Jane Fonda at the 1978 Cannes Festival

28 mai 1978
13m
Ref. 00192

Information

Summary :

Jane Fonda, who has come to Cannes to present the Hal Ashby film "Coming Home", talks about the subject of the film, the former soldiers who came home from Vietnam mutilated or handicapped. She then talks about her political activities throughout her life.

Media type :
Broadcast date :
28 mai 1978
Source :

Transcription

Michel Drucker
Jane Fonda a tenu sa promesse. Elle avait dit qu'elle viendrait à Cannes pour parler du film de monsieur Ashby "Coming Home", "Retour", qui est un film important. Et elle me rappelait, avant que la caméra ne revienne sur nous que pour un autre film, elle ne serait peut-être pas venue. Ce film est beaucoup plus important, pour vous, que tous les autres, même "Julia". Car "Julia", c'est un film d'actrice, alors que "Coming Home", c'est un autre film pour vous ?
Jane Fonda
C'était un travail d'amour qui a duré cinq ans, et c'est un film qui me touche profondément.
Michel Drucker
Alors, pour rafraîchir, peut-être, la mémoire d'une certaine génération, je parle des français, on peut peut-être dire ce qu'est ce film, "Coming Home", dont la toile de fond, c'est le Viêt-Nam. Vous savez que les français ont eu, eux aussi, une guerre qui les a beaucoup marqué, il y a quelques années. C'était la guerre d'Algérie. Est-ce que le Viêt-Nam, pour les américains de la jeune génération, dix ans après, ça veut encore dire quelque chose ? Est-ce qu'ils se sentent concernés, les jeunes américains ? Et est-ce que ce film va les faire réfléchir, dix ans après ?
Jane Fonda
D'après les réactions qu'on a déjà eues aux Etats-Unis où le film est sorti depuis trois mois, d'après les lettres que je reçois, comme je n'ai jamais reçu depuis tous les trente films que j'ai faits, oui, le film touche profondément, et fait réfléchir les gens. Ils se demandent où ils étaient en 68, et pourquoi ils n'ont pas compris davantage. Pas seulement la guerre mais le problème des anciens combattants qui existe toujours. Mais aussi, c'est un film sur les gens handicapés et ça fait réfléchir aussi sur ces gens-là, et les problèmes, et le fait que malgré le fait qu'ils soient peut-être paralysés ou dans des chaises roulantes, ils sont des gens sexuels, des gens avec tous les problèmes, les joies, les douleurs de nous tous.
Michel Drucker
Indépendamment du problème politique du film et du Viêt-Nam, est-ce que vous aviez déjà réfléchi, avant ce film, sur les problèmes des handicapés physiques et des paraplégiques ? Vous en aviez rencontré, avant ?
Jane Fonda
Oui, j'ai connu des soldats qui sont revenus du Viêt-Nam, paralysés. Et c'est d'ailleurs à cause de mes contacts avec eux et mes expériences avec ces gens-là que je voulais faire un film sur ce sujet. J'ai connu un soldat qui était paralysé d'ici en bas, et qui m'a dit : " J'ai perdu mon corps mais j'ai gagné ma tête et mon esprit ". Et ça m'a fait réfléchir que quelquefois, ce n'est pas les blessures physiques qui sont les plus graves. Si des gens blessés de corps peuvent avoir le courage de regarder avec une optique plus objective la guerre, ils peuvent dire : " Peut-être, j'ai eu tort ", tandis qu'il y a des soldats qui sont revenus avec le corps intact mais qui gardent encore le mythe de ce que c'est d'être un héros, d'un homme fort et tout ça.
Michel Drucker
Dans ce film, "Coming Home", de monsieur Ashby, Sally, c'est une petite bourgeoise californienne qui prend conscience des réalités d'une certaine vie et des problèmes graves, notamment ceux des combattants du Viêt-Nam, et qui change complètement sa façon de penser au contact de ces anciens combattants. C'est un petit peu ça. Est-ce qu'on peut considérer qu'à la fin de ce film, elle n'est plus tout à fait la même qu'elle était au début ?
Jane Fonda
Je crois qu'elle change un petit peu.
Michel Drucker
Seulement ?
Jane Fonda
Elle change. Elle va peut-être de A à C ou D.
Michel Drucker
Oui ?
Jane Fonda
Elle n'est jamais quelqu'un de politisé. Elle n'est jamais quelqu'un qui pouvait expliquer d'une façon sophistiquée ses pensées sur la guerre. Mais je crois que c'est un portrait assez réel de ce genre de femme.
Michel Drucker
Alors, avant de voir un deuxième extrait du film "Coming Home", je voudrais, maintenant, bavarder avec monsieur Ashby qui n'est pas un inconnu de Cannes, puisque l'année dernière, nous avions longuement parlé de son film, "Bound for Glory", qui était un hommage à Woody Guthrie. For this film, how did you work with mister Salt, with mister Jones and did Jane work on the script with you ? Est-ce que Jane a beaucoup travaillé ?
Hal Ashby
(Traduction) Oui. Elle dit que non, je sais, mais elle a travaillé tous les jours. (Traduction) Avant le tournage, non. (Traduction) Jane n'était pas là. (Traduction) Elle tournait Julia. (Traduction) Mais on parlait ensemble. (Traduction) Dès le début du tournage, on travaillait tous les jours sur le scénario, avec Jane et tous les acteurs, moi-même, et avec n'importe qui avait une bonne idée.
Jane Fonda
(Traduction) Beaucoup de soldats aussi.
Michel Drucker
Je voudrais savoir comment vous avez choisi les acteurs, indépendamment de Jane. Je voudrais parler de monsieur Voight et de Bruce Dern. How did you choose your actors, particularly mister Voight and Bruce Dern.
Hal Ashby
(Traduction) C'était le résultat de beaucoup de réflexion sur le choix sur le choix, ceux qui pouvaient le faire le mieux.
Michel Drucker
Was this film very difficult for you, technical.
Hal Ashby
(Traduction) Techniquement, non.
Michel Drucker
Je demande si le film a été techniquement très difficile pour monsieur Ashby.
Hal Ashby
(Traduction) Donc, techniquement, non. (Traduction) Le plus dur était l'émotion. (Traduction) Pendant les longues heures de montage, j'étais émotionnellement épuisé. (Traduction) C'était mon souvenir de la partie la plus dure, le plus difficile. (Traduction) Il y avait des difficultés tous les jours, et ça variait.
Michel Drucker
Nous allons voir un extrait, a second clip of your film. C'est la séquence quand Luke vient chez vous, quand vous l'invitez à déjeuner ou à dîner.
Interwiewé
[Anglais]
Michel Drucker
Jane Fonda, pour tourner ce film, est-ce que toute l'équipe de monsieur Ashby a été aidée, a bénéficié d'une collaboration positive du gouvernement américain ?
Jane Fonda
No. On n'a eu aucune coopération du gouvernement. On aurait voulu travailler en collaboration avec l'administration des anciens combattants, mais c'était seulement une fois que toutes les séquences, dans les hôpitaux, étaient terminées que le président Carter à changé le directeur de l'administration des vétérans. Et le nouveau directeur était, lui-même, un ancien combattant du Viêt-Nam, qui a perdu son bras et ses deux jambes. Il a vu le film et il a dit que c'est le film le plus important au sujet des handicapés et les anciens combattants. Il nous a demandé de rendre beaucoup de copies en 16 millimètres pour montrer dans les hôpitaux, pour les anciens combattants.
Michel Drucker
Jane Fonda, pour les européens, vous êtes, depuis une dizaine d'année, une actrice qui s'est complètement engagée et qui a même changé d'orientation en ce qui concerne sa carrière, car vous aviez des choses à dire, et vous pensiez très important, dans votre vie, de dire ces choses et d'être une militante. Vous m'aviez dit, tout à l'heure, que si c'était à refaire, (mais avec des " si ", on pourrait dire beaucoup de choses), vous auriez commencé à militer encore plus tôt. Ça veut dire que vous auriez commencé quand vous étiez encore étudiante ? Si vous aviez pu, vous vous seriez engagée, politiquement, beaucoup plus tôt ?
Jane Fonda
Naturellement, on n'est jamais content d'avoir perdu du temps, dans la vie. Mais je suis produit des années 50, j'étais adolescente dans les années 50, c'est-à-dire la Guerre froide, l'ère de Mac Carthy. Et c'était très difficile. Il n'y avait que des génies ou des visionnaires. Et je ne suis ni l'un, ni l'autre.
Michel Drucker
Vous savez que beaucoup d'acteurs français, quand on leur pose cette question, répondent que la politique et le cinéma ne sont pas faits pour s'entendre. Beaucoup d'acteurs ne veulent pas que leurs rôles soient des rôles marqués politiquement avec une étiquette politique. Bien entendu, vous ne partagez pas du tout cette opinion. Vous pensez qu'il est important, dans la mesure où on est un acteur célèbre, une personnalité célèbre, se servir de cette popularité, de cette efficacité pour faire passer des idées. C'est toujours votre opinion ?
Jane Fonda
A mon avis, tous les films sont politiques. Dans le sens où ils créent la conscience d'un pays. Il y a un lien entre la coupure et la façon dont on s'interprète, sa position vis-à-vis du monde. Alors, on peut choisir d'utiliser la position culturelle d'une façon irresponsable ou responsable. Alors, je préfère le deuxième choix.
Michel Drucker
Mais si votre engagement politique et votre rôle politique que vous jouez maintenant mettait en péril votre carrière de comédienne ?
Jane Fonda
Ça s'est déjà passé.
Michel Drucker
Ça s'est déjà passé ? Et ça ne vous a rien fait ? Je veux dire, ça ne vous a pas inquiétée outre mesure ? Vous vous êtes dit : " Si je ne peux plus faire ce métier de comédienne, tant pis " ? C'était sans regret ?
Jane Fonda
Non, ce n'était pas sans regret, ce n'était pas " tant pis ". J'aime bien mon métier et je trouve que je le fais de mieux en mieux. Mais si je devais choisir, je préfère... je préfère ne pas compromettre mes idées sociales et politiques et de ne plus travailler, si je ne peux pas, dans mon métier, exprimer mes idées sociales. Mais vous avez demandé, tout à l'heure, à Hal Ashby s'il était militant. Si j'ose dire encore une chose, le grand génie de Hal, et je trouve qu'il a beaucoup de génie, et la force de beaucoup de cinémas américains, c'est qu'il arrive, et "Le Retour" est un exemple, à transmettre des idées importantes, mais dans un contexte pas sectaire, pas didactique mais très humain. Il est surtout humain. Et le mot " militant ", tant que c'est utilisé en Europe, ce n'est pas son genre.
Michel Drucker
Absolument, oui. Je comprends, oui. C'est plus sentimental ? C'est un côté plus affectif ?
Jane Fonda
Il faut voir "Retour", parce que c'est tout Hal Ashby.