La maison de la dame de Brassempouy
Notice
La Maison de la dame de Brassempouy rassemble les vestiges préhistoriques découverts en 1894, dans la grotte du Pape, dont la copie de la célèbre dame à la capuche. Le musée, conçu tel un mastaba, propose, à travers ses collections et un parcours initiatique, de découvrir la vie quotidienne des hommes du paléolithique supérieur.
Éclairage
Le petit bourg chalossais de Brassempouy est connu dans le monde entier depuis la découverte par Édouard Piette, en 1894, de plusieurs fragments de statuettes féminines, dont la "Dame à la Capuche". Il s'agit d'une figurine taillée dans de l'ivoire de mammouth, haute de 3,65 cm, longue de 2,2 cm et large de 1,9 cm représentant un visage, de forme triangulaire, front, nez et sourcils en relief, dépourvue de bouche, mais "coiffée" d'un quadrillage d'incisions perpendiculaires symbolisant peut-être la chevelure. Datée du Paléolithique supérieur (-29000 à -22000), elle est contemporaine d'autres Vénus préhistoriques mais s'en démarque par la finesse de sa réalisation et le réalisme dont a fait preuve l'artiste. Il s'agit de la plus ancienne représentation d'un visage humain connue à ce jour.
En 1880, des ouvriers découvrent l'entrée de grottes situées à 2 km du cœur du village. En cette fin du XIXe siècle, la Préhistoire et la période gallo-romaine passionnent les "notables", comme en témoignent les nombreuses publications de la toute jeune Société de Borda fondée en 1876. On trouve des tumulus et des "camps romains", appelés localement casteras, un peu partout ; on fouille et on invente réellement de nouveaux sites. Malheureusement aucune législation ne freine l'ardeur des prospecteurs qui prélèvent sans vergogne tout ce qu'ils trouvent pour constituer des collections privées ; de remarquables mosaïques polychromes datant du IVe siècle, exhumées de la villa gallo-romaine d'Augreilh à Saint-Sever, se retrouvent-elles ainsi dans l'entrée du château d'Amou, y constituant un superbe pavement...
Mais si les érudits locaux opèrent de façon anarchique, certains esprits éclairés permettent déjà de valoriser les découvertes, alertant les autorités idoines. C'est le cas de Pierre-Eudoxe Dubalen, pharmacien montois qui, après la découverte fortuite de silex et d'ossements d'animaux, dégage à son tour, de façon méthodique, d'autres outils lithiques et les premières pièces considérées comme des œuvres d'art.
Mais, en 1892, la visite des membres de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences (AFAS) est un désastre et une chance à la fois. En une journée, la partie du site mise au jour est pillée, éveillant cependant le désarroi et l'intérêt de l'un de ses membres, Édouard Piette, originaire des Ardennes, bien décidé à protéger la grotte du Pape [1] ; deux représentations féminines en ivoire de mammouth viennent en effet d'y être dégagées ce jour-là, confirmant la richesse des lieux. Le grand archéologue prend donc la direction des fouilles, réalisées dès lors en bonne et due forme, et découvre, de 1894 à 1897, sept autres statuettes dont celle qui sera désignée sous le nom de "Vénus de Brassempouy" ou "Dame à la capuche". Soucieux de préserver ces trésors inestimables pour l'histoire de l'Humanité, Piette lègue toute la collection, en 1904, au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.
Après des décennies d'abandon, le site est classé monument historique en 1980, suite à l'intervention des époux Goalard [2] et, en 1981, des fouilles reprennent sous l'égide du directeur du musée des Antiquités nationales, Henri Delporte. En 1983, la découverte du "berceau", un fragment d'os long évoquant une silhouette d'enfant déposé dans la concavité d'une épiphyse, vient enrichir une collection composée principalement d'outils, d'armes - en particulier des manches de poignard gynécomorphes - mais aussi d'éléments de parure et de mobilier domestique trouvés dans la grotte dite "des hyènes". La découverte, en 1985, de l'abri Dubalen puis, une douzaine d'années plus tard, l'exploration de la galerie du Mégacéros, prouvent que quatre sites majeurs sont bien ici reliés entre eux.
Plus complexe qu'on ne l'imaginait, le site archéologique de Brassempouy offre donc un très vaste espace de prospection et la valeur des pièces qui y ont été prélevées justifie bien la construction d'un musée, inauguré en 2002, que l'on préfère appeler ici "Maison" de la Dame à la capuche : un vaste mastaba [3] aux formes linéaires, surplombant les paysages de Chalosse, qui assure bien sa vocation de monument dédié à un personnage royal. Un lieu pédagogique aussi, complété par un parc "archéoludique" car, à Brassempouy, on ne montre pas seulement mais on essaie de faire "comprendre", au sens étymologique [4], le contexte dans lequel est née, il y a environ 25 000 ans, la petite Dame à la capuche. L'équipe des chercheurs et des guides y présente effectivement le site dans sa globalité puisqu'il y a une dimension universelle dans l'histoire éternellement recommencée des hommes que ces grottes renvoient en miroir...
[1] Le toponyme procède du nom d'une ferme toute proche.
[2] Robert Goalard et Marie Goalard, originaires de Lit-et-Mixe, en Marensin, acquièrent le domaine des comtes de Poudenx, au centre de Brassempouy, et en font don à la commune pour qu'y soit érigé un musée.
[3] Le mastaba est un édifice funéraire égyptien, en forme de pyramide tronquée, servant de sépulture aux pharaons des deux premières dynasties. C'est un mot arabe signifiant "banc de pierre".
[4] Du latin classique comprehendere, "prendre ensemble", "saisir" puis, par extension, "embrasser par la pensée, le sens, la nature, la raison de quelque chose".