La dernière remontée des mineurs à la fosse 9/9 bis d'Oignies
Notice
En direct de la fosse 9/9 bis d'Oignies, on assiste à la remontée de la dernière gaillette qui marque l'arrêt définitif de l'exploitation charbonnière dans le Nord-Pas-de-Calais. Olivier Montels interroge les mineurs sur leurs sentiments et sur l'avenir.
Éclairage
La dernière remontée des mineurs à Oignies marque la fin de l'exploitation charbonnière dans le Bassin du Nord-Pas-de-Calais, commencée avec la découverte de charbon à Fresnes-sur-Escaut en 1720. Quelques mois plus tôt, en octobre 1990, le dernier puits du département du Nord avait fermé à l'Escarpelle. Pour l'occasion, FR3 a organisé une émission spéciale à la sortie du puits de mine, pour accueillir les derniers mineurs. Chacun remonte avec une gaillette. La réaction du mineur interrogé témoigne bien de l'ambivalence des sentiments de la population du Bassin minier : la tristesse domine mais sa famille est soulagée.
En effet, sur le plan social, les mineurs démobilisés bénéficient de deux mesures. Ceux qui atteignent 50 ans peuvent prendre leur retraite anticipée, sous réserve d'avoir passé 20 années au fond, et continuent à bénéficier des avantages en nature comme le logement gratuit. Un dispositif spécifique, le "congé charbonnier de fin de carrière" (CCFC), permet même de partir dès 45 ans. La retraite anticipée s'explique notamment par le vieillissement prématuré lié à l'extraction minière. Aux problèmes articulaires et musculaires s'ajoute la silicose, d'où le "soulagement" de la famille du mineur interrogé. Par ailleurs, les mineurs ne pouvant partir en retraite bénéficient de mesures de reconversion : une formation professionnelle doit les aider à retrouver un emploi. Ces mesures existent, sous des formes diverses, depuis les années soixante. De nombreux mineurs, partis travailler dans d'autres secteurs activités ou d'autres entreprises publiques comme Renault ou EDF, en ont bénéficié. La situation est toutefois plus difficile pour ceux qui souhaitent rester à la mine jusqu'à la fin car le chômage a atteint 10% de la population active en 1985, et bien plus dans le Bassin.
La régression charbonnière est une dynamique ancienne. Elle est liée au prix de revient élevé des charbons extraits dans la région. Le plan Jeanneney de 1960, puis le plan Bettencourt de 1968 officialisent le déclin de l'exploitation. Le maximum de production après-guerre de 29 millions de tonnes atteint à la fin des années cinquante est divisé par trois en 1974, avec 9 millions de tonnes. A cette époque, il était même envisagé initialement de fermer les puits en 1983. Après le Nord, les bassins de Lorraine et de Gardanne, plus rentables, restent en activité jusqu'au début du XXIe siècle.
L'émission insiste particulièrement sur les enjeux de l'après-mine. Il s'agit tout d'abord de développer de nouvelles activités. Or la jonction entre les ouvriers français et britanniques creusant chacun de leur côté le tunnel de la Manche s'est déroulée quelques jours plus tôt, le 1er décembre 1990 (1). Le tunnel témoigne de la vocation de carrefour du Nord-Pas-de-Calais, qui se trouve au centre d'une zone dynamique et dense de l'Europe du Nord-Ouest, entre Angleterre, Benelux et France. Il ne suffit toutefois pas de bénéficier d'infrastructures de transport pour entraîner un développement économique. Encore faut-il que les touristes s'arrêtent dans la région. C'est tout l'enjeu de l'autre dynamique évoquée rapidement par l'un des intervenants, celle de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine minier. Le site dit du " 9/9bis" des mines d' Oignies sur la commune de Dourges fait d'ailleurs l'objet d'investissements importants. Dans le cadre du projet BMU (Bassin minier Uni), qui a permis d'obtenir le classement du Bassin minier au Patrimoine mondial de l'Humanité à l'été 2012, un certain nombre de sites majeurs vont faire l'objet d'une promotion particulière autour de thématiques précises. Si le développement durable est mis à l'honneur à l'écopôle de Loos-en-Gohelle, et l'histoire à Lewarde, c'est la musique qui sera au cœur du site de Oignies avec l'ouverture d'un centre de formation, de studios de création, d'un espace de sensibilisation et d'une salle de spectacle, le Métaphone. Des activités économiques seront également présentes (immobilier de bureau, accueil du tourisme d'affaire) car ce site est situé en bordure de la plate-forme multimodale Delta 3, établie sur un ancien site minier. Le lieu est donc symbolique de la capacité de reconversion du Bassin minier.
(1) Décidé en 1984, la concession de cet ouvrage à Eurotunnel date de 1986. Les travaux commencent en 1987 et l'exploitation débute en 1994