La danse dans le vent d'un enfant pâle
Notice
Aujourd'hui internationalement reconnu, Saburo Teshigawara est encore, en 1987, cet « enfant pâle » venu d'un pays, le Japon, où la danse contemporaine n'a guère droit de cité. La consécration viendra avec La Pointe du vent, primé en 1986 au Concours de Bagnolet.
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Éclairage
« Pourquoi faut-il toujours que l'Occident découvre en premier nos propres artistes ? ». Telle était, en substance, la remarque du correspondant de l'Asahi Shimbun, l'un des plus grands quotidiens japonais, après qu'il ait assisté en 1987 au Centre Pompidou, à Paris, dans le cadre de l'exposition « Japon des avant-gardes », à un spectacle du chorégraphe Saburo Teshigawara. Celui-ci était, à vrai dire, quasiment inconnu dans son propre pays. A son retour à Tokyo, l'article de l'Asahi Shimbun avait produit son petit effet : dans le minuscule studio de danse où il répétait, le fax avait craché de nombreuses propositions d'entreprises qui voulaient le sponsoriser...
Ce n'était pourtant pas la première fois que Saburo Teshigawara venait en France. L'année précédente, en 1986, sur la recommandation d'une critique de danse particulièrement avisée, Roku Hasegawa, il avait été sélectionné pour le Concours de Bagnolet (alors dirigé par la journaliste Bernadette Bonis), et y avait décroché le second prix. Las ! La plupart des journalistes et programmateurs, accaparés par une création au Théâtre de la Ville, n'avaient pu voir la courte pièce qu'il avait présentée à Bagnolet. Il fallut le hasard d'une programmation consécutive au concours de Bagnolet, à la recette, dans un petit théâtre privé du 11e arrondissement de Paris, l'Espace Kiron, pour que Saburo Teshigawara soit remarqué par Marcel Bonnaud et Roger Lafosse, respectivement responsable de la programmation danse au Centre Georges Pompidou, et directeur du passionnant festival Sigma à Bordeaux, qui décidèrent de le réinviter en France l'année suivante.
Du Japon, on connaissait alors les formes traditionnelles (Nô, Kabuki) et le Butô, popularisé par Kazuo Ohno, Carlotta Ikeda et Ko Murobushi, Sankai Juku et Tanaka Min. Or, Saburo Teshigawara n'était héritier d'aucun de ces courants. Certes, il avait suivi quelques cours avec Kazuo Ohno, connaissait fort bien l'œuvre et les textes de Tatsumi Hijikata, mais son ancrage esthétique se séparait du Butô. Et la danse contemporaine ne bénéficiait alors au Japon d'aucune sorte de reconnaissance. Dans sa formation, Saburo Teshigawara (né en 1953) était passé de la danse classique et du mime aux arts plastiques, avant de créer ses propres performances, en solo, à partir de 1981, puis de fonder sa compagnie, Karas, en 1985.
Grande fluidité du mouvement, plastique de l'espace, sens de la composition : Saburo Teshigawara s'est peu à peu imposé sur les scènes internationales, jusqu'à remporter en 2007 à New York un Bessie Award, la plus haute distinction pour les arts de la scène. Invité par William Forsythe en 1994 (il signe alors Bones in pages pour le Ballet de Francfort), il crée aussi Air pour le Ballet de l'Opéra de Paris en 2003. Mais en 1987, Saburo Teshigawara est encore cet « enfant pâle » (The Pale Boy, création de 1986), dont le corps ondule comme une feuille dans la brise. La Pointe du vent (Kaze no shentan) est la pièce qui lui a valu la consécration au Concours de Bagnolet.