Docteur Labus de Jean-Claude Gallotta au Théâtre de la Ville
Notice
Le chorégraphe Jean-Claude Gallotta fait répéter Docteur Labus, pièce pour quatre couples de danseurs, présentée au Théâtre de la Ville, à Paris, en 1988. Il livre quelques commentaires sur le spectacle dont on peut voir des images de répétitions.
- Serge Houppin - Compositeur(trice)
- Henry Torgue - Compositeur(trice)
- Jean-Claude Gallotta - Chorégraphe
- Mathilde Altaraz - Danseur(se)
- Viviane Serry - Danseur(se)
- Deborah Salmirs - Danseur(se)
- Eric Alfieri - Danseur(se)
- Pascal Gravat - Danseur(se)
- Christophe Delachaux - Danseur(se)
- Muriel Boulay - Danseur(se)
- Robert Seyfried - Danseur(se)
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Éclairage
"Humour et sensualité" sont les qualités du chorégraphe Jean-Claude Gallotta selon le journaliste Georges Bégou. Et ma foi, le spectacle Docteur Labus (1988) lui donne raison.
Quatre couples remontés comme des coucous suisses se télescopent sur scène. Accrochages et dérapages, étreintes et rejets, chair de poule et crise de nerfs... L'amour et le désir en voient de toutes les couleurs et sortent en pleine forme de ces échauffourées. Sous le titre énigmatique de Docteur Labus, personnage mexicain fantasmé pourvu de quatre femmes et quatre filles, ce spectacle chorégraphié en 1998 par Jean-Claude Gallotta rivalisait d'invention pour raconter les mystères du couple en surfant à toute allure sur une écriture bondissante. Le casting original, que l'on peut voir dans ce court reportage, a tatoué l'interprétation de ce spectacle, aujourd'hui au répertoire du Ballet de Lorraine. Mon premier (dansé par Mathilde Altaraz et Pascal Gravat) aime aveuglément ; mon second (Viviane Serry et Christophe Delachaux) fait dans l'amour-vache ; mon troisième (Deborah Salmirs et Eric Alfieri) ose le sado-maso ; enfin, mon quatrième (Muriel Boulay et Robert Seyfried) se régale de sa juvénile fraîcheur.
Avec Docteur Labus, Gallotta réussissait à faire surgir les fulgurances du désir mais encore ses hésitations, ses doutes, ses peurs. Il pointait aussi les violences secrètes, les jeux de pouvoir qui lient l'homme et la femme. Jonglant avec les stéréotypes masculin-féminin, ce chorégraphe de l'irrésistible attraction des corps racontait dans le même mouvement la beauté de l'amour et sa cruauté, sa servitude aussi parfois. Toujours libre dans son traitement frontal du sexe, de ses chemins conflictuels pour arriver à ses fins, il osait la crudité. Mettre la main au panier, puis se renifler les doigts, font partie des gestes de la vie ordinaire, celle qui ne craint pas le contact direct et les odeurs qui vont avec.
Jean-Claude Gallotta, qui aimait à l'époque s'inventer des fictions étranges soufflées par une langue imaginaire, racontait qu'il avait rencontré le docteur Labus au Mexique. Les quatre filles de cet aventurier seraient devenues les héroïnes de cette saga romanesque que l'écriture nerveuse de Gallotta emporte au triple galop. Deux ans après la création de Docteur Labus, Les mystères de Subal (subal et labus se regardent en coin) joue de nouveau la carte érotique sous la houlette frondeuse d'un Gallotta qui danse et cause au micro comme un faune en rupture de ban. La même année que Les Mystères de Subal, Gallotta présentait au Festival de Cannes son premier long-métrage Rei Dom et sortait son premier livre Mémoires d'un dictaphone. Triplette gagnante pour un homme qui rêvait de faire du théâtre, étudia aux Beaux-Arts de Grenoble avant de s'engouffrer dans la danse avec la complicité heureuse de la danseuse Mathilde Altaraz.
Lorsqu'en 2006, le Ballet de Lorraine accroche Docteur Labus à son repertoire, l'énergie farouche et l'écriture limpide de la danse explosent. Cette reprise, portée par de jeunes interprètes impeccables, rappelle en douce combien la rage et la sincérité des danseurs originels ont permis à ce spectacle de traverser le temps. Sur le même ton, quatre ans plus tard, le remontage par Gallotta de Daphnis et Chloé, trio créé en 1982 par le chorégraphe lui-même avec Mathilde Altaraz et Pascal Gravat, fait aussi un tabac. Il impose dans un tourbillon de sensations furtives son talent pour chorégraphier le désir franc et joyeux. En plein dans la tendance "retour aux joyeuses années 80" et à la "danse qui danse", selon la formule désormais consacrée, Daphnis et Chloé repart pour un tour de manège qui s'appelle l'amour. Qu'il s'agisse de Docteur Labus ou de Daphnis et Chloé, qui se sont engouffrés avec succès dans de nouvelles tournées en France et à l'étranger, Gallotta affirme son talent pour une danse écrite jusqu'au bout des cils.