Elisabeth Schwarzkopf à Versailles
Notice
À l'occasion de la réouverture de l'Opéra royal de Versailles le 30 juin 1971, la soprano allemande Elisabeth Schwarzkopf donne un récital de Lieder accompagnée par le pianiste Aldo Ciccolini. Un Lied de Hugo Wolf est suivi d'images de tout le cérémonial de préparation qui le précède, de la recherche minutieuse du meilleur emplacement sur la scène, au choix de sa robe, pour lesquels Walter Legge - son mari et mentor - est l'indispensable conseil.
Éclairage
1971 : l'année de ce récital donné à l'Opéra royal de Versailles, Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006) abandonne la scène lyrique, où elle a pris le rang de plus célèbre soprano allemand des années cinquante et soixante. Sa carrière commence en 1938, à Berlin, sous la baguette de Karl Böhm, quand elle chante l'une des Filles-fleurs de Parsifal. Tout en se perfectionnant chez Maria Ivogun, elle chante bientôt La Chauve-souris à l'Opéra de Paris occupé en 1941, donne son premier récital de Lieder en 1942, débute à l'Opéra de Vienne en 1944. Après son procès en dénazification, elle est remarquée par le producteur britannique des disques HMV Walter Legge, qui devint son Pygmalion, et l'épouse finalement en 1953. Sa carrière, par l'intermédiaire de ses prestigieux enregistrements HMV / La voix de son maître, devient vite internationale, et la mène du Covent Garden de Londres au Festival de Salzbourg, du Festival de Bayreuth à La Scala, de Milan, de La Fenice de Venise - où elle crée en 1951 The rake's progress d'Igor Stravinski - au Metropolitan de New York. Au début des années cinquante, elle abandonne rapidement son répertoire de soprano colorature (Oscar, Zerbinette, Rosine, Blondchen) pour Mimi, Violetta, Marcelline, Mélisande, Alice Ford, Marguerite, mais aussi Wagner (Eva, Elisabeth, Elsa), et surtout les grands rôles mozartiens qui la rendent célèbre partout dans le monde (Suzanne, puis Fiordiligi, Elvira, Pamina) et en particulier à Salzbourg, dont elle est l'une des stars de 1947 à 1964. Dans les années soixante, elle se consacre uniquement à ces derniers rôles, ainsi qu'à ses deux rôles straussiens fétiches, La Maréchale du Chevalier à la rose - dont un film célèbre avec Herbert von Karajan à Salzbourg rend compte - et la Comtesse de Capriccio, rôle qu'elle interprète aussi à Paris en 1962.
Perfectionniste absolue, elle doit, comme Dietrich Fischer-Dieskau, remettre la culture du Lied allemand au rang des nécessités du goût musical contemporain : chacun de ses récital annuels, à Salzbourg, à Londres, à Paris est un événement, qui ne fait pas peu pour la reconnaissance de l'univers romantique fort séduisant de Schubert ou Schumann, mais aussi de ceux plus difficiles d'abord de Richard Strauss et surtout de Hugo Wolf.
Après 1971, elle se consacre exclusivement au Lied, où ses accompagnateurs sont soit Gerald Moore, baptisé « le prince des accompagnateurs », soit de grands solistes comme Aldo Ciccolini qui l'accompagne ici à Versailles. Elle quitte définitivement l'estrade du récital en 1979 à la mort de son époux - à qui elle consacre un livre sous le titre clin d'œil La voix de mon maître - pour se consacrer à l'enseignement. Le document filmé à Versailles montre très exactement le rôle de Walter Legge, toujours à l'écoute de la moindre imperfection, et attentif aux petits détails d'un art tout de composition maîtrisée, qui n'empêche pas de trouver un naturel exquis à la moindre de ses interprétations, comme en témoigne le Lied Wenn du zu den Blumen gehst de Hugo Wolf qu'on entend ici.