Le Ballet-Théâtre de Maurice Béjart au Théâtre des Champs Elysées
Notice
Micheline Sandrel interviewe Maurice Béjart avant que le rideau du Théâtre des Champs-Elysées ne se lève sur la première représentation du Ballet-Théâtre de Maurice Béjart. Le chorégraphe - magnifique regard dans un beau visage souriant - parle de quelques unes des œuvres inscrites au programme, dont un La Mer sur un texte de lui et dit par lui «en langue marseillaise» ! La présentatrice évoque le déjà fameux Orphée, ballet total sur la musique de Pierre Henry. Le chorégraphe montre deux extraits de ses chorégraphies : Concerto, pas de deux sur une musique classique d'Albinoni, dansé par le tout jeune Patrick Belda et Evelyne Maubert. Puis Maurice Béjart interprète avec Tania Bari aux longs cheveux un extrait de Etudes Rythmiques, sur des musiques de jazz.
Éclairage
Né le 1er janvier 1927 à Marseille, fils du philosophe Gaston Bergé, Maurice Béjart a commencé a étudier la danse à 14 ans sur les conseils d'un médecin, le jeune garçon étant beaucoup trop maigre par rapport à sa taille. Il n'en continue pas moins des études universitaires et monte à Paris où il décroche deux certificats de licence, en psychologie et en esthétique. Ce n'est qu'à 18 ans qu'il s'oriente vers la carrière de danseur.
En 1948 il intègre pour un an Les Ballets de Paris de Roland Petit, et tente de s'essayer à la chorégraphie mais Roland Petit ne l'encourage guère... Maurice Béjart danse un an à l'International Ballet à Londres puis à l'Opéra de Stockholm. C'est en Suède qu'il fait ses débuts de chorégraphe pour un film romancé intitulé L'Oiseau de feu.
La chance lui sourit avec la rencontre du critique Jean Laurent qui croit en son talent, et l'engage à constituer une petite compagnie qui se produit l'été dans un très modeste théâtre près de l'avenue de Wagram, le Théâtre de l'Etoile. La compagnie prend le nom de Ballet de l'Etoile, et les premiers résultats sont peu concluants jusqu'au jour où Maurice Béjart découvre à la radio la musique électronique de Pierre Schaeffer. Il décide aussitôt de créer un ballet dont il demande à Pierre Schaeffer et Pierre Henry de lui écrire la musique. Et c'est Symphonie pour un homme seul, ballet d'avant garde créé le 30 juillet 1955 au Théâtre de l'Etoile, qui remporte un grand succès auprès d'un public averti et de la critique. Mais la troupe doit tourner pour vivre, et Maurice crée quelques œuvres importantes comme Haut voltage en 1956 à Metz ou Sonate à trois d'après Huis clos de Sartre en 1957 à Essen.
Cette même année le producteur Henrique-Pimentel s'intéresse à l'œuvre de Béjart et après avoir dissous le Ballet de l'Etoile, les deux hommes fondent «Le Ballet-Théâtre de Maurice Béjart ». Et pour frapper un grand coup ils décident de louer pour une semaine en mars 1959 le prestigieux Théâtre des Champs Elysées.
Au programme, Symphonie pour un homme seul, Pulcinella, Arcane II, Haut Voltage et Orphée, drame chorégraphique en deux actes et huit tableaux, musique concrète de Pierre Henry, décors et costumes de Rudolf Küfner. Un spectacle total qui mélange textes et musique, théâtre et danse pendant toute la soirée.
Cet unique passage du Ballet-Théâtre de Maurice Béjart au Théâtre des Champs Elysées ne passe pas inaperçu. Au même moment, un nouveau directeur, Maurice Huisman, est nommé pour un an à la tête de l'Opéra de la Monnaie de Bruxelles qu'il est chargé de faire revivre. Maurice Huisman intéressé par les audaces de Béjart, lui commande un ballet choc pour la fin de cette année 1959. Maurice Béjart qui rêve depuis longtemps de faire revivre Le Sacre du printemps de Stravinski réunit les quinze danseurs de son Ballet-Théatre, les meilleurs éléments du Ballet de la Monnaie, le Western Theater Ballet et la petite compagnie de Milorad Miskovitch. Le triomphe du Sacre du Printemps avec Tania Bari et Germinal Cassado le 8 décembre 1959 consacre définitivement le chorégraphe Maurice Béjart et consolide dans son poste Maurice Huisman pour de longues années.
Le Ballet-Théâtre de Maurice Béjart disparaît après son unique saison au Théâtre des Champs-Elysées pour laisser place au célèbre Ballet du XXe siècle à Bruxelles, pendant deux glorieuses décennies. La France perd pour toujours l'un des plus grands chorégraphes de sa génération.