Jack Lang présente le Bread and Puppet Theatre

22 avril 1971
02m 21s
Réf. 00109

Notice

Résumé :

Jack Lang présente le travail du Bread and Puppet Theatre qu'il a connu dans le cadre du Festival mondial du théâtre de Nancy. Il s'attarde sur la démarche de Peter Schumann et son rapport au langage. Plusieurs extraits de pièces du Bread and Puppet Theatre sont présentés.

Date de diffusion :
22 avril 1971
Source :
ORTF (Collection: Banc d'essai )

Éclairage

Le Festival Mondial du Théâtre de Nancy a contribué à la reconnaissance d'un certain nombres de compagnies et de metteurs en scène en Europe ; on peut citer le Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch, Tadeusz Kantor, Robert Wilson ou encore le Teatro Campesino. Le Bread and Puppet Theatre, dirigé par Peter Schumann, fait partie de ces compagnies accueillies au festival de Nancy. C'est en 1968 qu'ils jouent pour la première fois à Nancy, avec deux spectacle ; Fire et A man says goodbye to his mother. Le travail scénique du Bread and Puppet Theatre s'articule autour de trois axes récurrents ; l'utilisation de marionnettes géantes et de masques, fabriqués à partir de déchets ou de rebut, l'absence de paroles et la dénonciation de la répression, de la guerre et des injustices. La compagnie tient son nom des marionnettes qu'elle construit (Puppet) et du pain qu'elle fabrique et distribue à chaque spectacle (Bread), manière de dire que le théâtre est aussi nécessaire à l'homme que le pain. Fire et A man says goodbye to his mother sont tous deux centrés autour de la guerre du Viêtnam, mais en adoptant des points de vue différents. Dans Fire, le spectateur assiste au bombardement d'un village vietnamien du point de vue de ses habitants, tandis que dans A man says goodbye to his mother, il suit le parcours d'un jeune homme américain envoyé à la guerre, où il est tué par une mère vietnamienne après avoir bombardé des villages et empoisonné les récoltes.

C'est avec ces deux spectacles que le public français, et plus largement européen, a découvert le Bread and Puppet Theatre, créé en 1962 et qui réside successivement à New-York puis dans le Vermont. Depuis 1974, la compagnie est installée dans une ferme à Glover dans le Vermont où elle continue d'élaborer des spectacles de marionnettes, avec la même conviction qu'un théâtre politique est nécessaire et que l'on retrouve dans leur slogan : « Cheap art and political theatre » (« Art pauvre et théâtre politique »).

Sidonie Han

Transcription

Jack Lang
C’est au festival de Nancy que des groupes ou des metteurs en scène aujourd’hui très connus ont pour la première fois présenté leur spectacle devant un public international. C’est ainsi que le Bread and Puppet était assez inconnu avant de venir à Nancy et Nancy a été pour lui l’occasion de faire connaître son travail qui depuis lors est connu dans beaucoup d’endroits. C'était la même chose pour Grotowski, ceci il y a sept ou huit ans. La même chose aussi pour des metteurs en scène français, pour Patrice Chéreau par exemple. C’était le cas aussi pour d’autres groupes qu’on connaît beaucoup moins en Europe mais disons pour la plupart des groupes d’Amérique latine. Peter Schumann, le directeur du Bread and Puppet, c’est un petit peu une sorte de boy-scout plein de talent, boy-scout en ce sens qu’il y a avec lui, bien qu’il soit d’origine allemande, il y a toute la naïveté, toute la simplicité de comportement des américains face aux évènements. Et cette naïveté en même temps donne à ce qu’il nous présente une très grande force parce que c’est sain, parce que c’est dépouillé. Peter Schumann, c’est aussi quelqu’un qui, et c'est en ce sens que son théâtre est très fort, quelqu’un qui ne croit plus au langage, au dialogue. Plus précisément, il croit tellement au contenu des mots, qu’il est choqué par la façon dont dans la vie courante, nous les dévaluons. Le langage a été complètement démonétisé. Quand Peter Schumann voit le président des Etats-Unis parler de liberté, parler de paix, parler d’indépendance et qu’en même temps le même président va massacrer des milliers de gens avec des moyens sordides, terribles au Vietnam ou ailleurs, Peter Schumann dit non, ce langage là je ne l’emploierai pas, d’où le recours à un langage plus gestuel, plus visuel, le recours à ces masques que vous connaissez, que maintenant beaucoup de gens connaissent.
(Bruit)