La maison de la dame de Brassempouy

09 octobre 2004
03m 34s
Réf. 00241

Notice

Résumé :

La Maison de la dame de Brassempouy rassemble les vestiges préhistoriques découverts en 1894, dans la grotte du Pape, dont la copie de la célèbre dame à la capuche. Le musée, conçu tel un mastaba, propose, à travers ses collections et un parcours initiatique, de découvrir la vie quotidienne des hommes du paléolithique supérieur.

Type de média :
Date de diffusion :
09 octobre 2004
Source :
France 3 (Collection: Escapades )
Personnalité(s) :

Éclairage

Le petit bourg chalossais de Brassempouy est connu dans le monde entier depuis la découverte par Édouard Piette, en 1894, de plusieurs fragments de statuettes féminines, dont la "Dame à la Capuche". Il s'agit d'une figurine taillée dans de l'ivoire de mammouth, haute de 3,65 cm, longue de 2,2 cm et large de 1,9 cm représentant un visage, de forme triangulaire, front, nez et sourcils en relief, dépourvue de bouche, mais "coiffée" d'un quadrillage d'incisions perpendiculaires symbolisant peut-être la chevelure. Datée du Paléolithique supérieur (-29000 à -22000), elle est contemporaine d'autres Vénus préhistoriques mais s'en démarque par la finesse de sa réalisation et le réalisme dont a fait preuve l'artiste. Il s'agit de la plus ancienne représentation d'un visage humain connue à ce jour.

En 1880, des ouvriers découvrent l'entrée de grottes situées à 2 km du cœur du village. En cette fin du XIXe siècle, la Préhistoire et la période gallo-romaine passionnent les "notables", comme en témoignent les nombreuses publications de la toute jeune Société de Borda fondée en 1876. On trouve des tumulus et des "camps romains", appelés localement casteras, un peu partout ; on fouille et on invente réellement de nouveaux sites. Malheureusement aucune législation ne freine l'ardeur des prospecteurs qui prélèvent sans vergogne tout ce qu'ils trouvent pour constituer des collections privées ; de remarquables mosaïques polychromes datant du IVe siècle, exhumées de la villa gallo-romaine d'Augreilh à Saint-Sever, se retrouvent-elles ainsi dans l'entrée du château d'Amou, y constituant un superbe pavement...

Mais si les érudits locaux opèrent de façon anarchique, certains esprits éclairés permettent déjà de valoriser les découvertes, alertant les autorités idoines. C'est le cas de Pierre-Eudoxe Dubalen, pharmacien montois qui, après la découverte fortuite de silex et d'ossements d'animaux, dégage à son tour, de façon méthodique, d'autres outils lithiques et les premières pièces considérées comme des œuvres d'art.

Mais, en 1892, la visite des membres de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences (AFAS) est un désastre et une chance à la fois. En une journée, la partie du site mise au jour est pillée, éveillant cependant le désarroi et l'intérêt de l'un de ses membres, Édouard Piette, originaire des Ardennes, bien décidé à protéger la grotte du Pape [1] ; deux représentations féminines en ivoire de mammouth viennent en effet d'y être dégagées ce jour-là, confirmant la richesse des lieux. Le grand archéologue prend donc la direction des fouilles, réalisées dès lors en bonne et due forme, et découvre, de 1894 à 1897, sept autres statuettes dont celle qui sera désignée sous le nom de "Vénus de Brassempouy" ou "Dame à la capuche". Soucieux de préserver ces trésors inestimables pour l'histoire de l'Humanité, Piette lègue toute la collection, en 1904, au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.

Après des décennies d'abandon, le site est classé monument historique en 1980, suite à l'intervention des époux Goalard [2] et, en 1981, des fouilles reprennent sous l'égide du directeur du musée des Antiquités nationales, Henri Delporte. En 1983, la découverte du "berceau", un fragment d'os long évoquant une silhouette d'enfant déposé dans la concavité d'une épiphyse, vient enrichir une collection composée principalement d'outils, d'armes - en particulier des manches de poignard gynécomorphes - mais aussi d'éléments de parure et de mobilier domestique trouvés dans la grotte dite "des hyènes". La découverte, en 1985, de l'abri Dubalen puis, une douzaine d'années plus tard, l'exploration de la galerie du Mégacéros, prouvent que quatre sites majeurs sont bien ici reliés entre eux.

Plus complexe qu'on ne l'imaginait, le site archéologique de Brassempouy offre donc un très vaste espace de prospection et la valeur des pièces qui y ont été prélevées justifie bien la construction d'un musée, inauguré en 2002, que l'on préfère appeler ici "Maison" de la Dame à la capuche : un vaste mastaba [3] aux formes linéaires, surplombant les paysages de Chalosse, qui assure bien sa vocation de monument dédié à un personnage royal. Un lieu pédagogique aussi, complété par un parc "archéoludique" car, à Brassempouy, on ne montre pas seulement mais on essaie de faire "comprendre", au sens étymologique [4], le contexte dans lequel est née, il y a environ 25 000 ans, la petite Dame à la capuche. L'équipe des chercheurs et des guides y présente effectivement le site dans sa globalité puisqu'il y a une dimension universelle dans l'histoire éternellement recommencée des hommes que ces grottes renvoient en miroir...

[1] Le toponyme procède du nom d'une ferme toute proche.

[2] Robert Goalard et Marie Goalard, originaires de Lit-et-Mixe, en Marensin, acquièrent le domaine des comtes de Poudenx, au centre de Brassempouy, et en font don à la commune pour qu'y soit érigé un musée.

[3] Le mastaba est un édifice funéraire égyptien, en forme de pyramide tronquée, servant de sépulture aux pharaons des deux premières dynasties. C'est un mot arabe signifiant "banc de pierre".

[4] Du latin classique comprehendere, "prendre ensemble", "saisir" puis, par extension, "embrasser par la pensée, le sens, la nature, la raison de quelque chose".

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Brassempouy, terre préhistorique. C’est un peu le credo de ce musée avec en point d’orgue, bien sûr, la Dame à la capuche, une statuette de 36mm sculptée dans de l’ivoire de mammouth et datée de 25 000 ans.
Intervenante
La Dame de Brassempouy est connue dans le monde entier. C’est une référence mondiale. C’est la plus ancienne représentation d'un visage humain découverte à ce jour. La plupart des représentations de femmes sont des représentations liées à la maternité donc on va retrouver essentiellement le corps, les seins, le ventre et les hanches. Les visages sont très rares et n’ont pas, pour les rares découverts, la même finesse.
Journaliste
Jacques Momas, le maire de Brassempouy, nous conduit d’ailleurs dans la grotte où a été découverte cette sculpture, ce qui est assez exceptionnel puisque ce lieu est totalement interdit au public, une grotte qui se situe à quelques kilomètres du musée.
Jacques Momas
Le site s’appelle la Grotte du Pape, elle est classée monument historique. C’est ici donc en 1894, qu’ont été trouvées d’abord la Dame à la capuche, et à côté de la dame huit autres statuettes qui sont exposées à la Maison de la Dame de Brassempouy, les originaux étant au musée de Saint-Germain-en-Laye.
Journaliste
Huit autres statuettes donc ont été trouvées dans cette Grotte du Pape et ainsi que de multiples silex et ossements d’animaux tous exposés à la Maison de la Dame de Brassempouy .
Intervenante
Tous ces éléments sont mis en valeur pour essayer de mieux comprendre la vie quotidienne des hommes de la fin du paléolithique, donc les hommes qui occupaient ces fameuses grottes du Pape. Donc on va retrouver des ossements d’animaux. Pour mieux comprendre leur environnement, on va retrouver leurs outils, des objets d’art, leurs pendentifs.
Journaliste
Cette Maison de la Dame a été conçue par l’architecte bordelais Eric Raffy. Au-dessus trônent trois reproductions des neuf statuettes retrouvées à Brassempouy, un lieu qui a ouvert il y a 2 ans et qui a coûté près de 900 000 euros.
Jacques Momas
L’architecte m’a raconté que c’est à la suite d’un voyage au Mexique qu’il a eu l’idée de faire un matsaba à Brassempouy, comme les monuments aztèques. Et ensuite les trois statues qui font quand même 1m60 de haut proviennent d’un passage à l’île de Pâques et c’est en somme dans ces endroits que la création de la Maison de la Dame de Brassempouy s’est effectuée.
Journaliste
A côté de ce musée a été aménagé un parcours initiatique appelé "Jardin de la Dame" où on découvre en quelque sorte les us et coutumes des hommes préhistoriques comme la chasse par exemple. Ici on voit une empreinte de mammouth ou encore on apprend comment nos ancêtres faisaient du feu.
Intervenant
Donc là on a une petite fumée qui est apparue. C’est le signe qu’il y a une incandescence qui s’est formée et je vais essayer de récupérer cette incandescence. Et voilà comment ils faisaient le feu il y a 450 000ans.
Journaliste
Vous l’aurez compris, venir à Brassempouy, c’est faire un voyage dans la préhistoire, une époque qui recèle encore bien des mystères.