Ubu et Polichinelle
Notice
A l'occasion de la création du spectacle en cinq tableaux, Ubu Installations, en 2002, Cyril Bourgois, marionnettiste et metteur en scène dans la compagnie pUnChiSnOtdeAd, évoque la filiation du personnage de Polichinelle à travers celui d'Ubu inventé par Alfred Jarry. Il fait une courte démonstration de manipulation de trois marionnettes à gaine, dont celle de la mort, célèbre protagoniste des spectacles de Polichinelle, appelé Punch en Angleterre et Pulcinella en Italie.
- Europe > France > Centre > Loiret > Meung-sur-Loire
Éclairage
Polichinelle, un des types les plus populaires de marionnette à gaine avec Guignol, est une adaptation française du Pulcinella italien, personnage de la Commedia dell'Arte napolitaine interprété soit par un acteur soit par une marionnette. Sa présence en France n'est attestée qu'à partir du montreur Brioché (pseudonyme de Jean Datelin), exerçant à Paris au XVIIe siècle au bas du Pont-Neuf. Il perd alors son demi-masque, change de costume et acquiert deux bosses, l'une sur le ventre, allusion à une sexualité débridée ou évocation de la cuirasse bombée des gens de guerre, l'autre dans le dos, attribut coutumier de la farce. Son nez devient crochu et son menton en galoche. Cette marionnette, dont le comportement tyrannique, grossier et vulgaire, transgresse tous les interdits, est énormément utilisée dans le théâtre de la foire du XVIIIe siècle. Elle est manipulée dans la rue ou sur scène selon différentes techniques : la tringle, les fils ou la gaine, et ses histoires sont jouées à partir de canevas dont les trames sont restreintes. Dans une escalade de combats contre la bienséance, la loi, la justice et leurs sanctions, Polichinelle finit par affronter la Mort et en sort vainqueur.
Sa voix nasillarde et suraiguë est traditionnellement rendue par la « pratique », petite pièce de métal ou d'os placée sous la langue du manipulateur, qui fait vibrer les sons à la limite du compréhensible.
Au XIXe siècle, Polichinelle est de plus en plus une marionnette à gaine et il devient un personnage emblématique pour les écrivains (Nodier, Banville, Nerval, Baudelaire ou Mallarmé). Maurice Sand le met en scène au château de Nohant et Louis Edmond Duranty lui écrit vingt-quatre pièces féroces pour un répertoire qu'il joue lui-même dans le jardin des Tuileries. A la fin du siècle, Alfred Jarry parodie évidemment Macbeth en écrivant Ubu roi, mais il s'inspire également des stylisations et grossissements du théâtre populaire de marionnettes et de l'esprit de dérision de Polichinelle. Mère Ubu dit elle-même : « Mais je voudrais bien savoir ce qu'est devenu mon gros polichinelle, je veux dire mon très respectable époux. »
Par la suite, détrôné de la plupart des castelets par la figure moins inquiétante de Guignol, le personnage traverse quelques décennies difficiles. Cependant, les Gentleur, au Théâtre de Marionnettes des Champs Élysées, continuent à lui donner vie.
Le renouveau actuel de l'intérêt pour Polichinelle et son profil moralement irrécupérable passe d'abord, dans les années 1970 et 80, par le travail de deux compagnies : le Théâtre aux Mains nues d'Alain Recoing (voir la vidéo), et la compagnie Cirkub'U d'Alain Le Bon et Michelle Gauraz, qui voyait, comme son nom l'indique, beaucoup de liens entre Polichinelle et Ubu. Ils transmettent leur passion et leurs compétences (Michelle Gauraz était une remarquable manipulatrice) à des plus jeunes qui apprennent également auprès de maîtres italiens ou anglais. Ils sont nombreux, sortis de l'École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette, comme Cyril Bourgois, ou de formations diverses à réinscrire Polichinelle sur la scène contemporaine