Le Bread and Puppet Theater
Notice
A l'occasion de sa venue au Festival de Nancy en 1969, présentation de la compagnie du Bread and Puppet Theater, de son fondateur – Peter Schumann -, de sa démarche et de sa philosophie. S'en suivent des images de répétition et de spectacle de la dernière création, Le Cri du peuple pour la viande, inspirée de la Bible et sous-tendue par les images de violence au Viêt-Nam.
Éclairage
New-York, début des années soixante, Peter Schumann, un Allemand d'une trentaine d'années, crée la troupe du Bread and Puppet theater. En France, la troupe est découverte grâce au Festival de Nancy qui l'accueille dès 1968 avec deux spectacles, Fire et A Man says goodbye to his mother, puis en 1969, avec The Cry of the people for meat, une création collective.
Théâtre politique, théâtre engagé, le Bread and Puppet possède un atelier dans le Lower East Side, l'un des quartiers les plus pauvres de New-York. Dans ce lieu, sont non seulement créés et répétés les spectacles de la troupe, mais ont également lieu des ateliers de construction et conception de marionnettes avec les enfants du quartier. Selon l'exigence de Peter Schuman, le théâtre est un élément aussi essentiel que le pain, et la troupe travaille ainsi dans une communauté, pour une communauté, avec une communauté.
En revanche, contrairement à d'autres troupes émergentes durant cette période, tel le Teatro Campesino, le Bread and Puppet theater ne se considère pas comme un théâtre de contestation, il veux raconter la réalité à l'aide de marionnettes. Dans cette perspective, il participe activement à la lutte contre la guerre du Viêt-Nam, en construisant de grandes marionnettes qui prennent part aux grands défilés pacifistes.
Cette effervescence créatrice s'inscrit dans un mouvement plus ample de remise en cause du théâtre et la recherche d'un engagement actif au sein de la société américaine. Cette dynamique incite plusieurs troupes à se réunir dans ce que l'on appelle le Théâtre de Guérilla, initié par Ronnie Davis et la San Francisco Mime Troup. L'intérêt majeur de ces théâtres est de conjuguer un travail artistique rigoureux, une recherche sur les formes et les codes de représentation, et un travail d'éducation populaire. Le théâtre de Guérilla mène un combat pour l'information des classes populaires, des habitants des ghettos. La plupart de ces troupes se côtoient et échangent de façon régulière. Bien que ne formant pas une communauté absolue de pensée, ils partagent un certain nombre de valeurs essentielles, parmi lesquelles la pauvreté des moyens – qui est souvent une pauvreté de fait, car en l'absence de subvention et d'apport personnel, en l'absence, très souvent, de recettes conséquentes, la subsistance de ces théâtres ne repose souvent que sur une vie communautaire et un système de solidarité. Mais cette pauvreté est pour beaucoup également un gage de qualité artistique : la garantie de ne pas être récupéré, car, sans argent, nul besoin du business. De plus, en l'absence d'effets sonores ou lumineux coûteux, en l'absence de costumes et dans le dénuement des décors et des accessoires, l'acteur s'exprime plus librement, son art se révèle. Enfin, c'est un théâtre qui repose le plus souvent sur la création collective, c'est-à-dire l'élaboration en commun, dans le cours de la création, du texte qui sert de base au spectacle. Ce théâtre est par ailleurs plus un théâtre d'action qu'un théâtre de dialogue. Les formes reposent plus sur le corps des acteurs, les objets ou les marionnettes, que sur le texte en lui-même.
Lors de la guerre du Vietnam, les compagnies de théâtre de guérilla ont composé de nombreux spectacles autour du conflit, tentant de dénoncer l'horreur de cette guerre, tout en travaillant à des formes permettant l'adaptation de leur propos au public visé. C'est dans ce contexte qu'est créé The Cry of the people for meat, librement inspiré de la Bible et sous-tendu par les images de la violence au Viêt-Nam : « Commencé dans la rue par une grande parade foraine, il se poursuit dans le théâtre sous la forme de tableaux d'une extraordinaire beauté décrivant divers moments de l'histoire de l'humanité : de l'apparition du Dieu Chronos à la Genèse, de la naissance du Christ à la Crucifixion : avec, en constant arrière plan, la tragédie du Viêt-Nam et la trahison du message de Jésus. » [1]
[1] Jack Lang, Débats, Ed. Jean-Claude Simoën, 1978.