Muriel Erdmann, faïencière à Samadet

10 novembre 2001
04m 12s
Réf. 00223

Notice

Résumé :

Dans son atelier de Samadet, Muriel Erdmann perpétue la tradition et le savoir-faire de la faïencerie du XVIIIe siècle qui contribua à la renommée de la petite commune landaise. Au fil des différentes étapes de la fabrication d'un plat, elle retrouve les gestes d'antan, de la mise en forme par estampage à la décoration au pinceau à main levée.

Type de média :
Date de diffusion :
10 novembre 2001
Source :

Éclairage

Samadet, petite commune située aux confins de la Chalosse et du Tursan, est connue, depuis le XVIIIe siècle, pour ses faïenceries. Entre le Louts et le Gabas qui se jettent dans l'Adour, la terre recèle assez de matière première, de l'argile de qualité, pour qu'une industrie de la faïencerie se développe et fasse vivre toute une communauté pendant plus d'un siècle.

C'est le 25 mars 1732 qu'un arrêt du Conseil du roi autorise Charles-Marie Bouzet, marquis de Roquépine, à y installer un atelier "avec privilège de vente pour 20 ans". Ce privilège est renouvelé en 1752 et, en dépit du changement régulier de propriétaires, la production perdure jusqu'en 1840, date de la fermeture définitive.

Si les gestes employés par les artisans landais ne diffèrent guère de ceux qui sont employés ailleurs - technique par estampage, à partir d'un moule en bosse, suivie d'une première cuisson dite "de biscuit" parachevée par l'émaillage - c'est le décor qui fait l'originalité du "Samadet" [1]. Très prisé aujourd'hui par les collectionneurs, il est proche, dans sa facture générale, des productions de Bordeaux, Moustier, Rouen, Nevers ou Strasbourg. Réalisées "au petit feu" par une trentaine d'artistes à l'apogée de la production, les pièces landaises se distinguent par l'originalité du décor.

De l'assiette "du pauvre", monochrome et minimaliste, aux œuvres déclinées sur des thèmes multiples inspirés par la nature, de l'œillet à la rose et au fameux pois de senteur traités en polychromie sur fond blanc, la production satisfait tous les goûts ; elle s'adapte même à des commandes spéciales, notamment pendant la Révolution. Ainsi les animaux et les personnages, traités pour la plupart dans un camaïeu vert, sont-ils bientôt concurrencés par des représentations plus complexes, personnalisées, qui s'éloignent de l'esprit qui présidait, par exemple, à la réalisation d'un décor "à la palombe" très local et populaire à la fois.

Créé en 1968 par une association locale, le musée départemental de la Faïence et des Arts de la table est le premier musée à accueillir les visiteurs in situ ; on y découvre, comme au musée des Arts décoratifs de Bordeaux et au musée de Lourdes, des pièces d'exception de cet atelier qui a forgé la réputation du petit bourg landais bien au-delà des frontières.

L'offre, sur le marché, de pièces authentique se raréfiant, quelques artisans se lancent, depuis quelques années, dans la copie d'ancien, renouant avec les techniques du passé : à Samadet, bien sûr, tout d'abord, où les gestes ancestraux sont en permanence renouvelés pour transmettre le savoir-faire. D'une boule d'argile d'un peu plus d'un kilo naît, sous les mains agiles de la potière, une "forme"qui, après diverses manipulations et en passant par l'étape de la décoration qui "marque" le produit, devient une pièce déjà du passé à transmettre aux générations futures dans le plus grand respect de la "tradition" au sens étymologique.

[1] Cf. Site Wikipedia.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Monsieur Labenne
Samadet et ses faïences. Comment citer l’un sans l’autre ? Et pourtant quand Muriel Erdmann après près de 25 ans de métier dans les Alpes s’installe ici, elle ignorait tout de cette tradition. Aujourd’hui c’est chose faite. L’essentiel de sa production s’inspire de ce glorieux passé. Alors là, on fait une boule de terre sans mettre les doigts dedans, et on va la peser, il faut que ça fasse à peu près 1kg3. Alors là on va faire un plat et donc il ne faut pas faire déjà une forme ronde il faut partir un petit peu en ovale pour déjà donner une vague forme. Il ne faut pas appuyer trop fort sur les bords parce qu’autrement tu amincis trop sur les côtés. C’est la technique dite "par estampage". On part d’un moule plâtre fabriqué ici même d’après les pièces d’origine. C’est un moule en bosse car les plats d’époque étaient travaillés à l’intérieur du plat et non à l’extérieur. Le moule va absorber l’excédent d’eau de cette galette.
Muriel Erdmann
C’est pour lisser la surface de la terre simplement c’est-à-dire que c’est pas vraiment mouillé c’est avec une éponge qui est très serrée. Il ne faut pas détremper la terre. La terre étant très souple si on appuie trop sur le plat on va laisser des empreintes on va faire des trous. Voilà donc là on va attendre maintenant demain et demain on pourra le soulever une fois qu’il aura un peu durci pour pouvoir finir les bords. Alors après il y a la cuisson de biscuit c’est-à-dire la première cuisson en fait. Parce que le plat une fois qu’il sera sec si on le remet dans l’eau il va redevenir de l’argile. Il n’est pas du tout stable. Donc il faut qu’il soit cuit au moins à 560°. C’est le point de non-retour, point où la terre ne redevient plus jamais de l’argile en fait. Moi c’est tout à fait par hasard, je suis arrivée à Samadet sans savoir que Samadet existait. C’est un peu bizarre mais ça fait 25 ans que je suis potière et auparavant je faisais du grès et de la porcelaine. Et je suis arrivée à Samadet vraiment en ignorant tout de ce patrimoine enfin de ces choses qui étaient faites donc en 1732. La terre à faïence étant une terre poreuse on est obligé de l’émailler pour qu’elle soit étanche, pour qu’elle ait une surface vitrifiée qu’on puisse l’utiliser et également cet émail va servir de base en fait pour le décor. Ce qui différencie les différentes faïenceries, ce sont les décors, bon, la technique de base est toujours sensiblement la même à quelque chose près évidemment. Enfin la technique de base émaillage, décor, bon, en règle générale pour ces faïenceries anciennes c’est toujours à peu près la même technique.
Journaliste
On reconnait le Samadet grâce à son décor. Ici un décor polychrome avec la fameuse rose, emblème de Samadet. C’est un décor très champêtre, très vivant, qui caractérise cette faïencerie populaire. C’est un univers d’artisans et qui se revendique comme tel.
Muriel Erdmann
Je ne me considère pas du tout comme une artiste. Je suis artisan, bon je fabrique des pièces, je les décore, mais pour moi un artiste c’est autre chose. C’est un état d’esprit global, c’est un petit côté un peu fou, moi je vois l’artiste un peu comme ça. Donc je me considère peut-être pas tout à fait comme ça. Ce qui est aussi agréable c’est de voir des personnes qui visitent, qui apprennent des choses, qui sont contents et puis qui apprécient, je crois que c’est surtout ça en fait, plus qu’une notoriété ou un nom. C’est bon c’est peut-être le goût du travail bien fait je pense avant tout.