Claude Sérillon
...
Je vais, maintenant, aller rejoindre deux membres du jury.
Ils sont dix et je vais rejoindre Barbara Hendricks et Jeff Goldblum qui nous attendent au bord de la piscine de cet hôtel Majestic.
Il y a donc dix membres de ce jury.
Pendant douze jours, ils vont donc voir quelque chose comme vingt deux films.
Le président du jury, c'est David Cronenberg qui est canadien.
Barbara Hendricks représente la Suède et Jeff Goldblum représente les Etats-Unis.
Barbara Hendricks, bonsoir.
Qu'est-ce qui fait que vous avez accepté d'être au festival de Cannes ?
Parce que je sais que vous êtes très éclectique.
Vous savez, évidemment, chanter.
Vous savez danser, ça, je le sais, et vous êtes aussi ambassadrice pour les Nations Unies, on en parle dans quelques instants.
Pourquoi vous avez accepté d'être dans ce festival ?
Barbara Hendricks
Ce que j'ai toujours fasciné par le cinéma, quand j'ai découvert assez tard, le cinéma, ça m'a toujours fasciné, c'est ces moments de rêve.
Mais aussi, j'ai fait un peu de cinéma.
Claude Sérillon
Oui, vous avez joué dans "Mimi", c'est ça ?
Barbara Hendricks
Oui. Dans "La Bohème".
Mais aussi le travail que je fais, c'est juste une autre technique, de chanter la musique, c'est aussi passer les émotions, passer les messages qui ne sont pas les miens.
Je ne suis pas la réalisatrice de la musique que je chante parce que c'est déjà fait par le compositeur.
Mais ma tâche, comme artiste, c'est d'être instrument des émotions et, je crois, de nous unir dans les moments où on reconnait que nous sommes des êtres humains.
Et moi, je trouve que la musique a vraiment une force formidable, et surtout, la voix humaine, pour faire ça.
Mais ça existe dans tous les arts.
Claude Sérillon
Alors, vous suivez l'actualité, ça, je le sais, d'une manière importante.
Vous êtes ambassadeur de bonne volonté du HCR.
Vous êtes au courant de ce qu'il se passe au Kosovo.
Est-ce qu'il n'y a pas un formidable décalage ?
On est ici, on voit des gens qui sont bien habillés, qui sont chics, qui mangent bien, et tout, et puis vous avez vu, les reportages, dans ce journal, des gens qui crèvent de faim.
Comment est-ce que vous vivez cette double situation ?
Barbara Hendricks
Ma vie est toujours comme ça.
Quand je chante les concerts dans les salles comme la Scala, au théâtre des Champs Elysées, à Paris, à New York, au Japon, et quand même, la souffrance continue, dans le monde, et je continue aussi mon engagement.
S'il y a quelque chose, là, que je dis, je reçois les rapports, tous les jours, du Kosovo du HCR.
Je parle avec les gens à Genève, et aussi à New York.
S'il y a un message que je peux passer, qui est très important, qui est les fonds qui étaient promis pour l'HCR, pas encore arrivés, ils ont besoin de ces fonds et ils ont besoin, surtout, des tentes pour les gens aussi, c'est très très important, ils n'ont pas assez de tentes parce qu'ils ont besoin des grandes tentes comme pour l'armée.
Et c'est très important.
Mais surtout, que les fonds qui étaient promis par les gouvernements, je dis...
Claude Sérillon
N'ont toujours pas été versés ?
Barbara Hendricks
Beaucoup, beaucoup.
Et ça manque parce que comme on voit tous les jours, il y a urgence.
Je reste consciente de ce qu'il se passe dans le monde mais je crois qu'on ne peut pas arrêter de vivre.
Si j'avais la possibilité d'arrêter la guerre toute seule, j'aurais déjà fait arrêter Milosevic quand j'étais à Dubrovnic, en 90.
Mais je continue de lutter à ma façon, et même ici, au festival de Cannes, parce que les artistes sont les gens qui parlent de l'intolérance, qui parlent de l'amour, qui parlent des choses qui sont très importantes pour la vie.
Et on ne peut pas arrêter de vivre.
Et il ne faut pas non plus arrêter de militer.
Claude Sérillon
C'est ce que vous faites, ça, je le sais.
Jeff Goldblum, bonsoir.
Vous êtes quelqu'un qui avez aussi bien travaillé avec Cronenberg qu'avec des gigantesques productions américaines.
C'est-à-dire il y a eu "La Mouche", et puis "Independance Day" ou "Jurassik Park".
Comment arrivez-vous à concilier ces deux manières d'être comédien ?
Jeff Goldblum
(Traduction) Vous voulez dire les deux façons de travailler dans les grosses productions avec des indépendants, c'est ça ? Ces deux types de films ?
(Traduction) Et bien, j'ai eu beaucoup de chance d'avoir, justement, une telle variété de films à faire.
(Traduction) Mais j'ai le sentiment que les deux se ressemblent pas mal, dans le fond.
(Traduction) J'ai fait de grands spectacles, de grands événements.
Claude Sérillon
Oui, mais on trouve que "Jurassik Park" ou "Independance Day", c'est plus vulgaire que "La Mouche".
Ce n'est pas le même type de cinéma.
Jeff Goldblum
(Traduction) Peut-être. Mais pour moi, c'était par mon expérience.
(Traduction) Vous savez, j'accepte des films, j'ai accepté ces deux films car j'ai toujours trouvé quelque chose que je pouvais saisir dans les personnages et l'interpréter.
(Traduction) Et il y a toujours quelque chose, dans les films, qui donnent quelque chose, qui fait qu'on puisse apporter une contribution.
(Traduction) Et j'essaye de faire de mon mieux.
(Traduction) Ce n'est pas toujours... sur le plan qualité, il n'y a pas toujours une grande différence.
Claude Sérillon
Ce qui frappe, quand on vous voit, même quand vous êtes arrivé, là, tout à l'heure, c'est cette espèce de flegme, de distance un peu narquoise que vous avez un peu sur tout ce qu'il se passe autour de vous.
Vous êtes réellement comme ça ou c'est un personnage que vous vous composez ?
Barbara Hendricks
Il est réellement comme ça.
Jeff Goldblum
(Traduction) L'ironie, la distance...
Barbara Hendricks
Détendu et drôle.
Jeff Goldblum
(Traduction) Je m'amuse beaucoup ici.
(Traduction) Ca se passe très bien, pour moi, ici.
(Traduction) Et j'ai l'impression que c'est une combinaison à la fois quelque chose de très sérieux, et tout le monde nous fait confiance dans notre travail, et quelque chose de très amusant en même temps.
(Traduction) Et même la partie travail, c'est un peu comme un club du livre.
(Traduction) On rencontre des gens célèbres et intéressants et on voit beaucoup de films qui ont été choisis pour nous, qu'on n'a jamais vu, auparavant.
(Traduction) Et c'est super, comme expérience.
(Traduction) Et en plus, on peut en parler, après.
Claude Sérillon
Quel regard portez-vous sur le cinéma français et les français tout court ?
Est-ce que vous avez ce regard effectivement toujours aussi distancié ?
Jeff Goldblum
(Traduction) Non. Pas de distance.
(Traduction) Je me sens tout à fait comme faisant partie de tout ce qu'il se passe ici, déjà, et les français, bon, le peuple français, ça a toujours été un délice pour moi.
(Traduction) Je les aime beaucoup, et ils ont toujours été très chaleureux, vis-à-vis de moi, et très gentils.
(Traduction) Et j'aime beaucoup le cinéma français.
Claude Sérillon
Barbara, vous êtes membres, tous les deux, du jury.
Est-ce que c'est facile de tenir le secret ou est-ce qu'il faut...
Barbara Hendricks
Jusqu'à maintenant, oui. Jusqu'à maintenant.
C'est un travail qui est très sérieux.
Et je crois que pour moi, en tout cas, je le vois comme une grande tâche, c'est vraiment être fraîche et réceptive pour chaque film...
Claude Sérillon
Fraîche ? Ca veut dire quoi ?
Barbara Hendricks
Fraîche ? Ne pas avoir d'idées.
De ne pas être fatiguée, de ne pas s'endormir.
Mais d'avoir vraiment un esprit qui est vraiment vif et éveillé et réceptif.
Claude Sérillon
Mais c'est quoi le cinéma que vous aimez ?
Vous regardez des westerns, des choses drôles ?
Barbara Hendricks
Je regarde tout.
Et bien sûr, je retiens les choses qui me touchent, qui restent en moi.
Je crois qu'une des choses, aussi qui est assez difficile, c'est que souvent, je réagis beaucoup plus tard à un film.
Je ne m'y mets pas tout de suite, mais ce soir, quelque chose qui va travailler en moi, et je...
Mais des fois, on voit trois films par jour.
Et c'est là que je dis rester fraîche et un peu éveillée pour donner la chance d'essayer vraiment de voir qu'est-ce que les artistes veulent me dire.
C'est la plus grande tâche, vraiment, la vigilance, sur ça. Et le secret, vraiment.
Claude Sérillon
Jeff Goldblum, vous avez fait beaucoup de choses pour la télévision, également.
Est-ce que vous avez le sentiment, comme on le dit beaucoup ici, à Cannes, notamment, que la télévision devient un peut trop omniprésente par rapport au cinéma, qu'elle commande un peu trop en produisant des films, qu'elle est trop présente ?
Est-ce que c'est votre sentiment ?
Jeff Goldblum
(Traduction) Et bien...
Claude Sérillon
Est-ce que ceux sont les télévisions qui commandent le cinéma, maintenant ?
Barbara Hendricks
Je crois qu'aux Etats-Unis, les télévisions ne sont pas aussi impliquées qu'ici, en France, dans les productions.
[Anglais]
Jeff Goldblum
(Traduction) En Amérique, les producteurs télé ne produisent pas de films.
(Traduction) Et je ne suis même pas sûr que ça soit vrai.
(Traduction) Je ne suis pas expert.
Claude Sérillon
C'est toute la différence entre ce qu'il se passe en Europe, en France et aux Etats-Unis, effectivement, qui était intéressant de souligner.
Ce n'est pas la même manière de faire.
Jeff Goldblum
(Traduction) Oui. Ca se fait différemment, ici.
(Traduction) En tous les cas, quel que soit le système, ici, ça semble marcher.
(Traduction) Les films sont merveilleux.
Claude Sérillon
Merci beaucoup.
On va voir Cannes autrement, maintenant, c'est-à-dire que Cannes, c'est une ville qui se multiplie par cinq, à peu près, en termes de population pendant la durée de ce festival.
Et vu de la mer, par exemple, comment on peut regarder ce festival.
C'est un reportage de Jean Jacques Dufour et Frédéric Delarue.