Décès de Bernard Manciet
Notice
Le Journal occitan rend hommage à l'un des plus fervents représentants de la langue gasconne, l'écrivain landais Bernard Manciet qui s'est éteint le 3 juin 2005. Poète majeur du XXe siècle, on salue aujourd'hui le caractère universel de son œuvre qui continuera d'influencer les générations à venir.
Éclairage
L'écrivain Bernard Manciet s'éteint à Mont-de-Marsan le 3 juin 2005. Il laisse une œuvre immense, saluée assez largement par les médias régionaux et nationaux, en français bien sûr, mais aussi en occitan. Né à Sabres, dans les Landes, en septembre 1923, il fait de solides études classiques à Bordeaux puis à Paris où il fréquente l'ancienne École Libre des Sciences Politiques. Il découvre l'Allemagne dans les décombres de 1945 et sert dans les services diplomatiques en Sarre et en Rhénanie.
Revenu dans les Landes, il se fixe à Trensacq où il fonde une famille. Il se consacre alors pleinement à l'écriture, sous toutes ses formes : poésie, nouvelles, romans, ouvrages divers entre légende et histoire, et théâtre. Il essaime ses œuvres dans de nombreuses et petites maisons d'édition, parfois éphémères. Quelques textes même sont édités en exemplaire unique...
Son œuvre est avant tout écrite en gascon, dans cette variante dialectale de l'occitan dite "gascon negue" qu'il a entendue dans les airiaux et les bourgs du pays de Félix Arnaudin. Les "quartiers" de la lande sont ainsi autant de limites et de repères dans ses oeuvres en prose premières, celles qui le font accéder à une certaine notoriété dans le petit monde des lettres occitanes : La Pluja, Lo Gojat de noveme, Lo Camin de tèrra qu'édite Per Noste à Orthez, à la fin des années 1970.
Dès 1945, il commence à écrire en occitan dans la revue Reclams de Biarn e Gascougne dans laquelle Miquèu de Camelat et Simin Palay accueillent ses premiers poèmes. Par la suite il publie de nombreuses pièces intitulées Òdas, telles l'Òda a Luis Miguel Dominguin, l'Òda a la Senta Cara, l'Òda a Nòsta Dauna de la Paur ou celle qu'il dédie à Sent Miquèu de Cornalis. Il écrit également dans la revue Òc fondée en 1923 par le Gersois Ismaël Girard, et il en devient le rédacteur en chef jusqu'à sa mort.
À la fin des années 1950 et dans la décennie 1960, il s'engage dans la défense, la promotion et surtout l'illustration de la langue d'òc menée par l'Institut d'Estudis Occitans fondé en 1945. On le voit ainsi aux côtés du Nîmois Robert Lafont, de Félix-Marcel Castan, originaire du Quercy, ou du Périgourdin Bernat Lesfargues. Mais c'est, avant tout, L'Entèrrament a Sabres, un long poème de 16 chants, qui lui confère, en 1996, une indéniable célébrité lui permettant d'accéder à une reconnaissance nationale et internationale.
L'année de sa mort, en 2005, sort Casaus perduts ainsi que sa version française, Jardins perdus, un recueil de contes où se mêlent douceur et ironie face à la course folle du temps qui passe. Alem Surre-Garcia, écrivain, chargé de mission pour la langue et la culture occitanes au Conseil régional de Midi-Pyrénées, le dit : "On a perdu un homme mais on a gagné une œuvre immense et cette œuvre, il faut la prolonger." De fait, paraissent en 2006 des écrits posthumes : Les murmures du mal aux éditions L'Escampette, le poème Lo Brèc publié par Reclams et un recueil de photos légendées édité par La part des Anges. En 2007 enfin, L'Escampette porte à la connaissance du public L'eau mate, un récit en 28 proses de la taille d'un sonnet, qui suggère l'automne dans le contexte de la lande marécageuse, allégorie figurant l'évolution physique de l'homme, le cheminement vers la mort.
Effectivement, avec le départ de Bernard Manciet qui précède d'une quinzaine de jours le décès de l'écrivain languedocien Max Rouquette, le monde des Lettres occitanes perd, en peu de temps, "deux de ses auteurs les plus singuliers et les plus universels", selon l'expression de Philippe Gardy, écrivain et professeur d'histoire de la littérature occitane aux universités de Montpellier et de Bordeaux.