Déboisement des barthes de l'Adour

30 mai 1987
02m 29s
Réf. 00513

Notice

Résumé :

Au fil du temps la forêt a envahi les barthes de l'Adour, entraînant une profonde modification de la faune. A Saint-Martin-de-Seignanx, la fédération des chasseurs landais s'attelle à un vaste déboisement pour recréer le paysage d'antan et ainsi favoriser la réintroduction d'une faune disparue et notamment des oiseaux migrateurs.

Date de diffusion :
30 mai 1987
Source :

Éclairage

Dans la basse vallée de l'Adour maritime, le gascon barta, " broussaille dans un bas-fond généralement humide ", d'origine prélatine, prend le sens plus précis de " prairie marécageuse vouée traditionnellement à l'élevage extensif des bovins et équins ou à la production des chênes pédonculés ".

Situées dans le lit majeur et donc inondable de l'Adour, les " barthes ", notamment dans le Seignanx, ont été en partie aménagées aux XVIIe et XVIIIe siècles (digues, écluses, fermes). Ce milieu humide propice au gibier d'eau et à l'élevage, qui s'étend sur quelque 12000 ha, est d'un grand intérêt écologique, d'autant qu'il constitue une nécessaire zone d'expansion lors des crues du fleuve ou de son affluent des Gaves réunis en amont de Peyrehorade.

Compte tenu de la valeur de cet héritage, l'association de Chasse Communale Agréée (A.C.C.A) de Saint-Martin-de-Seignanx crée, en 1973, une Réserve de Chasse et de Faune Sauvage (R.C.F.S.) d'une superficie de 79 ha dans les barthes de Lesgau et de Nastre.

À partir de 1982, l'A.C.C.A. de la commune demande à la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes (F.D.C.L.), présidée par Henri Sallenave, d'y mener une opération d'aménagement du site en faveur des oiseaux d'eau. Dès 1984, la Fondation Nationale pour la Protection des Habitats Français de la Faune Sauvage (F.N.P.H.F.F.S.) et la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes acquièrent un premier lot de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (S.A.F.E.R.) sur une superficie de 54 hectares qui s'étend rapidement à 94 ha dans les années suivantes.

Il s'agit, dans cette expérience pilote, de réhabiliter les paysages humanisés traditionnels qui ont disparu, faute de main-d'œuvre masculine au lendemain du premier conflit mondial. Composé en majeure partie de prairies naturelles pacagées ou fauchées, bénéficiant d'un système hydraulique parfaitement entretenu par les propriétaires regroupés dans l'association syndicale des Barthes de la rive droite de l'Adour, ce biotope jadis si bien maîtrisé retourne bientôt à l'état sauvage si bien que, au moment de l'acquisition, la réserve présente un paysage en déshérence, étouffé par les aulnes.

La tâche des " chasseurs-écologistes " est donc lourde d'autant plus que ce programme ne peut être mené à bien dans un secteur qui ne pourrait enrayer l'exode rural et évincer les spéculateurs briguant l'achat de terres destinées à la populiculture et à la maïsiculture.

Sous l'impulsion de la F.D.C.L., un plan d'aménagement est donc conçu par un groupe de travail constitué de plusieurs organismes, parmi lesquels la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt (D.D.A.F.) et la Direction Régionale à l'Architecture et à l'Environnement. Quand les bureaucrates rejoignent les hommes de terrain...

Cette collaboration permet alors de réhabiliter les prairies humides qui constituent les milieux les plus riches en défrichant, en restaurant le réseau de drainage, en favorisant la reconstitution de la faune naturelle, en proposant aux utilisateurs des méthodes de gestion et des pratiques agricoles compatibles avec les contraintes environnementales, tout en demeurant économiquement intéressantes.

Pari gagné puisque, en 1996, dans le cadre du programme Natura 2000, la réserve devient site d'intérêt patrimonial au niveau européen par l'importance de sa richesse avifaunistique. Elle est, de ce fait, classée en Zone de Protection Spéciale (Z.P.S.) quand, peu de temps après, en 1999, l'ensemble des barthes de l'Adour sont classées Site d'Intérêt Communautaire (S.I.C.).

Une reconnaissance après une décennie de travail opiniâtre qui met en exergue le rôle prépondérant du chasseur dans l'équilibre des écosystèmes.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Présentateur
Une autre nature profitant d’un site autrefois réservé à un projet d’autoroute ; les chasseurs landais en bordure de l’Adour tentent de réimplanter une faune qui vivait dans les terres marécageuses que l’on appelle les Barthes de l’Adour. D’ici deux ans, cette réserve, où la chasse sera interdite, d’une superficie de 100 Ha, pourra accueillir 76 espèces animales. Le reportage d’Alain Chollon et Philippe Rives.
Journaliste
Alors que l’on pêche l’alose à la manière ancestrale, sur de faibles embarcations, les berges de l’Adour ont bien changé au fil des ans. La forêt s’est emparée du marais, appelé ici barthes. Ces prairies inondables, essentiellement destinées au pâturage par le passé, ont quasiment disparu entraînant une profonde modification de la faune ; à tel point que face au péril, forcés par les événements, les chasseurs landais sont devenus des forcenés de l’écologie.
Henri Sallenave
Je ne crois pas que nous soyons très différents des écologistes en la matière, parce que le but que nous poursuivons est le même. Seulement, nous le poursuivons, nous, en le réalisant matériellement, en le réalisant sur nos fonds avec nos efforts personnels. Eux ils en parlent beaucoup plus qu’ils n’en font.
Journaliste
N’êtes-vous pas ici dans les Landes des francs tireurs ?
Henri Sallenave
Oh, nous aimons bien, vous savez, ici c’est la Gascogne et nous sommes tout près du pays de D’Artagnan. Nous aimons bien tirer notre rapière, mais ça n’est jamais très méchant et nous n’avons jamais tué personne.
Journaliste
A Saint-Martin-de-Seignanx au sud des Landes, à 15 km à l’est de Bayonne, ces chasseurs écolos déboisent une centaine d’hectares pour recréer le paysager d’antan. Coût de l’opération, deux millions de francs. Et que va-t-on y trouver dans ces Barthes à la fin des années 80 ?
Jacques Recarde
Nous sommes assez optimistes sur la faune, puisque dès que les premiers travaux de dégagement sont intervenus, les prairies mises en place ; nous avons recensé environ 76 espèces d’oiseaux, plus 7 espèces de mammifères. Ici, c’est déjà une halte, c’est sur la ligne de migration, c’est la dernière escale avant les Pyrénées. Et puis, ça se trouve dans la vallée de l’Adour qui est un couloir de migration assez important.
Journaliste
Si cette opération présente un aspect écologique incontestable, elle est aussi indispensable pour la poursuite de la chasse.
Henri Sallenave
Que veut le chasseur ? Sinon avoir des espèces à chasser, et s’il veut avoir des oiseaux à chasser, il faut bien qu’il fasse ce qu’il faut pour.
Journaliste
Année de l’environnement oblige, les chasseurs landais espèrent obtenir un financement européen. Pour l’heure, ils attendent une réponse de Bruxelles. Il faut dire qu’ils ne sont pas seuls à s’emparer du dossier des Barthes de l’Adour. Les producteurs de maïs ont bien des visées sur ces terres en friche.