Divertimento de Jean Babilée

Atypique. Tel est le danseur et l'homme Jean Babilée. Hors des normes et des modes, touche-à-tout épris de liberté, passionné autant par la danse que par les motos. Il fonce en prenant son temps, en parfait équilibre, maître de son temps et de son corps.

Né le 3 février 1923, Jean-Babilée est petit rat à l'Opéra de Paris de 1936 à 1940, avant d'être engagé en 1943 dans le corps de Ballet, où il se lie d'amitié avec Roland Petit. Celui-ci, d'un an plus jeune, devine déjà tout le potentiel de celui qui sera son Jeune Homme et la Mort en 1946. Mais réduire la carrière de Jean Babilée à ce seul succès cosigné par Jean Cocteau serait méconnaître l'artiste (Voir Le Jeune Homme et la mort de Roland petit avec Zizi Jeanmaire et Rudolf Noureev).

A 21 ans Jean Babilée signe sa première chorégraphie Sérénité, un pas de deux qu'il interprète avec sa future femme et partenaire Nathalie Philippart, aux soirées organisées par Irène Lidova au Théâtre Sarah Bernhardt en 1944.

L'année suivante il est l'acrobate des Forains de Roland Petit et participe à la création des Ballets des Champs Elysées où il triomphe en brillant Joker du Jeu de cartes de Janine Charrat.

Après la création du Jeune Homme et la Mort de Roland Petit et Jean Cocteau, Babilée quitte la compagnie pour fonder « Les Ballets de Paris » où il remporte encore de grands succès, notamment avec La Rencontre ou Oedipe et le Sphinx de Lichine, avec Leslie Caron en Sphinx, dans un décor de Christian Bérard. Cocteau lui fournit l'argument de L'Amour et son Amour qu'il chorégraphie et danse avec Nathalie Philippart. Succès encore comme danseur et chorégraphe avec Till Eulenspiegel, aux Champs Elysées, et après quelques spectacles à Londres et à Florence, il règle ce pas de deux Divertimento qu'il crée avec Janine Monin au Casino d'Enghien en 1954. Un divertissement plus jeune que nouveau, et qui parait bien néo-classique aujourd'hui, se déroulant selon le schéma traditionnel : Adage, variations et coda.

En revanche Jean Babilée imagine un très charmant ballet l'année suivante, Balance à trois, qu'il crée avec Yvette Chauviré et Alexandre Kalioujny à Monte-Carlo. Dans une salle de gymnastique où s'égare une jeune danseuse, deux athlètes musclés, rivalisent de force et d'adresse pour séduire l'intruse. Ce ballet est souvent repris : par Wilfride Piollet, Jean Guizerix et Patrice Bart à l'Opéra-Comique, puis par diverses compagnies à Cannes, Roubaix etc....

Au cours d'une carrière en zig-zag, Babilée passe deux ans à l'American Ballet Theâtre à New York, revient en danseur étoile à l'Opéra de Paris pour triompher dans Le Spectre de la Rose et créer Hop Frog conçu pour lui par Harald Lander. Il est la vedette d'un ballet de Massine mis en scène par Visconti à la Scala de Milan, retrouve Visconti à Berlin, puis prend un nouveau virage. Et c'est en habit de comédien qu'on le retrouve jouant Tennesse Wiliams à l'Athénée avec Arletty dans une mise en scène de Raymond Rouleau, puis Le Balcon de Genet avec Marie Bell dans une mise en scène de Peter Brook au Gymnase, et encore La Reine verte de Béjart à Hébertot avec Maria Casarès.

Dans toutes ses pérégrinations il faut citer L'Histoire du Soldat de Ramuz, qu'il part jouer un peu partout en tournée sur sa moto, dans des mises en scène différentes.

Enfin il crée à 56 ans Life de Maurice Béjart à New-York et en tournée, le reprend à l'Opéra de Paris en 1980 et en 1991 avec Pietragalla au Théâtre des Champs Elysées (Voir Jean Babilée danse sa vie (Life) selon Béjart). A 72 ans il se produit à la Villa Borghèse à Rôme avec Natalia Makarova, et la même année 1995 crée au Théâtre National de Chaillot Vita Nova taillé sur mesure par Maurice Béjart, pour commencer une nouvelle vie et une nouvelle tournée européenne....

Le temps n'a pas prise sur cet éternel Jeune Homme....