La dernière remontée du puits de l'Escarpelle
Notice
Reportage sur la dernière remontée du puits 9 de l'Escarpelle où des mineurs casqués aux visages noircis donnent leurs impressions pour ce dernier jour de travail. Ils sont à la fois tristes et inquiets quant à leurs reconversions, leurs retraites et à la silicose.
- Europe > France > Nord-Pas de Calais > Nord > Roost-Warendin
Éclairage
Alors que la mine de l'Escarpelle, située à Roost-Warendin, aurait dû être la dernière à fermer dans le Bassin minier en 1991, l'exploitation est finalement interrompue dès le mois d'octobre 1990, quelques mois avant le 10 d' Oignies. La fosse 9 de l'Escarpelle est donc la dernière à fermer dans le département du Nord.
La régression charbonnière est une dynamique ancienne. Elle est liée au prix de revient élevé des charbons extraits dans la région. Le plan Jeanneney de 1960, puis le plan Bettencourt de 1968 officialisent le déclin de l'exploitation. Le maximum de production après-guerre de 29 millions de tonnes atteint à la fin des années cinquante est divisé par trois en 1974, avec 9 millions de tonnes. Les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais voient en parallèle leurs effectifs chuter de 220 000 en 1947 à 62 000 en 1972. A cette époque, il était même envisagé initialement de fermer les puits en 1983. Les courtes relances de l'après crise pétrolière et celle tentée par le gouvernement Mauroy pendant un peu plus d'une année ont repoussé l'échéance de sept années. C'est la fin d'une exploitation commencée au début du XVIIIe siècle, depuis la découverte de charbon à Fresnes-sur-Escaut en 1720. Les bassins de Lorraine et de Gardanne, plus rentables, restent en activité jusqu'au début du XXIe siècle. Le dernier puits de charbon exploité en France a fermé en Lorraine en avril 2004.
Si la fin de l'exploitation charbonnière dans le Nord-Pas-de-Calais est programmée depuis longtemps, à l'Escarpelle les syndicats s'étaient battus pour son raval en 1984, elle n'empêche pas le sentiment de tristesse des mineurs interrogés. Sur le plan social, les mineurs démobilisés bénéficient de deux mesures. Ceux qui atteignent 45 ans peuvent prendre le congé charbonnier de fin de carrière (CCFC) de cinq ans qui permet d'assurer une transition avec la préretraite assurée à 50 ans, sous réserve d'un certain nombre d'années passées au fond. Ils continuent à bénéficier des avantages en nature comme le logement gratuit. La retraite anticipée s'explique notamment par le vieillissement prématuré lié à l'extraction minière. Aux problèmes articulaires et musculaires s'ajoute la silicose, en particulier depuis le développement des marteaux-piqueurs. L'un des mineurs interrogé est d'ailleurs déjà touché par cette maladie grave. Les mineurs ne pouvant partir en retraite bénéficient de mesures de reconversion : une formation professionnelle doit les aider à retrouver un emploi. Ces mesures existent depuis la fin des années cinquante. Dès 1959, certaines zones de l'ouest du bassin minier ont touché des aides pour faciliter leur reconversion. La reconversion des mineurs, et plus généralement de la population active du bassin minier, est donc une politique de longue haleine, menée depuis trente ans à la date de l'émission. Ces mesures ont déjà bénéficié à de nombreux mineurs, partis travailler dans d'autres secteurs d'activités ou d'autres entreprises publiques comme Renault ou EDF. Les mineurs de fond sont toutefois plus difficiles à embaucher du fait des maladies professionnelles qu'ils sont susceptibles de développer. Enfin, la situation est plus difficile pour ceux qui ont souhaité rester à la mine jusqu'à la fin car le chômage a atteint 10% de la population active en 1985, et bien plus dans le Bassin.