Les Magnifiques de Michel Boujenah

15 mars 1984
01m 52s
Réf. 00243

Notice

Résumé :

A l'issue d'un dossier sur l'immigration, reportage sur le spectacle Les Magnifiques, de Michel Boujenah, présenté au Splendid. Interview de l'artiste, qui exprime sa volonté de communiquer par le rire, entrecoupée d'extraits de sketches de l'artiste, tournant en dérision la position des immigrés en France.

Date de diffusion :
15 mars 1984
Source :
A2 (Collection: MIDI 2 )
Thèmes :

Éclairage

Michel Boujenah est né en 1952 à Tunis. Il écrit et met en scène ses propres spectacles, et est également acteur de cinéma et réalisateur. Juif tunisien, il rejoint la France à l'âge de onze ans, et souffre d'avoir abandonné sa terre natale. Il rêve de devenir comédien, mais se voit systématiquement reprocher son accent. Il pratique le théâtre avec des amateurs, particulièrement des enfants, à qui il apprend l'improvisation et la création collective. Il se lance ensuite dans un premier spectacle seul en scène, Albert, qu'il présente au théâtre du Lucernaire à Paris. Il y prend pour thème sa propre expérience, et celle de sa famille, et parle donc essentiellement des juifs tunisiens immigrés en France. Il compose un second spectacle, Anatole, qui sera un échec. Il prend conscience que son humour porte une étiquette indélébile : celle de l'humour communautaire. Il compose alors le spectacle qui fera son succès, Les Magnifiques, en 1984. Bien qu'il ait souffert jusque là d'être taxé de communautarisme, c'est encore une fois en s'appuyant sur ses origines et sa culture qu'il compose son spectacle. Les Magnifiques brosse une galerie de portraits, centrés autour de trois personnages principaux : Maxo, Julot et Guigui, trois hommes âgés qui ont suivi la vague d'immigration des juifs tunisiens dans les années soixante. Michel Boujenah campe tous ses personnages en changeant de couvre-chef et d'attitude. Les costumes sont donc réduits au minimum, et la performance d'acteur est impressionnante. Le spectacle Les Magnifiques possède une dramaturgie particulière, s'éloignant de la forme traditionnelle à sketches des one-man-shows. En effet, les personnages sont récurrents, et le spectacle n'est pas monté comme une suite de numéros sans lien entre eux. Le succès des Magnifiques a conduit Michel Boujenah, vingt ans après, à créer Les Nouveaux Magnifiques, un nouveau spectacle reprenant les personnages qu'il avait créés vingt ans plus tôt. Le spectacle repose sur trois personnage d'immigrés âgés, et sur leurs difficultés à comprendre la France dans laquelle ils vivent. Ces personnages sont également prétexte à interroger la position des étrangers en France, par le biais du rire. Michel Boujenah l'explique dans l'interview : il utilise l'humour pour faire passer des messages, et tente, par le biais de ce spectacle, de rendre compte de la situation des immigrés en France, en partant de sa propre expérience et de l'observation de ce qui l'entoure. Comme d'autres – Smaïn, Jamel Debbouze, Gad Elmaleh – il utilise sa différence au service du comique.

Anaïs Bonnier

Transcription

Présentateur
On peut aussi choisir de terminer ce dossier sur les immigrés par de l’humour, et puis une certaine forme de dérision avec cet extrait d’un sketch de Michel Boujenah sur justement le problème des immigrés. Et si un jour tout changeait, et si les chiffres s’inversaient ?
Michel Boujenah
On n’est pas des acteurs, tu comprends ça ? On n’est pas des acteurs. Regarde, prends ton nom, mets-le sur une affiche. Tu mets Victor Boudboule, fabricant de chemises gros, demi-gros, détail. Tu passes devant l’affiche, si, si, si, mon affiche elle est bien. Maintenant, tu prends une autre affiche, tu mets, la Comédie-Française présente au Théâtre national de l’Odéon, Victor Boudboule dans Hamlet de Shakespeare. Vous savez ça, mais quand tu passes devant l’affiche [inaudible] il t'a tué, nom de dieu. Tu la regardes, tu dis, c'est pas possible, ça c’est une affiche de science-fiction, c'est pas possible. Tu veux que je te dise, à mon avis, même l’affiche elle tombe, elle tombe ! La grande question, c'est pas de savoir si on est minoritaire ou pas. La grande question, c’est, qu’est-ce qu’on a envie de dire aux gens et comment on a envie de communiquer. Communiquer par le rire, pour moi c’est fondamental aujourd'hui. Et je rêve, et je me fais des rêves à moi tout seul. Par exemple, je me dis, je me dis, par exemple... [matso], avec les français, ça serait bien qu’on fait la mi-temps. Non, c'est-à-dire comme au football, on change de côté. C'est-à-dire qu’eux, ils deviennent la minorité et nous la majorité. Tiens, je rêve par exemple que demain je me réveille, en France, il y a 50 millions de juges tunisiens, et 450 français. C’est un rêve. Non, parce que s’il y a des Français dans la salle, j’espère ils m’en veulent pas. Non, c’est de l’humour. Non parce que des fois, ils se moquent de nous. On se moque d'eux. On fait ping-pong. C’est mieux que de se taper dessus, non ?