Compagnie Jean-Pierre Lescot, Taema
Notice
Créé en 1981, Taema ou La fiancée du timbalier, spectacle d'ombres de la compagnie Jean-Pierre Lescot est annoncé par José Arthur lors de son passage au Théâtre de l'Est Parisien. Les personnages ont des têtes aux contours très graphiques, découpées dans du carton, alors que les corps possèdent la souplesse et parfois la transparence colorée de tissus. Le reportage permet d'entendre la musique originale de Jacques Coutureau et de voir la manipulation des ombres par de grandes tiges verticales sur l'envers de l'écran.
Éclairage
Après Colette et Jean Roche, à la génération précédente, Jean-Pierre Lescot (né en 1947) redonne vie, en France, à la tradition millénaire du théâtre d'ombres. Ayant bénéficié d'une double formation de plasticien et de comédien, il sait trouver une expression originale à travers un graphisme ancré dans la filiation des imageries populaires mais aussi dans l'art contemporain.
Les spectacles de sa compagnie, créée en 1968, puisent essentiellement leur inspiration dans le monde onirique du conte, tel qu'on le trouve dans l'histoire de Taema ou La fiancée du timbalier, coécrite par Didier de Calan et Jean-Pierre Lescot : Le vieux roi de Taema vient de mourir. La Chuchoteuse, jouant de la lâcheté et de l'appétit de pouvoir des uns et des autres, entraine le pays dans le chaos et la haine. Une guerre est déclarée, les hommes sont réquisitionnés pour aller se battre et, parmi eux, un timbalier, obligé de quitter sa fiancée. Traumatisé par la cruauté de cette guerre sanglante, le timbalier erre sur le champ de bataille, sans autre souvenir que son amour. La Chuchoteuse veut accroître la confusion et persuade le nouveau roi de prendre pour gendre le timbalier, qu'elle présente comme le héros des combats.
Ce spectacle a marqué les esprits dès sa création, en 1981. Jean-Pierre Lescot y expérimente de nouvelles possibilités pour le théâtre d'ombres. S'éloignant de la précision graphique des cartons découpés, plaqués sur l'écran, se détachant nettement grâce à une lumière fixe, il élabore des images en mouvement. Ses ombres sont fabriquées en carton pour les têtes et en tissu pour les corps. Elles sont ainsi souples, vivantes, elles vibrent, ondoient, enflent, tournent sur elles-mêmes pour presque disparaître quand elles ne laissent plus voir que leur tranche. En les approchant ou les éloignant de l'écran immense, Jean-Pierre Lescot arrive à leur donner une matière, de l'épaisseur ou au contraire de la transparence. Grâce au tissu, il colore aussi les ombres en rouge, ocre, sépia. La lumière elle-même est mouvante, multiple, elle permet de dédoubler les ombres quand elle provient de plusieurs sources à la fois.
Dans cette grande fresque lyrique pour adultes, Jean-Pierre Lescot a la volonté de créer des images expressionnistes. Il a aussi fait un travail sur le souffle et la musicalité des mots. Outre des passages descriptifs et narratifs, son spectacle est joué dans une langue primitive inventée (le gromelang), plus expressive qu'explicative.
Mais pour Jean-Pierre Lescot « voyager aux pays des ombres ce n'est pas seulement dévoiler le secret des hommes et des choses, montrer leur double sombre. C'est préférer un univers ondoyant, élastique, tremblant qui dit la fragilité du rire, de la vie, de l'humour et de l'amour ». Lorsqu'il s'adresse aux enfants, en 2005, dans Les Rêveries d'Angèle, il propose des images cette fois joyeuses, très colorées, empreintes d'humour et de tendresse sur un large triptyque qui occupe tout l'espace. Dans Mon Pinocchio, en 2008, il joue de toutes les illusions théâtrales en faisant évoluer le personnage sur une scène où se déploient à la fois un théâtre d'ombres et un grand théâtre de papier, des projections animées, des signes écrits, et des marionnettes dans une grande œuvre de plasticien.
La compagnie Jean-Pierre Lescot est célèbre pour son travail sur l'ombre mais elle ne s'y est pas enfermée. Parmi sa trentaine de créations, elle a joué de toute la vaste palette des marionnettes en fonction des thématiques et des scénographies. Par exemple, Monsieur Clément ou la bonne humeur des coquillages (1983) emprunte à l'esthétique des livres d'images animées, avec des marionnettes manipulées à vue ; dans La Reine des mirages (1997), des marionnettes de haute taille, dirigées à la façon du bunraku, ont l'hiératisme de bas-reliefs égyptiens. Depuis plus de quarante ans, par ses talents de plasticien et de metteur en scène, Jean-Pierre Lescot espère offrir un surcroît de vie par le rêve, avec des ombres, des lumières, des volumes ou des aplats. Il dirige le Théâtre Roublot de Fontenay-sous-Bois depuis 1987, ainsi que la programmation des « Voyages en Marionnettes du Val de Marne ».