La porcelaine de Samadet

20 mars 1968
06m 25s
Réf. 00222

Notice

Résumé :

Entre 1730 et 1840, Samadet devient célèbre grâce à sa faïencerie qui produit une vaisselle originale aux décors riches en couleurs et aux motifs floraux caractéristiques. Plus d'un siècle après la fermeture de la manufacture, les Samadétois perpétuent le souvenir de la faïence de Samadet ; tous possèdent quelques pièces héritées de leurs aïeuls, certains les collectionnent.

Date de diffusion :
20 mars 1968

Éclairage

Rien ne prédestinait la petite bourgade de Samadet, en Chalosse, à une reconnaissance internationale mais, en 1930, Charles-Maurice du Bouzet, marquis de Roquépine, qui demeure à Paris, rachète les terres tombées dans la succession d'une cousine, Jeanne Geneste, baronne de Samadet.

Soucieux de faire fructifier son patrimoine, il fonde tout d'abord une tuilerie, exploitant les ressources locales en bois, eau et argile. Homme de relations, il ne tarde pas à obtenir, le 25 mars 1732, un arrêt du Conseil du Roi qui l'autorise à y installer une "manufacture royale de fayance".

Produisant à l'origine des pièces communes, l'atelier qui occupe une trentaine d'ouvriers, gagne en renommée grâce notamment à son premier directeur, Daniel Le Pâtissier, venu de Bordeaux, et au peintre Pierre Chapelle, de Rouen. Les pièces s'enrichissent donc d'influences diverses et le petit atelier landais concurrence rapidement d'autres manufactures renommées qui pratiquent des prix plus élevés, à qualité égale.

Cette embellie dure jusqu'à la Révolution. En effet, peu après la reconduction, en 1752, des privilèges royaux, son fondateur meurt ; Le Pâtissier est assassiné et les propriétaires se succèdent. À partir de 1784, le déclin s'amorce, les ouvriers les plus qualifiés disparaissent ; la qualité de la production s'en ressent et, malgré la bonne volonté de Pierre Duviella, directeur en 1810, qui essaye de restaurer le lustre d'antan, la fin du "Samadet" est annoncée dès 1830, après le dernier renouvellement du bail. L'entreprise périclite, ferme ses portes en 1840 et les bâtiments sont démolis en 1842.

C'est pour cette raison qu'il ne reste plus aucune trace de cette noble activité qui a fait vivre toute une communauté pendant plus d'un siècle, forgeant sa renommée dans le monde très confidentiel des collectionneurs français et étrangers. Conscients de la valeur de leur héritage, les habitants de Samadet sont fiers. L'école locale transmet, de génération en génération, l'histoire de la manufacture et, dans le village, les uns conservent pieusement les services de famille "ordinaires", d'autres amorcent une collection de pièces plus nobles à une époque où les prix sont encore abordables, d'autres enfin, qui devraient s'en confesser, cachent des trésors...

Quoi qu'il en soit, les nouvelles générations ont appris à identifier les pièces en provenance de leur village car, malgré les ressemblances avec le Moustiers, le vieux Bordeaux ou le Rouen, certains signes ne trompent pas : "Samadet" se caractérise, par exemple, par le célèbre bouquet associant une rose manganèse et un œillet mais aussi par l'oiseau emblématique du terroir, la palombe.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Samadet, un petit village des Landes endormi dans sa légende. Un nom qui reste attaché à une faïence célèbre. Une faïence que l’on ne fabrique plus depuis un siècle, mais dont on n’a pas perdu le souvenir. Est-ce qu’il y a beaucoup de touristes qui viennent en acheter ?
Inconnu
Oui, énormément l’été ils viennent mais en acheter, demandent mais c’est pratiquement introuvable. Et depuis des années que ça ne se fabrique plus.
Journaliste
Est-ce qu’ils ne demandent pas à voir la faïencerie ?
Inconnu
Ah, si bien sûr mais qu’est-ce qui reste... rien ! Rien !
Journaliste
Que reste-t-il ? Un plan que l’on croit exact et çà et là dans le village quelques vestiges. Un escalier par exemple qui menait autrefois jusqu’à l’appartement du contremaître de la faïencerie. Cette faïencerie a été démolie voilà bien des années. Elle a donné son nom à une place qui, seule aujourd’hui, rappelle l’activité de Samadet au XVIIIè siècle. Monsieur le Maire, d’où étaient originaires les ouvriers qui travaillaient ici autrefois ?
Le Maire
Il y en avait des parties qui venaient de Samadet, et une partie qui était fournie par les compagnons qui, faisant le tour de France, venaientt soit de Bordeaux, de Moustiers où il y avait des fabriques de faïences célèbres aussi.
Journaliste
Il s’agissait d’un travail artisanal
Le Maire
Ah oui bien sûr !
Journaliste
Est-ce que c’était important pour l’économie de la région ?
Le Maire
Ça faisait quand même travailler une trentaine de personnes disons, et c’était important si on veut parce qu’on ne trouvait pas, le transport étant limité à l’époque on ne pouvait pas quand même, on était contents de trouver de la faïence sur place, dans la région.
Journaliste
Pourquoi a-t-elle disparu cette faïencerie ?
Le Maire
La révolution y a porté un coup mortel.
Journaliste
Mais aussi lui a offert la gloire. Le Samadet, depuis la fermeture de la faïencerie, s’est imposé dans nos musées. Quant aux Samadetois, ils conservent soigneusement l’amour de l’ancienne production et caresse l’espoir de la voir renaitre un jour. Nous avons ici un échantillonnage assez complet de la production de la faïencerie de Samadet. Monsieur [Labenne] qu’est-ce qui caractérisait cette production ?
Monsieur Labenne
Eh bien comme vous le savez vraisemblablement la faïencerie, la production de la faïencerie de Samadet a duré un siècle environ à partir de 1730. Il y a eu deux époques, on la classe en deux époques : une période qui va de 1730 à la Révolution française, et ensuite une autre période jusqu’en 1840 environ, avec une diversité de décorations. Mais ce qui caractérise la première partie de cette période, c’est surtout la richesse des couleurs et les dessins, les fleurs employées. Nous avons par exemple la rose, le pissenlit, l'œillet et un des signes particuliers, vous en trouvez là-bas sur ces assiettes, vous voyez ici des signes particuliers qui ressemblent... les uns l'apparentent à la croix basque, d’autres à je ne sais quel signe mais enfin c’est caractéristique de la vaisselle de Samadet.
Journaliste
Madame [Soum] avez-vous connu des gens qui, eux-mêmes, gardaient des souvenirs de la faïencerie pour en avoir entendu parler par des anciens ?
Madame Soum
Oh oui, beaucoup dans le pays il y a environ de cela 30, 40 ans, même à l’école on nous en parlait beaucoup. C’était un orgueil de Samadet mais qui s’est perdu après la guerre peut-être un peu.
Journaliste
Ce magnifique camaïeu vous appartient mademoiselle [incompris]. Il date de la création de la faïencerie de Samadet. Vous avez été institutrice dans ce village pendant de nombreuses années. Est-ce que vous avez essayé d’inculquer à vos élèves l’amour de la faïence ?
Inconnue
Oh oui monsieur, ça c’était une tâche qu’il ne fallait pas oublier. J’ai créé d’ailleurs, j’avais fait un résumé de l’histoire de la faïence, et les enfants possèdent ce résumé. J’espère bien qu’ils l’ont gardé.
Journaliste
Est-ce qu’il y a beaucoup de collectionneurs ?
Inconnu
Oui il y en a pas mal. Il y a surtout des pièces dans beaucoup de femmes quoi, les gens y tiennent, ils ne veulent pas s’en défaire.
Journaliste
Ce sont de petits collectionneurs.
Inconnu
Oui, comme moi j’ai très peu de pièces mais presque dans chaque famille il y a vraiment quelques pièces.
Journaliste
Madame [incompris] est-ce que vous collectionnez le Samadet ?
Inconnue
Non monsieur.
Journaliste
Quelles sont les pièces que vous avez ici pourtant ?
Inconnue
Ce sont des pièces que je tiens de famille uniquement.
Journaliste
Est-ce que vous savez comment votre famille se les était procurées ?
Inconnue
Oh je pense qu’elles ont toujours été depuis la création dans la maison et retransmises de génération en génération certainement.
Journaliste
Vous ne collectionnez pas le Samadet pourtant vous êtes attachée à cette faïence.
Inconnue
Je suis très attachée, très.
Journaliste
Vous n’en achèteriez pas.
Inconnue
Mon Dieu non parce que c’est excessivement cher et je ne pense pas.
Journaliste
Et est-ce que vous accepteriez de les vendre ?
Inconnue
Non ah ça non. J’y tiens quand même, je tiens à ce que j’ai.
Journaliste
Vous madame [Meral] vous êtes une collectionneuse.
Inconnue
Oui monsieur.
Journaliste
Il y a longtemps que vous avez commencé cette collection ?
Inconnue
Il y a une dizaine d’années environ.
Journaliste
Vous aviez des pièces de famille ?
Inconnue
Nous avions quelques pièces de famille oui.
Journaliste
Et par la suite vous avez acheté des assiettes, des plats, des coupes.
Inconnue
Nous avons acheté tout ce que vous voyez là monsieur.
Journaliste
A Samadet ?
Inconnue
Non, pas à Samadet.
Journaliste
Mais dans la région ?
Inconnue
Dans la région oui. On trouve chez les antiquaires, à Dax, Mont-de-Marsan, même chez les antiquaires qui sont plus près de Samadet mais pas à Samadet.
Journaliste
C’est facile ?
Inconnue
On en trouve mais il faut chercher.
Journaliste
Est-ce que les gens acceptent de s’en défaire facilement ?
Inconnue
Non actuellement pas. Les personnes qui ont des pièces les gardent.
Journaliste
Ils ont compris la valeur que cela pouvait représenter.
Inconnue
Actuellement oui. Chacun a conscience de la valeur que représentent ces pièces et les garde. Entre autres un vieux curé, voyez, d’ici des environs. Un saint homme qui était plutôt, qui vivait pauvrement. Il avait une collection c’est-à-dire un service de vaisselle entier qu’il cachait et il disait aux amateurs qui voulaient venir lui acheter il leur disait "je l’ai vendu".
Journaliste
Vous croyez que ce patrimoine pourra être préservé plus tard ?
Inconnue
Oui je crois. Je crois parce qu’il y aura quand même dans les jeunes qui arrivent quelques enfants qui s’intéresseront et qui s’intéressent peut-être déjà mais qui s’intéresseront, j’en suis persuadée.