Régine Chopinot Végétal

19 mars 1996
03m 28s
Réf. 00910

Notice

Résumé :

A l'occasion de la programmation de Végétal, à la Maison de la danse, à Lyon, la chorégraphe Régine Chopinot évoque les circonstances de la création de ce spectacle.

Date de diffusion :
19 mars 1996
Source :
Artistes et personnalités :

Éclairage

Végétal, chorégraphié en 1995 par Régine Chopinot (née en 1952) marque un virage dans la carrière de cette personnalité majeure de la danse contemporaine. Après dix ans de collaboration fructueuse avec Jean-Paul Gaultier, la chorégraphe-directrice du Centre chorégraphique national de la Rochelle (de 1986 à 2008) troque sa somptueuse garde-robe contre une salopette de jardinier. Elle a fait appel au plasticien et land-artist britannique Andy Goldsworthy (né en 1956) pour inaugurer cette nouvelle ère. Ensemble, ils conçoivent Végétal, au carrefour du geste dansé et plastique, de la scène et de la nature, de l'artifice et de l'utile... Sur le plateau, les quinze danseurs enchaînent cinq tableaux dont les titres indiquent leur contenu : "Terre", "Pierre", "Racine", "Branche" et "Feuille". Ils dressent ainsi une colonne de galets dont l'équilibre précaire les oblige à la reconstruire sans cesse. Cette sculpture en direct opère en temps réel et déplace la notion de représentation vers celle de "travai". La danse évacue toute gratuité pour virer vers le geste pratique, concret, efficace.

Lors de la création de la pièce à la Rochelle, le public et les professionnels, désarçonnés par ce Chopinot nouveau, accueillirent froidement le spectacle. La chute des pierres, régulièrement entassées par les danseurs, avaient levé un vent d'impatience dans le public peu habitué à ces actions utiles. Régine Chopinot retrouvera Andy Goldsworthy en 1999 pour La danse du temps, chorégraphié pour Françoise et Dominique Dupuy, figures pionnières de la danse moderne en France. En 2008, c'est avec le plasticien et écrivain Jean-Michel Bruyère qu'elle imagine Cornucopiae, fresque sombre dans laquelle elle défigure les huit danseurs en leur faisant tenir une pelle devant leur visage. La même année, elle quitte la direction du CCN de la Rochelle où la remplace le chorégraphe hip-hop Kader Attou. Elle baptise sa nouvelle compagnie indépendante Cornucopiae.

Le trajet artistique de cet esprit libre et aventureux est l'un des plus stimulants de la scène contemporaine. Depuis ses premiers pas classiques, à l'âge de 5 ans, en Algérie, jusqu'à ses récentes installations plastiques, cette femme de tempérament a sans cesse relancé la donne. En 1985, elle accroche les danseurs dans le vide tels des voltigeurs dans Rossignol, flirte passionnément avec la mode pour Le défilé (1985) avec Jean-Paul Gaultier, s'entraîne à la boxe pour KOK (1988) (voir le document)... Toujours fonceuse et prête à tout, elle collaborera en tant qu'interprète avec Alain Buffard pour Wall Dancin' Wall fuckin' (2003). Auteur d'une quarantaine de pièces depuis la création de sa compagnie en 1978, elle a réalisé en 2010 une installation-performance danse et vidéo à partir de témoignages de gens qui ont vécu l'indépendance de l'Algérie en 1962. Autre virage esthétique et politique.

Rosita Boisseau

Transcription

(Musique)
(Bruit)
Laure Adler
Alors certains, en voyant ces images, ont pensé à l’architecture du cerveau. D’autres ont imaginé qu’il s’agissait de la construction d’un nid plutôt. Que s’est-il passé dans votre cerveau, Régine Chopinot, pour faire surgir justement ces constructions, ces espaces de rêves ?
Régine Chopinot
Il me semble que ce qui est important, pour moi en tout cas, lorsque que j’essaie de créer, c’est d’oublier. Pour essayer de rendre disponible à l’intérieur de moi, des espaces dans lesquels, si c’est par la volonté que j’aimerais y aller, je sais que je n’y arriverai pas. Donc, sans cesse, l’enjeu de la création, c’est de me mettre dans une situation où l’aléatoire est suffisamment grand, pour que les choses qui.... C’est comme créer un espace vide à l’intérieur de moi, pour que ce qui va se mettre dedans, l’espace de la création, ce sont des choses qui m’échappent totalement. Et qu’ensuite, il y a tout le travail de, c’est comme si c’était le public et votre regard qui me donnait en fait cette mémoire que je cherche. Donc c’est un jeu très étrange et assez magique entre la volonté vraiment d’oublier, de se mettre dans des situations où souvent, enfin dans la vie, on veut toujours essayer de cibler, je veux dire, d’être. Et plutôt moi, ce que je cherche à faire, c’est de me mettre au carrefour de plein de choses différentes et opposées et complémentaires, pour essayer d’ouvrir cet espace en moi. Et c’est vrai que ça m’échappe totalement à ce moment-là ce que je fais, et je crois que cet enjeu-là qui est important, et c’est…. Moi, je sais ce que je fais et je crois, plus c’est important.