Robert Cantarella met en scène Inventaires de Philippe Minyana
Notice
Reportage sur la pièce Inventaires de Philippe Minyana, dont la mise en scène de Robert Cantarella est représentée au Théâtre du Parvis Saint-Jean à Dijon. Il comprend les interviews du metteur en scène et de l'auteur ainsi qu'un extrait du spectacle.
Éclairage
Né en 1946, Philippe Minyana est auteur, comédien et metteur en scène. A partir de 1979, il a notamment écrit pour le théâtre une quarantaine de pièces. Le reportage, diffusé au cours du Journal de FR3 Bourgogne du 1er octobre 1987, présente sa pièce Inventaires que Robert Cantarella met en scène au Théâtre du Parvis Saint-Jean de Dijon. Il marque la deuxième collaboration de l'auteur et du metteur en scène, dont le travail commun ne cessera au cours des années qui suivront. Créé la même année au Théâtre de la Bastille à Paris, le spectacle a remporté un grand succès auprès de la critique et du public et a accompli une tournée dans plus de cinquante villes en France et à l'étranger. Il est interprété par quatre comédiennes : Florence Giorgetti, Judith Magre, Edith Scob et Hélène Force. Pour le reportage, les trois premières parlent face caméra pour dire le fragment d'une réplique représentative de son personnage.
La pièce représente un jeu télévisé ou radiophonique qui prend la forme d'un « "marathon" de la parole » que supervise une présentatrice ou meneuse de jeu. Chaque candidate a apporté avec elle un objet qui témoigne de sa vie (une robe, un lampadaire, une cuvette). Au signal donné, le protagoniste prend la parole et raconte son histoire. Le temps de parole est donc clairement délimité.
En guise d'« inventaire », le personnage est appelé à énoncer la somme de sa vie. Philippe Minyana s'est inspiré du travail de Christian Boltanski en cherchant une forme capable de comprendre et de représenter l'existence immédiatement et dans sa totalité. Or, cette représentation ne peut être que fragmentaire et fragmentée. Les lacunes du discours renvoient aux lacunes de la langue et à celles de la mémoire. La contrainte du temps et l'attribution arbitraire et alternée de la parole à chacune des candidates donnent naissance à une parole ludique qui s'invente au gré de l'urgence. Les répliques ont l'apparence d'un flot de parole continu dont serait absent toute hiérarchie dans l'ordre des thèmes du discours. Les passages réguliers du coq-à-l'âne font se côtoyer le tragique et le comique, l'exceptionnel et le trivial. L'absence de ponctuation dans l'écriture laisse libre la comédienne de trouver le rythme de ces enchaînements.
Le dramaturge travaille à partir du matériau brut d'interviews de figures réelles et du contenu de faits-divers rapportés dans la presse. La transformation de ces éléments aboutit à une forme de réalisme poétique qui s'écarte toutefois du naturalisme : la langue est originale et le montage des répliques crée des frottements qui n'existent pas dans la réalité. L'adresse directe au public renforce ce décalage.
Les « inventaires » comprennent une parole intime qui part du corps. L'objet sert de support au dialogue du personnage avec son histoire, notamment lorsqu'il témoigne du passage du temps à travers son corps. La pièce fait aussi intervenir une parole politique qui traduit la façon dont le discours du protagoniste participe ou diffère de la communauté. Le principe du jeu convoque ainsi le tressage de l'Histoire avec les histoires.
En 1991, Jacques Renard a réalisé un film (la Sept, FR3) à partir de cette mise en scène en la faisant se dérouler à l'intérieur d'un supermarché : à l'action de la pièce s'ajoutent les réactions des clients qui passent, s'arrêtent et réagissent à ce qu'ils voient.
Pour ce texte, Philippe Minyana reçut en 1988 le Prix SACD.