Arrivée de Roger Planchon au théâtre de Villeurbanne

11 septembre 1959
02m 44s
Réf. 00401

Notice

Résumé :

1957, entretien de Roger Planchon au Théâtre de la Cité à Villeurbanne, pendant lequel le metteur en scène revient sur ses débuts. Il retrace son parcours de la salle de patronage au Théâtre de Villeurbanne, en passant par la construction du Théâtre de la Comédie, où les auteurs des avant-gardes (Adamov, Brecht, Vinaver) côtoient les spectacles populaires (Rocambole, Cartouche).

Date de diffusion :
11 septembre 1959
Source :
ORTF (Collection: En direct de )
Artistes et personnalités :

Éclairage

En 1957, Roger Planchon et sa troupe s'installent au Théâtre municipal de Villeurbanne qui devient alors Théâtre de la Cité.

La trajectoire de Roger Planchon s'inscrit dans le renouveau du théâtre au début des années cinquante, marqué pour beaucoup d'artistes par la venue de Bertolt Brecht et du Berliner Ensemble au Théâtre Sarah-Bernhardt (actuel Théâtre de la Ville à Paris), en 1954 et 1955.

Roger Planchon a déjà commencé son travail de mise en scène. En 1950, il monte une parade burlesque 1900, Bottines, collets montés, dans laquelle il soumet des courtes pièces de Courteline et de Labiche à ce qu'il nomme une « opération chirurgicale ». Grâce au succès du spectacle, il fonde une compagnie professionnelle et s'installe rue des Marronniers, au centre de Lyon, dans un petit théâtre de 120 places qui est complètement reconstruit et réhabilité. A cette époque, le Théâtre de la Comédie est le seul théâtre de province à jouer tous les soirs, la compagnie de Roger Planchon est ainsi la première compagnie à avoir en province un siège fixe, avec une activité de création et de diffusion permanente.

Le répertoire que le metteur en scène met en place mêle spectacles populaires dans la lignée de Bottines, collets montés (Rocambole pour l'inauguration de la salle, Cartouche), classiques étrangers peu joués en France (Faust de Marlowe), et auteurs d'avant-garde (Le Sens de la marche et Le Professeur Taranne d'Adamov, mais aussi Brecht, Ionesco, Vinaver). A partir de la notion de Bertolt Brecht « d'écriture scénique responsable », le travail de Roger Planchon va se développer et marquer la scène française, « le rapport de la représentation au texte s'en trouve, ouvertement modifié. Le spectacle ne revendique plus une transparence idéale, ni une coïncidence qui irait jusqu'à la fusion des mots et de la scène : il se constitue dans une réflexion, voire une distance volontaire, entre eux. Il se veut critique. » (Bernard Dort dans Le Théâtre en France). Après la notion de théâtre populaire développé par Jean Vilar (dont le Festival d'Avignon et le Théâtre National Populaire de Chaillot sont une concrétisation), s'impose la notion d'un « théâtre politique ». Roger Planchon ne cesse de mettre en œuvre cette nouvelle conception théâtrale et poursuit sa mise en œuvre lors de son arrivée au Théâtre municipal de Villeurbanne qui était jusqu'alors dévolu à l'opérette. Le metteur en scène lyonnais prolonge son répertoire et l'enrichit en montant des grands classiques français (La Seconde surprise de l'amour de Marivaux, Tartuffe de Molière) et ses propres pièces (création de La Remise en 1961-1962). Le théâtre de Roger Planchon s'affirme comme un théâtre populaire et critique.

Marie-Aude Hemmerlé

Transcription

Journaliste
Vous avez joué où ensuite ?
Roger Planchon
Oh, et bien, on a joué à Lyon. Vous savez à Lyon, il n’y a pas de théâtre fixe, enfin, il n’y avait pas de théâtre jouant tous les soirs, alors nous avons essayé d’en faire un. Alors au début, nous jouions dans une salle de patronage sur les quais de la Saône.
Journaliste
Et vous jouiez quoi ?
Roger Planchon
Et bien, nous jouions le fameux spectacle qui avait eu le prix du public Bottines et collets montés, ensuite, nous avons joué le Faust de Marlowe, après nous avons ….
Journaliste
Je vous arrête tout de suite, vous avez joué le Faust de Marlowe dans un patronage, est-ce que vous croyez que c'est le spectacle idéal pour un patronage ?
Roger Planchon
Oui, mais d’ailleurs, c’est après le Faust de Marlowe qu’on a eu des ennuis avec monsieur le curé et que nous avons été obligés de partir. Alors à cette époque-là, nous avons monté, je ne me rappelle plus, du Shakespeare, du Calderón.
Journaliste
De l’Adamov ?
Roger Planchon
Non, pas encore de l’Adamov. Et on faisait des tournées dans la grande banlieue de Lyon, depuis Marseille à Dijon, et pendant ce temps-là, on a entrepris de construire dans le centre de Lyon, un petit théâtre, c’était le théâtre de la Comédie.
Journaliste
Vous l’avez construit de vos mains, avec vos comédiens ?
Roger Planchon
Oui, c’est ça, oui, avec, enfin, vous savez quand on dit Planchon ça veut dire un grand nombre de gens. Nous avons construit ce petit théâtre. C’est-à-dire que nous avions pris une entreprise de maçonnerie. Nous avons aménagé une salle , une entière salle. Et il y avait, enfin nous étions... pendant que nous continuions nos petites tournées, on était aussi de temps en temps maçons, etc. , ou du moins on donnait un petit coup de main aux maçons.
Journaliste
Et là, le répertoire, qu’est-ce que c’était ?
Roger Planchon
Il y avait deux genres de répertoire. Il y avait d’une part un répertoire dit d’avant-garde qui regroupait l’intelligentsia comme par exemple …
Journaliste
Ionesco ?
Roger Planchon
Adamov, Ionesco oui, quoi encore, Kleist, Brecht, Vinaver. Enfin, on a fait toute une série de créations. Et il y avait d’autre part, on montait des spectacles beaucoup plus publics dans le genre …
Journaliste
La vieille garde ?
Roger Planchon
Oui, la vieille garde, c’est elle qui payait les frais de l’autre qui s’intitulait Rocambole, je ne sais quoi, Cartouche, burlesque digeste, vous voyez à peu près le genre, alors l’un payant l’autre.
Journaliste
A cette époque-là, vous aviez un théâtre d’une centaine de places ?
Roger Planchon
Oui, c’est ça. Oui, mais enfin, c’était le seul théâtre de France en province qui jouait tous les soirs.
Journaliste
Alors, je crois que vous avez été encouragé également par le festival de Lyon-Charbonnières, Monsieur Blanchon qui est votre presque homonyme vous a demandé de jouer deux pièces.
Roger Planchon
Oui, nous avons fait le festival de Lyon-Charbonnières. On a joué une pièce de Marlowe qui s’intitule Edouard II et une pièce de Brecht que nous avons créée en France et même, je crois que c’était une création en Europe La Bonne Âme du Se-Tchouan.
Journaliste
Mais comment êtes-vous arrivé ici, dans ce théâtre immense de Villeurbanne ?
Roger Planchon
Et bien, petit à petit le théâtre de la Comédie devenait trop petit. Enfin, il fallait absolument avoir un instrument plus grand, plus vaste. Alors, il se trouvait que le théâtre municipal de Villeurbanne était libre. On y faisait de l’opérette jusqu’à ce moment-là. Et Monsieur le maire, Monsieur [Gagnaire] et le conseil municipal de Villeurbanne a voulu avec nous tenter une expérience ; dont évidemment nous leur devons toute notre reconnaissance vu que cela n’a été possible que par eux.