Disparition du dernier chevalement d'Hérin
Notice
Disparition du dernier chevalement d'Hérin. Ce chevalement avait été construit en béton en 1920 par la Compagnie d'Anzin au puits n°3. La population assiste très émue à la destruction. Interview d'Alphonse Delpointe, maire de Hérin qui exprime ses regrets.
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Éclairage
La destruction du dernier chevalement d'Hérin, une commune située entre Valenciennes et Denain, témoigne du décalage entre la logique de déclin charbonnier et l'emprise forte de la mine dans les mentalités locales.
La diminution de la production charbonnière est déjà bien entamée en 1978. Alors que le maximum de production régionale avait été atteint après-guerre en 1959 avec 29 millions de tonnes extraites, la production est déjà tombée à moins de 8 millions de tonnes en 1975. La fermeture des mines de la région est encore prévue pour les années 1983-1985 lorsque cette émission est diffusée, même si elle a finalement été retardée jusqu'en 1990 grâce à la politique de relance charbonnière de 1981-1983. Le bassin du Nord-Pas-de-Calais est handicapé par des veines étroites et plus difficiles à exploiter que dans la Ruhr, ou même qu'en Lorraine. Dans cette dernière région, la productivité augmente très fortement après 1945 car des machines de très grandes dimensions (haveuses) peuvent être employées. Le rendement par poste et par jour est de 1,8 tonne en 1975 contre 4 tonnes en Lorraine. Le différentiel grandit plus encore par la suite, alors que les 6,5 tonnes sont atteintes dans l'Est dans les années 1990. L'exploitation charbonnière du Nord-Pas-de-Calais est donc condamnée par son prix de revient trop élevé, auquel s'ajoute une baisse de la consommation de charbon en Europe occidentale. Il faut ajouter que le contexte national n'est pas propice à l'entretien à perte d'une industrie non rentable. Le rythme de croissance annuelle a largement décru depuis la crise pétrolière de 1973. La barre du million de chômeurs a été franchie en 1977, contre un chiffre de 420 000 avant la crise.
Localement toutefois, l'attachement à la mine reste très fort. Hérin appartient à la compagnie d'Anzin, qui a été fondée dès le début du XVIIIe. Elle a été une des pionnières dans l'exploitation du bassin charbonnier, qui a commencée dans les années 1730, puis en encourageant le développement de la sidérurgie et du chemin de fer, dès les années 1830. La compagnie d'Anzin est la première compagnie par sa production, avant d'être dépassée par Lens au début du XXe siècle. La mine d'Hérin compte un chevalement imposant en béton, matériau typique de la première reconstruction, celle qui suit la Première Guerre mondiale. Les multiples corons témoignent de l'emprise de la mine, visible également dans les témoignages des habitants et du maire, Alphonse Delpointe. L'expression "La Mine c'était à nous" témoigne du lien affectif existant avec l'exploitation houillère, en particulier depuis la nationalisation de 1944. En effet, la grève des mineurs de 1941, brutalement réprimée, avait suscité un grand ressentiment dans la population régionale, qui a conduit à la suspension de la hiérarchie dès octobre 1944, quelques semaines après la Libération. La nationalisation des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais intervient dès le mois de décembre 1944, plus d'un an avant la création des Charbonnages de France en mai 1946. La nationalisation, ajoutée à l'action sociale des Houillères en matière de logement, de santé, d'éducation ou de loisirs, démontre que l'activité charbonnière n'était pas qu'un emploi parmi d'autres, mais une société à part entière. Enfin, la destruction du chevalement et la mention de l'arasement du terril témoignent de l'absence de volonté de préservation du patrimoine minier à l'époque, loin du classement au Patrimoine mondial de l'Humanité attribué par l'Unesco au "Bassin minier Unesco" en 2012. La population locale perd ses repères. Elle doit donc s'adapter brutalement à un environnement socio-culturel nouveau.