Mémoire : les courées
30 janvier 2002
03m 26s
Réf. 00086
Notice
Résumé :
Rubrique Mémoire à base d'archives consacrée aux courées, un ensemble de petites maisons toutes semblables se faisant face autour d'une cour privée, attenantes le plus souvent aux filatures de Lille, Roubaix et Tourcoing. Souvent insalubres, elle ont fait depuis la fin des années 1980 l'objet de réhabilitations.
Type de média :
Date de diffusion :
30 janvier 2002
Source :
France 3
(Collection:
Le 12/14 Nord Pas de Calais Picardie
)
Thèmes :
Éclairage
A partir de documents d’archives, cette rubrique Mémoire nous plonge dans l’univers des courées avec un brin de nostalgie pour ce type d’habitat encore très présent dans la métropole. Les témoignages d’habitants de 1975 à 2002 sont très nuancés selon l’état de dégradation ou de rénovation des logements.
Mais qu’est-ce qu’une courée ? C’est un ensemble de petites maisons individuelles répétitives et accolées, construit à l’intérieur d’un îlot urbain. Ce principe était déjà très présent à Lille sous l’Ancien Régime sous la dénomination de cours et courettes pour loger les "petites gens" à Saint-Sauveur ou dans le Vieux Lille. Il en reste de nombreux exemples donnant rue Sainte-Catherine : cour Cado, cour de Polonge, cour Notre-Dame... Mais c’est la révolution industrielle et la nécessité de loger une main d’œuvre ouvrière de plus en plus nombreuse qui permet le développement à grande échelle de cette forme d’habitat en dehors de toute contrainte urbanistique. Les courées sont dans la majorité des cas édifiées par de petits propriétaires, cabaretiers, rentiers ou entrepreneurs en bâtiment qui rentabilisent ainsi leur terrain souvent à l’arrière de leur habitation ou commerce. Les maisons sont minimales : aussi étroites en façade qu’exigües en profondeur, elles peuvent varier de trois mètres sur quatre à quatre mètres sur cinq, la pièce de vie au rez de chaussée et la chambre pour toute la famille à l’étage, avec dans quelques cas, une cave et un grenier. Les ouvertures, porte et fenêtres, donnent sur la cour commune. Les commodités sont collectives : une fontaine dans la cour, des latrines collectives et l’écoulement des eaux dans un caniveau central. Le surpeuplement est la règle ; c’est dire s’il faut une entraide et une solidarité dans la communauté des habitants pour que la vie soit supportable. A Roubaix, on dénombre 1324 courées en 1912 qui rassemblent 48% de la population dans 13 820 maisons. Il en restait 436 et 2700 logements lors du reportage en 2002. Le mouvement est moins accentué à Tourcoing où il restait 100 courées en 1992.
Abattre cet habitat précaire et insalubre ou le rénover ? La question se pose depuis les années 1960. Les grandes opérations de rénovation urbaines à Lille et à Roubaix (Saint-Sauveur, Roubaix 2000) puis l’application de la loi Vivien en 1970 sur la résorption de l’habitat insalubre leur ont été presque fatales. Il s’agit pourtant d’une page de patrimoine de notre région qui trouve ses défenseurs. Des opérations de réhabilitation s’engagent dès les années 1970 : des extensions permettent l’installation de sanitaires individuels (avec douche !) et les habitants, souvent devenus propriétaires, retrouvent le sentiment d’appartenance à une communauté moins ostracisée. Des courées ont même été classées monument historique à Roubaix, signe de leur entrée dans le patrimoine culturel de la métropole.
Mais qu’est-ce qu’une courée ? C’est un ensemble de petites maisons individuelles répétitives et accolées, construit à l’intérieur d’un îlot urbain. Ce principe était déjà très présent à Lille sous l’Ancien Régime sous la dénomination de cours et courettes pour loger les "petites gens" à Saint-Sauveur ou dans le Vieux Lille. Il en reste de nombreux exemples donnant rue Sainte-Catherine : cour Cado, cour de Polonge, cour Notre-Dame... Mais c’est la révolution industrielle et la nécessité de loger une main d’œuvre ouvrière de plus en plus nombreuse qui permet le développement à grande échelle de cette forme d’habitat en dehors de toute contrainte urbanistique. Les courées sont dans la majorité des cas édifiées par de petits propriétaires, cabaretiers, rentiers ou entrepreneurs en bâtiment qui rentabilisent ainsi leur terrain souvent à l’arrière de leur habitation ou commerce. Les maisons sont minimales : aussi étroites en façade qu’exigües en profondeur, elles peuvent varier de trois mètres sur quatre à quatre mètres sur cinq, la pièce de vie au rez de chaussée et la chambre pour toute la famille à l’étage, avec dans quelques cas, une cave et un grenier. Les ouvertures, porte et fenêtres, donnent sur la cour commune. Les commodités sont collectives : une fontaine dans la cour, des latrines collectives et l’écoulement des eaux dans un caniveau central. Le surpeuplement est la règle ; c’est dire s’il faut une entraide et une solidarité dans la communauté des habitants pour que la vie soit supportable. A Roubaix, on dénombre 1324 courées en 1912 qui rassemblent 48% de la population dans 13 820 maisons. Il en restait 436 et 2700 logements lors du reportage en 2002. Le mouvement est moins accentué à Tourcoing où il restait 100 courées en 1992.
Abattre cet habitat précaire et insalubre ou le rénover ? La question se pose depuis les années 1960. Les grandes opérations de rénovation urbaines à Lille et à Roubaix (Saint-Sauveur, Roubaix 2000) puis l’application de la loi Vivien en 1970 sur la résorption de l’habitat insalubre leur ont été presque fatales. Il s’agit pourtant d’une page de patrimoine de notre région qui trouve ses défenseurs. Des opérations de réhabilitation s’engagent dès les années 1970 : des extensions permettent l’installation de sanitaires individuels (avec douche !) et les habitants, souvent devenus propriétaires, retrouvent le sentiment d’appartenance à une communauté moins ostracisée. Des courées ont même été classées monument historique à Roubaix, signe de leur entrée dans le patrimoine culturel de la métropole.
Dominique Mons
Transcription
(musique)
Intervenant 1
Ça se passait à la fin du siècle dernier, un peu à la fois quand la main d’oeuvre de la campagne est, s’est approchée des villes pour travailler dans les usines. Il manquait des logements, et tous ceux qui avaient une petite maison et du terrain disponible ont construit des petites maisons pour loger la main d’œuvre. Et on vécut dans des maisons tout à fait droites, avec une pièce en bas, une pièce en haut, il n’y avait vraiment pas de place, pas de confort, pas de, ce n’était pas hygiénique. Forcément parce que les eaux pluviales descendaient directement dans les cours, il pleuvait, c’était noyé. Vous voyez, il y avait un écoulement d’eau de 60 mètres à nettoyer tous les jours où toutes les eaux sales, les urines, tout ça voyageait.Intervenante 1
Tous les jours, il fallait faire le ruisseau pour que ça ne sente pas.Intervenant 2
Le WC à l'extérieur, ben bien sûr, il faut sortir et…Journaliste 1
L’hiver…Intervenant 2
Et si c’est la nuit, là aussi. Et comme moi, ce que j’ai fait, bon ben, j’ai mis une serrure, parce que dans le temps, il y avait les clochards qui dormaient dedans.Intervenante 2
Ici, il y a des rats y'a des souris, tout est insalubre. Et puis, le plancher est pourri, enfin, il y a plein d’humidité, la baraque est bonne à abattre quoi !Journaliste 1
Est-ce qu’il ne vaut pas mieux les abattre, tous ces logements, finalement ?Intervenante 3
Ah non, hein, pas moi.Intervenant 3
Ah ben voilà, Madame répond en fait !Intervenante 3
On est propriétaires, on ne va pas aller habiter dans un appartement.Journaliste 2
A Tourcoing, il reste un peu plus de 100 courées, souvent comme celle-ci, en état d’insalubrité, inconfort pour les habitants, mauvaise image pour la ville.Journaliste 3
En 1913, Roubaix comptait 1500 courées, il en reste encore aujourd’hui 436, soit 2700 logements dont la moitié sont insalubres.Journaliste 2
Les courées, si longtemps montrées du doigt, ont leurs nostalgiques. Elles ne sont d’ailleurs plus systématiquement vouées aux bulldozers, mieux, à Roubaix, on a pris le parti d’en réhabiliter un certain nombre. Cours, pavés, des clichés qui risquent d’être relégués au rang d’image d’Epinal. Fini le WC collectif, chaque habitation disposera de sanitaires individuels.Intervenant 4
Ça fait que depuis 44 ans que je suis marié, je n’ai jamais connu, ni moi ni ma femme ni mes enfants, de prendre une douche. Et avec tous les progrès que la ville, elle nous avait proposés, ainsi que les aides, donc nous étions très heureux de pouvoir quand même avoir notre petite douche à nous.Journaliste 2
Dans cette courée de la rue de l’Épeule, pour rien au monde, on ne voudrait être relogé ailleurs.Journaliste 1
Les occupants se battent pour y rester au point que nombre d’entre eux ont acheté leur maison, la courée a ses inconditionnels.Intervenant 5
Le secret, moi, d’une courée, même si elle n’est pas toute rénovée, avant elle n’était pas rénovée, hein, puisque il y avait les cabanons, on avait un waters pour les 15 maisons, hein ! C’est les gens qui font la cour, c’est la mentalité des gens dans la cour.Intervenante 4
C’était une vie très proche d’une vie familiale, beaucoup d’entente, beaucoup de, d’aide. C’était vraiment une communauté.Journaliste 1
Un vrai petit coin de paradis dans ce qui fut une sombre cité.Journaliste 2
Comprendre le fonctionnement de la courée, sa place dans le quartier, son esprit de solidarité, une page du patrimoine de notre région.(musique)