratoires hexagonales incitent l'afflux massif de migrants africains peu qualifiés et bon marché, pour nourrir les besoins industriels d'une économie française vivant les Trente Glorieuses. Alors que les institutions métropolitaines qualifiaient de françaises ces populations quelques années plus tôt, elles les considèrent désormais comme une force de travail éphémère qui retournera bientôt chez elle. En 1967, ils sont plus de 60 000 à travailler entre Paris, Marseille et Bordeaux. Une minorité difficilement invisible qui s'entasse dans les logements devenus insalubres de la SONACOTRA.
Cette première génération de migrants économiques d'Afrique sub-saharienne qui arrive dans les années 60 est tout aussi convaincue que sa présence n'est que temporaire. Ils ont généralement suivi les pas ou les récits de leurs anciens venus par deux fois aider la puissance coloniale aux prises avec l'ennemi. Les promesses d'un enrichissement rapide dans une Europe en pleine croissance et l'euphorie des indépendances en Afrique leur font espérer un retour rapide au pays.
Mais la réalité sur place est bien différente. Faute d'alphabétisation, d'un manque de qualification, et d'une demande industrielle changeante, une majorité de ces nouveaux arrivants sont au chômage, vivant sur place de la solidarité de leurs communautés. Eux qui n'étaient venus que dans une perspective économique se retrouvent à devoir s'acculturer progressivement : apprendre une langue, comprendre les usages d'une économie industrielle, d'une société capitaliste, vivre à l'occidentale... Cette perte de repères spatiaux, sociaux et culturels, dont le migrant fait l'expérience, accroît son besoin de se replier dans un environnement familier, sa communauté. Par des pratiques culturelles, artistiques ou sociales, le migrant recrée l'univers qu'il a quitté. Les premières images nous montrent des hommes et des femmes performant une danse d'Afrique de l'Ouest (certains pas rappellent le jeu de jambe du Pinguiss), accompagné d'instruments et de vêtements traditionnels de leurs pays, dans un environnement que l'on suppose être celui du parc Beaumont, à Montreuil. Cette nouvelle contextualisation permet au migrant, comme l'explique Dioncounda Bathily, de supporter la réalité de son déplacement.
Ce documentaire, un des premiers du genre, a été réalisé en 1967 alors que le mouvement des droits civiques des noirs-américains est au plus fort de l'autre côté de l'Atlantique. Il fait suite au scandale né du refus de certains bars parisiens de servir les clients “de couleur”. L'opinion française se réveille face à cette Afrique des banlieues qu'elle ne peut plus ignorer. Comment considérer ces populations nouvellement immigrées qui pourraient prolonger leurs séjours dans un hexagone de plus en plus hostile ?