Dans les pas d'Ulysse avec Jean-Claude Gallotta
Notice
A l'affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, en 1983, Jean-Claude Gallotta danse Ulysse (1091), son ballet blanc et succès international. De longs extraits de la pièce alternent avec des commentaires du chorégraphe.
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Éclairage
Les costumes blancs découpés, le souffle des danseurs, leur énergie nerveuse, la musique atmosphérique d'Henry Torgue et de Serge Houppin. Voir et revoir Ulysse (1981) - ici, avec un Gallotta plus frétillant et turbulent que jamais - n'épuise jamais sa richesse. Dans ce reportage, réalisé deux ans après la création de la pièce, le chorégraphe précise que ce spectacle est déjà "une synthèse de ce qu'il a fait, un lexique de son vocabulaire".
Ulysse, héros grec cher à Jean-Claude Gallotta, a donné son titre à l'une des pièces emblématiques du chorégraphe et plus largement de la danse contemporaine française. Régulièrement reprise, retaillée, transformée, elle scande son parcours avec la beauté fulgurante d'un éclat de soleil. En 1981, lorsque Gallotta lance sur le plateau ses vagues chorégraphiques sans cesse reconduites, il a quelques performances à son actif, revient tout juste de New-York où il a fréquenté, avec Mathilde Altaraz sa complice et sa muse, le studio de Merce Cunningham. Il fonce. Sur une musique originale d'Henry Torgue et Serge Houppin, Ulysse, hommage à Homère et à l'écrivain irlandais James Joyce, se veut "ballet blanc" dans tous les sens du terme. Les interprètes, crinière au vent, sont emportés par des tourbillons de gestes tous plus excités et gourmands les uns que les autres. Ils se jettent à l'assaut de l'espace comme pour bouffer le monde et encore davantage. Appétit, fougue, amour de la danse, cet Ulysse solaire possède le panache de l'aventurier amoureux de la vie. Gallotta signe une chorégraphie savante, réseau de diagonales qui se croisent et se décroisent au gré de contrepoints vifs comme des changements d'humeur. Il mène aussi sa troupe comme il le fera pendant toute sa carrière. Sa silhouette cassée, volontairement maladroite, bondit et sautille comme s'il avait le feu aux fesses. Irrésistible sa façon de "parler" en dansant comme si chaque mouvement, souvent bruité par ailleurs, racontait sa vie intérieure et ponctuait son flux mental. Gallotta rappelle aussi que la danse contemporaine, écriture d'une personnalité singulière, est affaire de souffle, de respiration profonde.
Les avatars d'Ulysse n'auront pas la même foi dans la beauté et l'avenir. Repris en 1984 pour les Jeux olympiques de Los Angeles, puis en 1993 pour le festival de Chateauvallon, le spectacle devient Les Variations d'Ulysse en 1995 dans une version lourde pour 47 danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris sur une nouvelle partition signée Jean-Pierre Drouet. Danse pure, abstraite et sensuelle à la fois, bâtie dans le moule des structures classiques grâce à Mathilde Altaraz, la chorégraphie de Gallotta aspire dans ses sillages tumultueux tous les interprètes. Lorsqu'en 2008, Gallotta accepte de confier sa pièce, un peu remaniée, à la troupe d'enfants et d'adolescents âgés de 7 à 14 ans dirigée par Josette Baïz, l'une de ses anciennes danseuses, il sait que sa fraîcheur nez au vent collera à merveille à l'élan juvénile parfois maladroit des gamins. Et ça marche! Non seulement les enfants de la compagnie Grenade endossent avec brio le style primesautier de Gallotta, mais ils imposent leur âge sans que le public en soit captif. La difficulté du style Gallotta, entre contrôle savant et versatilité jouée, trouve une nouvelle grâce. Lorsqu'en 2001, la compagnie retrouve l'esquif blanc d'Ulysse, c'est pour lui adresser une lettre nostalgique et un brin désenchantée sur ce qui est arrivé au monde sans qu'on l'ait vu venir. Cher Ulysse renvoie d'un grand coup de tête rageur les années 80 à leur euphorie et leur joie tandis que des ombres envahissent le plateau.