Jean-Paul Kauffmann à propos de son livre La Maison du retour
Notice
Détenu pendant trois ans au Liban, l'écrivain et journaliste Jean-Paul Kauffmann décide, au lendemain de sa libération, de s'installer dans une vielle bâtisse, en Haute Lande. Dans son roman, La Maison du retour, l'auteur raconte cette installation qui lui a permis de se reconstruire au contact de la nature.
Éclairage
Né en Mayenne en 1944, Jean-Paul Kauffmann est un journaliste français qui commence sa carrière à l'AFP puis travaille au Matin de Paris. Il devient ensuite grand reporter à L'Événement du Jeudi. Dans le cadre de l'une de ses missions au Liban, il est enlevé à Beyrouth le 22 mai 1985, en compagnie du jeune chercheur Michel Seurat, deux mois après les diplomates Marcel Carton et Marcel Fontaine.
La détention des otages devait durer trois ans mais Michel Seurat ne survit pas aux dures conditions qu'imposent les ravisseurs et meurt en mars 1986.
Dans un contexte politique mouvementé, il est difficile de connaître les raisons exactes de ce rapt. Revendiqué par le Djihad islamique exigeant la fin de l'aide française à l'Irak, en guerre alors contre l'Iran, il pourrait être aussi lié, selon Dominique Lorentz, au contentieux entre Paris et Téhéran concernant le consortium d'enrichissement d'uranium Eurodif.
Quoi qu'il en soit, Jean-Paul Kauffmann revient très marqué de ce séjour forcé, endeuillé par la perte de l'un de ses compagnons d'infortune. La libération a lieu le 4 mai 1988 mais, malgré le bienveillant soutien de tous ses proches, la convalescence est longue et le journaliste, devenu écrivain, cherche alors un lieu apaisant qui l'aide à revenir à la vie. C'est en suivant son ami Michel Cantal-Dupart, fondateur d'un comité de soutien aux otages, qu'il découvre une vaste maison de maître, délaissée au milieu d'un airial, en Haute Lande, dont il perçoit la vacuité comme une ouverture ; une terre d'élection pour ce contemplatif qui a survécu dans les cachots en grande partie grâce à la Bible, lue et relue maintes fois pendant les quelque 1037 jours de l'épreuve.
Cette Maison du retour (2007) suit la publication de plusieurs ouvrages : L'Arche des Kerguelen : voyage aux îles de la Désolation (1993), La chambre noire de Longwood sur les traces de Napoléon prisonnier dans l'île de Sainte-Hélène (1997), La Lutte avec l'Ange évoquant Delacroix peignant une scène biblique dans une chapelle latérale de Saint-Sulpice, à Paris (2001), et 31, Allées Damour - Raymond Guérin, biographie d'un jeune Bordelais prisonnier en Allemagne (2004).
Si la thématique commune de ces écrits est l'enfermement, Jean-Paul Kauffmann tourne une page avec ce dernier livre qui constitue une passerelle entre "l'avant" et "l'après". De même que les travaux de la maison ont duré, l'auteur a mis du temps à se reconstruire, à se restaurer, "se rééduquer" au sens littéral. Matrice protectrice, cachée au cœur de la forêt landaise, la vieille bâtisse, sise dans un espace ouvert, a permis à l'ex otage, prisonnier de ses souvenirs, de retrouver le "bonheur d'être vivant" car Jean-Paul Kauffmann est, malgré tout, un "élégiaque enjoué", un épicurien. Il peut même faire preuve d'humour en évoquant ce qui fut longtemps indicible ; ainsi parle-t-il du sable des Landes, pauvre, stérile - le désespoir du jardinier - remontant toujours à la surface, comme le passé.
La maison du retour est en cela la maison du retour à la vie car ce livre, dédié à son ami urbaniste, finit de le libérer, l'autorisant enfin à parler des tabous. Dans une région forestière où nul obstacle ne borne l'horizon, l'auteur se sent bien. Il participe désormais d'un pays qui, comme lui, ne se livre pas spontanément ; ce pays, ce sont les Landes de Gascogne, un "blanc sur la carte" qui comble désormais sa vie.