Carte postale de la Chalosse et d'Aire-sur-l'Adour
Notice
Après la découverte du château de Lataulade sur la commune de Saint-Cricq-Chalosse, présentation de la ville d'Aire-sur-l'Adour à travers son histoire et son patrimoine architectural.
Éclairage
Au milieu des années 1960, au cœur des Trente Glorieuses, gouvernants et élus parlent beaucoup d'aménagement du territoire [1] et la question régionale commence à émerger [2]. Pourtant, les représentations provincialistes du territoire ne manquent pas. C'est le cas dans cette "carte postale" de la Chalosse et d'Aire-sur-Adour, en Tursan, diffusée par la station régionale ORTF de Bordeaux.
Centré sur la Chalosse (château de Lataulade dit aussi de Marquebielle édifié vers 1500, à Saint-Cricq) et sur l'antique cité d'Aire, le commentaire mobilise les poncifs habituels sur la Gascogne et ses Gascons.
En évoquant le baron de Sigognac, "moustaches de chat, dents de loup", le commentaire ressort l'ethnotype du Gascon, bretteur, hâbleur, fils cadet de hobereaux sans fortune, monté batailler vaillamment pour le Roi. Le théâtre mineur parisien des XVIIe-XVIIIe siècles le fait un brin fanfaron. Puis, le romantisme du XIXe siècle contribue, avec Les Trois Mousquetaires, Le Capitaine Fracasse et bien sûr le Cyrano d'Edmond Rostand, à entretenir ce héros méridional stéréotypé, relayé ensuite par Tartarin de Tarascon, Marius et Olive et autres “pagnolades”.
À propos de ces terres à la ruralité certaine, évoquées dans l'entre-deux-guerres par le Gersois Joseph de Pesquidoux (près de Perchède près du Houga) ou, plus tard, dans les chroniques campagnardes de Jean Taillemagre [3], apparaît, à travers le portrait paisible d'Aire-sur-Adour, l'image du "Sud-Ouest" profond, calme, sympathique, besogneux, aux marchés rassurants pourvoyeurs de succulents produits, mais un tantinet arriéré. Bref, la province classique des cartes postales, largement à l'écart des courants du monde.
La cité aturine a même perdu son antique fonction épiscopale. En 1933, l'évêché est transféré à Dax, bien que le titulaire conserve toujours l'appellation d' "évêque d'Aire et Dax". Restent la cathédrale, intéressante, et l'église du Mas, là-haut, sur la colline qui domine, au sud, la ville et représente probablement le noyau initial du chef-lieu de cité des Tarusates.
On y admire le clocher carré et un très beau portail gothique décoré d'un tympan et surtout la richesse de la crypte. Elle abrite un sarcophage en marbre de Saint-Béat daté du IVe siècle ; il aurait contenu, selon la tradition, les reliques de Quitterie, jeune princesse wisigothe qui, ne voulant pas abjurer sa foi chrétienne, aurait subi le martyre à cet endroit. Avec un phénomène extraordinaire à la clé : décapitée, elle chemine quelque peu après le supplice en portant sa tête sous le bras... Raison supplémentaire sans doute de faire de Quitèira une sainte.
[1] On en parle en fait depuis l'immédiat après-guerre (Paris et le désert français, de Jean François Gravier, 1947), on l'amorce dans les années 1950 et le gouvernement Pompidou crée la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) en 1963.
[2] Par exemple, l'ouvrage de Robert Lafont, La révolution régionaliste, est publié en 1967 (Gallimard).
[3] De son vrai nom Marie Arnaud Dubosc de Pesquidoux (1907-1997), Jean Taillemagre publie ses chroniques dans le journal Le Monde de 1947 à 1983.