Serge Toubiana
(...) Vraiment, vraiment, plus que comblé de parler du film d'André Téchiné, "Les Roseaux sauvages", parce que hier, ça a été un petit peu, je dois dire, un moment exceptionnel à Cannes, dans une salle qui s'appelle la salle Debussy, donc réservée aux projections d'Un Certain Regard.
Et je crois qu'il y a eu vraiment un moment d'une intensité assez incroyable, entre le public et le film, ça a été je crois, un des films les plus aimés.
Enfin pour ce qui me concerne, je dois vous le dire, André Téchiné, c'est peut-être le plus beau film de Cannes.
Inconnu
Alors, Renoir et vous, je ne veux pas vous embêter avec des grosses étiquettes comme ça, mais moi j'ai vraiment le sentiment que là, Renoir, il est...
Vous n'êtes pas loin.
André Téchiné
Oui, enfin ça, je ne me rends pas compte, enfin en tout cas je n'y ai pas pensé.
Moi, je n'ai pas du tout placé ce film sous la tutelle d'un grand cinéaste que j'admire, que j'admire par ailleurs.
Mais, enfin, si je vois un point commun, enfin c'est pas dans l'amour de la campagne, comme ça, ou des paysages comme ça, qui sont, je crois, présents dans le film, mais c'est dans le thème, un peu, du dépaysement humain, oui.
Serge Toubiana
Vous êtes là avec Gilles Taurand, un de vos deux, complice et scénariste...
J'ai envie de vous poser une question.
Je crois savoir que ce film, c'est un peu une commande, c'est-à-dire qu'on vous a dit, on vous a proposé un thème, qui serait, en gros, quoi, la jeunesse, l'année du bac...
André Téchiné
Oui, c'est ça, c'est Chantal Poupaud qui m'a proposé de faire un film, donc, sur l'adolescence, et ça fait partie d'une série.
Et chaque cinéaste devait choisir sa décennie, donc moi j'ai choisi les années soixante parce que ça correspond, évidemment, à ma propre adolescence.
Mais sans cette commande, je crois que je n'aurais jamais pensé, je ne sais pas, écrire des mémoires ou quelque chose de ce style, quoi.
Mais dès qu'elle me l'a proposé, c'est venu très vite, on a travaillé très, très rapidement, parce qu'il suffisait de tirer les fils.
Je crois que je n'ai jamais écrit un scénario, justement, aussi rapidement.
Il y avait une espèce d'euphorie, tout à coup.
Serge Toubiana
Gilles Taurand, est-ce que le fait que ce soit une commande, est-ce que ça a libéré quelque chose, chez André ?
Gilles Taurand
J'ai vraiment l'impression que, paradoxalement, le fait que ce soit une commande - avec relativement peu de contraintes, puisque la seule véritable contrainte qu'il y avait, outre le fait qu'il fallait situer le scénario dans une décennie particulière,
c'était qu'il y ait une boum, et disons une fête, et cette fête, Chantal Poupaud ne donnait pas d'indication particulière, elle pouvait durer deux minutes ou trente minutes, on était parfaitement libres -
et donc, je crois que ces contraintes, on les a très très vite dépassées, d'autant plus vite que je crois que le scénario, comme le disait André à l'instant, a été écrit dans un temps relativement record.
La première moitié en cinq-six jours, et puis après, effectivement, poussé par la nécessité, disons, et le travail sur les personnages, je crois qu'au bout de trois semaines, on avait terminé.
André Téchiné
Et c'est très rigolo, parce que, en fait, la seule contrainte qu'on avait, c'était la fête, et on s'est rendu compte, quand on a terminé le scénario, qu'on avait oublié la fête.
Alors on a absolument inséré une, enfin...
une surboum comme il y en avait à l'époque, quoi, dans une scène qui n'avait rigoureusement rien à voir quoi, c'était rigolo.
Serge Toubiana
Bernard, vous vouliez dire quoi ?
Bernard Giraudeau
Non mais je dis c'est formidable, parce qu'on peut faire un grand film, effectivement, en écrivant en six jours, sept jours, enfin ou quinze jours, je ne sais pas comment ça s'est passé par la suite...
Serge Toubiana
Mais ça, s'est pour la petite histoire.
Bernard Giraudeau
C'est la petite histoire, mais qui est vraiment importante.
Ca ne veut rien dire, quoi.
Tout ça ne veut rien dire.
Cette notion de travail sur le scénario pendant des mois, des mois...
Et puis, je ne sais pas, vous avec tourné longtemps ?
Je pose la question, vous avez tourné combien de semaines ?
André Téchiné
Ben on a tourné, on a tourné une grande partie, une grande partie de l'été.
On a dû tourner huit semaines, ou un peu plus.
Bernard Giraudeau
Huit semaines...
Serge Toubiana
Jean-Michel Frodon, est-ce que vous avez vu le film ?