Docteur Labus de Jean-Claude Gallotta au Théâtre de la Ville

28 janvier 1988
03m 08s
Réf. 00879

Notice

Résumé :

Le chorégraphe Jean-Claude Gallotta fait répéter Docteur Labus, pièce pour quatre couples de danseurs, présentée au Théâtre de la Ville, à Paris, en 1988. Il livre quelques commentaires sur le spectacle dont on peut voir des images de répétitions.

Date de diffusion :
28 janvier 1988
Source :
A2 (Collection: JA2 DERNIERE )

Éclairage

"Humour et sensualité" sont les qualités du chorégraphe Jean-Claude Gallotta selon le journaliste Georges Bégou. Et ma foi, le spectacle Docteur Labus (1988) lui donne raison.

Quatre couples remontés comme des coucous suisses se télescopent sur scène. Accrochages et dérapages, étreintes et rejets, chair de poule et crise de nerfs... L'amour et le désir en voient de toutes les couleurs et sortent en pleine forme de ces échauffourées. Sous le titre énigmatique de Docteur Labus, personnage mexicain fantasmé pourvu de quatre femmes et quatre filles, ce spectacle chorégraphié en 1998 par Jean-Claude Gallotta rivalisait d'invention pour raconter les mystères du couple en surfant à toute allure sur une écriture bondissante. Le casting original, que l'on peut voir dans ce court reportage, a tatoué l'interprétation de ce spectacle, aujourd'hui au répertoire du Ballet de Lorraine. Mon premier (dansé par Mathilde Altaraz et Pascal Gravat) aime aveuglément ; mon second (Viviane Serry et Christophe Delachaux) fait dans l'amour-vache ; mon troisième (Deborah Salmirs et Eric Alfieri) ose le sado-maso ; enfin, mon quatrième (Muriel Boulay et Robert Seyfried) se régale de sa juvénile fraîcheur.

Avec Docteur Labus, Gallotta réussissait à faire surgir les fulgurances du désir mais encore ses hésitations, ses doutes, ses peurs. Il pointait aussi les violences secrètes, les jeux de pouvoir qui lient l'homme et la femme. Jonglant avec les stéréotypes masculin-féminin, ce chorégraphe de l'irrésistible attraction des corps racontait dans le même mouvement la beauté de l'amour et sa cruauté, sa servitude aussi parfois. Toujours libre dans son traitement frontal du sexe, de ses chemins conflictuels pour arriver à ses fins, il osait la crudité. Mettre la main au panier, puis se renifler les doigts, font partie des gestes de la vie ordinaire, celle qui ne craint pas le contact direct et les odeurs qui vont avec.

Jean-Claude Gallotta, qui aimait à l'époque s'inventer des fictions étranges soufflées par une langue imaginaire, racontait qu'il avait rencontré le docteur Labus au Mexique. Les quatre filles de cet aventurier seraient devenues les héroïnes de cette saga romanesque que l'écriture nerveuse de Gallotta emporte au triple galop. Deux ans après la création de Docteur Labus, Les mystères de Subal (subal et labus se regardent en coin) joue de nouveau la carte érotique sous la houlette frondeuse d'un Gallotta qui danse et cause au micro comme un faune en rupture de ban. La même année que Les Mystères de Subal, Gallotta présentait au Festival de Cannes son premier long-métrage Rei Dom et sortait son premier livre Mémoires d'un dictaphone. Triplette gagnante pour un homme qui rêvait de faire du théâtre, étudia aux Beaux-Arts de Grenoble avant de s'engouffrer dans la danse avec la complicité heureuse de la danseuse Mathilde Altaraz.

Lorsqu'en 2006, le Ballet de Lorraine accroche Docteur Labus à son repertoire, l'énergie farouche et l'écriture limpide de la danse explosent. Cette reprise, portée par de jeunes interprètes impeccables, rappelle en douce combien la rage et la sincérité des danseurs originels ont permis à ce spectacle de traverser le temps. Sur le même ton, quatre ans plus tard, le remontage par Gallotta de Daphnis et Chloé, trio créé en 1982 par le chorégraphe lui-même avec Mathilde Altaraz et Pascal Gravat, fait aussi un tabac. Il impose dans un tourbillon de sensations furtives son talent pour chorégraphier le désir franc et joyeux. En plein dans la tendance "retour aux joyeuses années 80" et à la "danse qui danse", selon la formule désormais consacrée, Daphnis et Chloé repart pour un tour de manège qui s'appelle l'amour. Qu'il s'agisse de Docteur Labus ou de Daphnis et Chloé, qui se sont engouffrés avec succès dans de nouvelles tournées en France et à l'étranger, Gallotta affirme son talent pour une danse écrite jusqu'au bout des cils.

Rosita Boisseau

Transcription

(Musique)
Présentatrice
Une rubrique spectacle particulièrement diverse ce soir. Au programme du théâtre, de la danse et de la musique et nous commençons, Georges Bégou, par la compagnie grenobloise de Jean-Claude Gallotta.
Georges Bégou
Ah oui, Jean-Claude Gallotta c’est un personnage. Il a beaucoup d’humour, beaucoup de sensualité mais vous savez, sa réputation a déjà dépassé largement le Dauphiné. Et je vous propose de regarder une répétition, puis un extrait du spectacle. Vous allez voir que ce spectacle qui s’appelle Docteur Labus fait allusion à plusieurs références qui sont à la fois des références philosophiques et des références poétiques. Alors tout de suite, rendez-vous au Théâtre de la Ville.
Jean-Claude Gallotta
Jusqu’au sol, voilà, va jusqu’au sol. Sans à coup, fais attention sans à coup, sans à coup. Alors voilà, toi tu te laisses aller Mathilde, voilà.
Georges Bégou
Jean-Claude Gallotta, c’est la répétition d’un extrait de votre spectacle ?
Jean-Claude Gallotta
Oui, oui.
Georges Bégou
Le Docteur Labus , qu’est-ce que ça veut dire le Docteur Labus ?
Jean-Claude Gallotta
Et bien, Docteur Labus c’est soit la femme soit l’homme, docteur c’est tout, hein ?
Georges Bégou
On pense à Mabuse, on pense à Faustus.
Jean-Claude Gallotta
Oui, on peut penser à tout ça, on peut penser à tout ça ! Vous savez, Docteur Faustus , c’était une période trouble, il y avait l’exil de Thomas Mann, Docteur Mabuse, c’est peut-être le mal qui est peut-être entre les couples mais c’est peut-être aussi l’espérance du bien quand on est allé profond, très profond. D’ailleurs ce n’est pas des histoires de duos, c’est des histoires de couples.
Georges Bégou
Il y a un coté un peu actor studio là-dedans ?
Jean-Claude Gallotta
Un peu, un peu, une bonne image. C’est vrai que la danse aujourd’hui, elle va plus loin que la technique de danse. Elle ne pique pas au théâtre, la comédie, je crois que c’est des danseurs qui ont envie de s’exprimer avec la vie qu’ils mènent aujourd’hui. C’est un peu le type de l’actor studio. C’est d’amener sa charge vitale émotionnelle pour donner du spectacle, c’est ça et le transcender aussi en même temps.
(Musique)